Les priorités numériques du mandat 2020-2026
Devenu omniprésent et essentiel, le numérique va continuer à occuper une place prépondérante dans la gestion locale. Les élus doivent piloter plusieurs dossiers.
Préparer l’arrivée de la fibre
La bonne couverture du territoire en très haut débit (plus de 30 Mbit/s) reste un objectif central pour les maires, internet étant devenu un service aussi essentiel que l’eau ou l’électricité, comme l’a illustré l’épisode du confinement au printemps 2020 avec notamment le recours massif au télétravail. Dans le cadre du plan de relance, l’État consacrera 240 millions d’euros à la poursuite du plan France très haut débit.
Si les pouvoirs du maire sont limités dans le domaine des réseaux de télécommunication, les élus peuvent faciliter l’arrivée du THD. Ils peuvent ainsi signaler les trous de couverture mobile aux « équipes projet » du « New Deal Mobile ». Et si leur commune est retenue, ils pourront accélérer la mise en service du pylône en louant un terrain viabilisé à l’opérateur pilotant les travaux. Pour ne laisser personne sans connexion, ils peuvent mobiliser la 4G fixe, le satellite ou encore les technologies hertziennes, selon les territoires.
En matière de fibre optique, le gouvernement a prévu de desservir 80 % du territoire d’ici 2022, 100 % entre 2025 et 2030. Or, environ la moitié des locaux restaient à fibrer mi-2020. Si les projets sont gérés à l’échelle départementale ou régionale, les maires ont un rôle important : élaboration d’un plan d’adressage dans les hameaux isolés, intégration des armoires FTTH (« Fibre optique jusqu’au domicile ») aux plans d’urbanisme, instruction accélérée des permissions de voirie, sensibilisation des habitants et copropriétés aux bénéfices de la fibre… Enfin, pour la connectivité de proximité, la création de points Wifi gratuit améliorera la couverture des espaces publics, intérieurs comme extérieurs.
Gouverner la donnée territoriale
La transition numérique se traduit par la gestion de volumes de données toujours plus importants pour optimiser et piloter les services locaux. Celles-ci ne proviennent plus uniquement des applications métiers – état civil, gestion des écoles, urbanisme, aide sociale… – mais aussi d’un nombre croissant de capteurs et d’objets connectés. Le mobilier urbain (horodateurs, lampadaires, abribus…), les infrastructures réseaux (eau, gaz, électricité) comme les bâtiments communaux sont de plus en plus « instrumentés » pour mesurer des flux, des polluants ou assurer la maintenance des équipements publics. Autant de données dont les maires vont devoir organiser la collecte, le traitement, l’exploitation et l’archivage, en mettant en œuvre une « gouvernance » de la donnée.
Les collectivités ont de plus des obligations légales sur leurs données. Elles doivent assurer la protection des données personnelles qu’elles soient nominatives (aides, élections, cantines…) ou indirectement identifiantes (traces GPS, consommations d’énergie…).
Le respect du règlement général de la protection des données (RGPD) n’est pas une option, quelle que soit la taille de la commune. En cas de vol ou de destruction des données, le maire s’expose aux sanctions de la Cnil. Le gendarme de la vie privée tiendra compte de l’ampleur du préjudice mais aussi des mesures prises par la municipalité pour se conformer au RGPD, comme la désignation d’un délégué à la protection des données (mutualisable entre communes).
Les communes de plus de 3 500 habitants ont enfin pour obligation d’« ouvrir » leurs données. Toutes les données de la collectivité (urbanisme, voirie, environnement, éducation, culture…), à l’exclusion des données personnelles, doivent ainsi être publiées dans des formats exploitables par des machines. Un dossier qui, là encore, doit être «mutualisé » par exemple à l’échelle intercommunale pour maximiser les réutilisations citoyennes comme marchandes.
La crise du covid-19 a rebattu les cartes des priorités numériques. Pour l’AMF, plus que jamais, l’urgence est d’achever la couverture du territoire en très haut débit. L’objectif de desservir l’ensemble du territoire en fibre optique, comme c’est la norme pour l’eau et l’électricité, doit être assumé par le gouvernement en y affectant les moyens financiers. L’ensemble des technologies hertziennes doivent ensuite être mobilisées pour apporter une solution d’attente là où il
n’y a rien. Cela implique d’affecter des fréquences aux collectivités qui le souhaitent pour proposer du THD radio.
Il s’agit surtout d’achever la couverture 4G, prévue par le New Deal Mobile, qui apparaît prioritaire par rapport aux incertitudes et critiques qui pèsent sur la 5G. Comme l’ont montré les études de couverture réalisées par les collectivités, les dotations départementales en pylônes sont insuffisantes pour résorber toutes les zones blanches.
La crise sanitaire a enfin servi de révélateur aux drames de l’illectronisme. Accès au travail, à l’éducation, au droit, à la sociabilité ou au divertissement… La liste des inégalités est à la mesure de l’emprise du numérique sur la société. Permettre au plus grand nombre d’utiliser ces outils et proposer des alternatives à ceux qui «ne s’y mettront jamais » relève de l’urgence sociale. Cela exige de financer les moyens humains nécessaires aux collectivités pour proposer un accompagnement.
Protéger la collectivité des cyberattaques
La dépendance au numérique a pour corollaire d’en faire une infrastructure vulnérable. Le moindre incident informatique empêche le bon fonctionnement des services publics. Aux pannes matérielles s’ajoutent aujourd’hui les cyberattaques, de plus en plus nombreuses et ciblées. Les rançongiciels ou cryptovirus se révèlent ainsi particulièrement redoutables en paralysant, en quelques heures, l’ensemble des postes de travail et serveurs de la collectivité. En l’absence de sauvegardes, ce sont des milliers de documents perdus à jamais et la remise à flot du système d’information se révèle longue et coûteuse. On invitera les élus à suivre scrupuleusement les recommandations de l’ANSSI – qui précise notamment qu’il ne faut jamais payer la rançon – et à recourir aux services de la plateforme d’aide cybermalveillance.gouv.fr en cas d’attaque (1). La résilience numérique, autrement dit la capacité de la collectivité à assurer la continuité des services en cas d’attaques, doit constituer un objectif prioritaire.
Lutter contre l’illectronisme
Environ 20 % de la population française rencontre aujourd’hui des difficultés face au numérique. Remédier à l’illectronisme implique une stratégie de formation au numérique des agents d’accueil, (guichet, CCAS, maisons de quartier…) pour orienter des usagers déboussolés par la dématérialisation, prêts à renoncer à leurs droits plutôt que d’affronter internet. Le besoin d’accompagnement concerne aussi les commerçants dépassés par le numérique ou encore les jeunes, à l’aise avec leur smartphone mais incapables de rédiger un CV en ligne. L’État consacrera 250 millions d’euros à la lutte contre l’illectronisme dans le cadre du plan de relance. Ce chantier est à mener avec les acteurs associatifs et les services publics locaux (Pôle Emploi, CAF…). Il gagnera aussi à s’appuyer sur des lieux physiques : une maison de services aux publics ou un « tiers lieux » cumulant espace de formation, d’innovation territoriale et accueil de nouvelles activités. Des lieux « transverses », à l’image du chantier de la transition numérique territoriale.
(1) 90 000 victimes ont cherché de l’assistance en 2019 sur la plateforme cybermaveillance.gouv.fr
• Guide de sensibilisation au RGPD pour les collectivités territoriales.
https://www.cnil.fr
• Guide de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). https://bit.ly/3mgQ5Wn
• L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). https://agence-cohe sion-territoiresgouv.fr (rubrique numérique).
• Le tableau de bord du New Deal Mobile
https://www.arcep.fr
À lire
• «Cybersécurité : protéger le poste de travail des agents et des élus », fiche parue dans Maires de France, n° 378, avril 2020, p. 37.
• «Rendre les outils numériques de la collectivité accessibles à tous », fiche parue dans Maires de France, n° 376, février 2020, p. 55.
La carte nationale d’identité électronique (Cnie) arrivera en juillet 2021, contribuant à consolider «les » identités électroniques régaliennes. France connect permet en effet d’ores et déjà de simplifier l’identification des usagers sur les sites administratifs. Ce connecteur permet de préremplir des formulaires avec des informations issues de sites tiers comme les impôts. La Cnie et le passeport, associés à un smartphone ou à un dispositif physique, vont accélérer la dématérialisation des procédures exigeant un haut niveau d’authentification.
Cet article a été publié dans l'édition :
- Plan de relance : les principales mesures et... des interrogations
- Analyse - La répartition des compétences en matière d'aides économiques
- Les fonds européens expliqués aux élus locaux
- Covid-19 : comment les régions adaptent la gestion des fonds européens
- Le maire et le virus
- Fiscalité : l'AMF s'oppose à la baisse des impôts économiques locaux
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- Il faut passer d'une décentralisa tion descendante à une décentralisation ascendante
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