« Les collectivités pourront-elles investir autant qu'auparavant ? »
Une enquête récente (1) a pointé la baisse de l'investissement du bloc local en 2020 estimée à « plus de 10 % » par rapport à l'année 2019. Communes et EPCI souhaitent cependant maintenir leurs investissements. Or, plusieurs freins risquent de ralentir les projets. Propos recueillis par Xavier Brivet
Philippe Laurent, maire de Sceaux (92), secrétaire général de l’Association des maires de France
« Clairement, non. Les collectivités locales subissent un triple effet d’étranglement financier : la perte de recettes liée à la crise sanitaire et économique en cours que l’État n’a pas assez compensée, la disparition de l’autonomie fiscale et la hausse des coûts de personnel. Les villes moyennes et grandes sont surtout concernées : elles rendent les services publics de proximité, qui mobilisent beaucoup de personnels et pour lesquels les « gains de productivité » ne sont pas possibles, et n’ont perçu aucune compensation pour les pertes de recettes tarifaires. Leur épargne brute est de nouveau en baisse, comme en 2014-2017 lors de la baisse brutale de la dotation globale de fonctionnement. Compte tenu de leur trop grande dépendance aux dotations d’État à la suite de la suppression des impôts locaux, les maires n’ont aucune certitude sur leurs recettes à moyen terme, qui sont devenues des variables d’ajustement des finances de l’État. Ils resteront donc prudents sur le recours à la dette, fût-elle très peu chère. Comme leur capacité d’autofinancement est amoindrie, ils freineront donc les investissements ou en étaleront la réalisation, alors que leur rôle est déterminant dans la relance économique. Les communes sont les principaux investisseurs publics, avec plus de 30 milliards d'euros chaque année (syndicats compris). Une baisse de 10 % de ce volume annuel entraîne la perte d’environ 30 000 emplois. »
Thomas Rougier, secrétaire général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL*)
« Pour le bloc communal, ce sera difficile, compte tenu des incertitudes actuelles et du net repli de 2020, lié à l’effet de cycle en année électorale aggravé par la pandémie. Les ambitions des décideurs locaux en matière d’investissement reposent en grande partie sur leur capacité à mobiliser un autofinancement solide et sur un accès à des conditions d’emprunt stimulantes. Sur ce second point, la situation est bonne mais il faut souhaiter qu’elle le reste sous peine de freiner les projets, sans compter d’éventuelles réglementations sur le niveau de dette. Sur l’autofinancement, l’État apporte un soutien notoire en matière de dotation d’investissement mais les collectivités sont inquiètes pour les ressources fiscales, tarifaires, domaniales, etc. La crise et la réforme fiscale placent le bloc communal dans une situation tendue. Seule la préservation des dotations de fonctionnement versées par l’État durant la prochaine mandature offrirait des perspectives plus favorables que sur le cycle 2014-2019. Côté marges sur les dépenses de fonctionnement, la poursuite des efforts entrepris par les élus sur le mandat précédent est conditionnée au volume des interventions rendues nécessaires par la crise actuelle (volets sanitaire, social, économique). D’où des incertitudes que les acteurs locaux et nationaux devront lever pour satisfaire aux besoins et aux ambitions sur les territoires. »
* www.collectivites-locales.gouv.fr/ofgl
(1) Enquête réalisée par l’AMF et la Banque des territoires sur les conséquences financières de la crise sanitaire (www.amf.asso.fr, réf. BW40578).
Cet article a été publié dans l'édition :
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