La bonne couverture du territoire en très haut débit (plus de 30 Mbit/s) reste un objectif central pour les maires, internet étant devenu un service aussi essentiel que l’eau ou l’électricité, comme l’a illustré l’épisode du confinement au printemps 2020 avec notamment le recours massif au télétravail. Dans le cadre du plan de relance, l’État consacrera 240 millions d’euros à la poursuite du plan France très haut débit.
Si les pouvoirs du maire sont limités dans le domaine des réseaux de télécommunication, les élus peuvent faciliter l’arrivée du THD. Ils peuvent ainsi signaler les trous de couverture mobile aux « équipes projet » du « New Deal Mobile ». Et si leur commune est retenue, ils pourront accélérer la mise en service du pylône en louant un terrain viabilisé à l’opérateur pilotant les travaux. Pour ne laisser personne sans connexion, ils peuvent mobiliser la 4G fixe, le satellite ou encore les technologies hertziennes, selon les territoires.
En matière de fibre optique, le gouvernement a prévu de desservir 80 % du territoire d’ici 2022, 100 % entre 2025 et 2030. Or, environ la moitié des locaux restaient à fibrer mi-2020. Si les projets sont gérés à l’échelle départementale ou régionale, les maires ont un rôle important : élaboration d’un plan d’adressage dans les hameaux isolés, intégration des armoires FTTH (« Fibre optique jusqu’au domicile ») aux plans d’urbanisme, instruction accélérée des permissions de voirie, sensibilisation des habitants et copropriétés aux bénéfices de la fibre… Enfin, pour la connectivité de proximité, la création de points Wifi gratuit améliorera la couverture des espaces publics, intérieurs comme extérieurs.
La transition numérique se traduit par la gestion de volumes de données toujours plus importants pour optimiser et piloter les services locaux. Celles-ci ne proviennent plus uniquement des applications métiers – état civil, gestion des écoles, urbanisme, aide sociale… – mais aussi d’un nombre croissant de capteurs et d’objets connectés. Le mobilier urbain (horodateurs, lampadaires, abribus…), les infrastructures réseaux (eau, gaz, électricité) comme les bâtiments communaux sont de plus en plus « instrumentés » pour mesurer des flux, des polluants ou assurer la maintenance des équipements publics. Autant de données dont les maires vont devoir organiser la collecte, le traitement, l’exploitation et l’archivage, en mettant en œuvre une « gouvernance » de la donnée.
Les collectivités ont de plus des obligations légales sur leurs données. Elles doivent assurer la protection des données personnelles qu’elles soient nominatives (aides, élections, cantines…) ou indirectement identifiantes (traces GPS, consommations d’énergie…).
Le respect du règlement général de la protection des données (RGPD) n’est pas une option, quelle que soit la taille de la commune. En cas de vol ou de destruction des données, le maire s’expose aux sanctions de la Cnil. Le gendarme de la vie privée tiendra compte de l’ampleur du préjudice mais aussi des mesures prises par la municipalité pour se conformer au RGPD, comme la désignation d’un délégué à la protection des données (mutualisable entre communes).
Les communes de plus de 3 500 habitants ont enfin pour obligation d’« ouvrir » leurs données. Toutes les données de la collectivité (urbanisme, voirie, environnement, éducation, culture…), à l’exclusion des données personnelles, doivent ainsi être publiées dans des formats exploitables par des machines. Un dossier qui, là encore, doit être «mutualisé » par exemple à l’échelle intercommunale pour maximiser les réutilisations citoyennes comme marchandes.
La dépendance au numérique a pour corollaire d’en faire une infrastructure vulnérable. Le moindre incident informatique empêche le bon fonctionnement des services publics. Aux pannes matérielles s’ajoutent aujourd’hui les cyberattaques, de plus en plus nombreuses et ciblées. Les rançongiciels ou cryptovirus se révèlent ainsi particulièrement redoutables en paralysant, en quelques heures, l’ensemble des postes de travail et serveurs de la collectivité. En l’absence de sauvegardes, ce sont des milliers de documents perdus à jamais et la remise à flot du système d’information se révèle longue et coûteuse. On invitera les élus à suivre scrupuleusement les recommandations de l’ANSSI – qui précise notamment qu’il ne faut jamais payer la rançon – et à recourir aux services de la plateforme d’aide cybermalveillance.gouv.fr en cas d’attaque (1). La résilience numérique, autrement dit la capacité de la collectivité à assurer la continuité des services en cas d’attaques, doit constituer un objectif prioritaire.
Environ 20 % de la population française rencontre aujourd’hui des difficultés face au numérique. Remédier à l’illectronisme implique une stratégie de formation au numérique des agents d’accueil, (guichet, CCAS, maisons de quartier…) pour orienter des usagers déboussolés par la dématérialisation, prêts à renoncer à leurs droits plutôt que d’affronter internet. Le besoin d’accompagnement concerne aussi les commerçants dépassés par le numérique ou encore les jeunes, à l’aise avec leur smartphone mais incapables de rédiger un CV en ligne. L’État consacrera 250 millions d’euros à la lutte contre l’illectronisme dans le cadre du plan de relance. Ce chantier est à mener avec les acteurs associatifs et les services publics locaux (Pôle Emploi, CAF…). Il gagnera aussi à s’appuyer sur des lieux physiques : une maison de services aux publics ou un « tiers lieux » cumulant espace de formation, d’innovation territoriale et accueil de nouvelles activités. Des lieux « transverses », à l’image du chantier de la transition numérique territoriale.
(1) 90 000 victimes ont cherché de l’assistance en 2019 sur la plateforme cybermaveillance.gouv.fr
À lire
• «Cybersécurité : protéger le poste de travail des agents et des élus », fiche parue dans Maires de France, n° 378, avril 2020, p. 37.
• «Rendre les outils numériques de la collectivité accessibles à tous », fiche parue dans Maires de France, n° 376, février 2020, p. 55.