Scrutin de liste paritaire : quel impact en 2026?
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la réforme du mode de scrutin divise les élus. Si certains y voient une contrainte, d'autres, au contraire, saluent ce changement.

Un calendrier serré, en particulier pour les maires qui se représentent comme Sébastien Populaire, maire de Touillon-et-Loutelet (240 habitants, Doubs). «C’était en effet dans les tuyaux depuis un petit bout de temps mais au regard de l’actualité, on ne voyait pas cette réforme arriver avant les prochaines élections », confie-t-il.
« La tardiveté de la loi entraîne des conséquences opérationnelles et génère des difficultés, des inquiétudes ou des crispations, notamment par rapport à la constitution des listes, confirme Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF et maire de Lampertheim (3 475 habitants, Bas-Rhin). Les élus sont confrontés à ce changement que nous avions vécu pour les communes de moins de 3 500 habitants [loi du 17 mai 2013 étendant aux communes de 1 000 habitants et plus le scrutin de liste paritaire]. Mais les listes ont été constituées et les inquiétudes ont toutes été levées au moment des votes », veut rassurer l’élue.
L’enjeu : mobiliser les femmes
La constitution des listes paritaires dans les petites communes pose cependant question. Sur le fond, les maires n’ont pas de problème avec la parité et y sont favorables. Philippe Moisson, maire de Saint-Loup-des-Chaumes (18) et président de l’Association des maires du Cher, regrette d’ailleurs «que pour instaurer la parité, on soit obligé de passer par une loi ». Et de poursuivre : «Dans ma commune de 300 habitants, nous sommes 6 hommes et 5 femmes. C’est mon cinquième mandat de maire et j’ai toujours eu des femmes dans mes conseils municipaux. À partir du moment où vous ne leur demandez pas de s’engager et n’allez pas les chercher, vous n’allez pas avoir de femmes. »
Dans sa commune, Sébastien Populaire explique avoir fait cette démarche lors de sa dernière campagne, en essayant de convaincre les femmes de s’engager mais sans succès, son conseil municipal comptant ainsi 9 hommes et 2 femmes.
Atteindre la parité est, depuis des années, le cheval de bataille de Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (1 466 habitants, 43) et coprésidente du groupe de travail égalité femmes-hommes de l’AMF. Selon elle, le constat est sans appel : «sans contrainte paritaire, pas d’égalité. Maintenant que c’est une obligation, on sent qu’il y a moins de discussions sur le terrain », se réjouit-elle. Elle rejoint cependant ses collègues maires sur le fait qu’il va falloir convaincre les femmes de s’investir et aussi les rassurer.
« Les femmes invoquent plus facilement leur charge professionnelle, leur charge familiale pour estimer qu’elles ne vont pas avoir suffisamment de temps à consacrer au mandat », pointe Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (2 433 habitants, 41) et co-présidente du groupe de travail sur les conditions d’exercice du mandat de l’AMF.
Au-delà de la question de la parité, c’est bien celle de l’engagement qui inquiète, un engagement citoyen qui est d’ailleurs au cœur de la campagne lancée par l’AMF, en juillet dernier. «Il va être difficile de trouver des femmes, ça se confirme, mais j’ai également le retour d’un maire qui me dit que ce sera très compliqué pour lui parce qu’il ne trouve pas d’hommes », souligne Sandrine Gauthier-Pacoud, présidente de l’Association des maires du Jura (AMJ) et maire des Mesnois (200 habitants, lire ci-dessous).
Panachage, une fin qui rebat les cartes
Constituer une liste paritaire sera, qui plus est, un peu plus difficile pour les maires qui se représentent et qui devront faire sortir des hommes de leur équipe pour respecter l’exigence de parité. Christian Rochet raconte avoir eu «du mal à motiver les administrés » pour les prochaines élections dans sa commune des Moussières (150 habitants). «Je me suis déjà bagarré afin de réunir 10 personnes pour s’engager. Alors comment en plus appliquer la parité ? » Après deux mandats, il a préféré jeter l’éponge.
Autre territoire rural, autre réalité : le Cher. «Il n’y a pas de levée de boucliers » de la part des élus, rapporte Philippe Moisson qui compte «sur les doigts d’une main les maires faisant part de difficultés ».
Pour lui, la généralisation du scrutin de liste est positive. «J’entends les propos sur la fin du panachage qui est jugée parfois anti-démocratique. Mais désormais, vous aurez une liste bloquée de personnes qui ont envie de travailler ensemble, ce que le “tir au pigeon”, avec le fait de pouvoir rayer des noms, pouvait parfois contrecarrer. Et les mécontents peuvent aussi constituer une autre liste. » Les avis restent cependant partagés entre les élus.
Catherine Lhéritier voit dans cette réforme «une sécurité et plus de sérénité pour l’élu qui conduit la liste. Ça favorise l’existence d’une majorité autour d’un chef de liste pour conduire l’action municipale ». Murielle Fabre complète : «nous sommes sur une liste de personnes qui veulent mettre en place un projet pour leur commune et sincèrement, aujourd’hui, toutes les communes ont besoin d’avoir des projets incarnés et portés par des personnes. Nous avons vu des conseils municipaux ne pas fonctionner parce qu’il n’y avait pas cette fédération de personnes [que permet la constitution d’une liste]. Je perçois donc la réforme plus dans un esprit positif car cela peut créer une émulation différente, avec peut-être plusieurs listes et un débat démocratique ».
Sébastien Populaire est plus réservé et craint même pour la vitalité démocratique : «dans les petites communes, tout le monde se connaît. Au-delà des projets présentés, le vote repose aussi, très concrètement, sur la confiance que l’on accorde à des personnes avec qui l’on vit au quotidien. L’élection municipale reste un scrutin qui mobilise, avec un taux de participation relativement élevé. Mais si les citoyens ne peuvent plus sélectionner leurs représentants, cela peut entraîner une abstention accrue ». Lui avait une autre proposition de réforme en tête : un scrutin binominal paritaire, comme pour les élections départementales, «qui aurait permis de préserver cette liberté de choix tout en assurant la parité et la construction de projets collectifs ».
Reste aujourd’hui aux maires et candidats à mener un travail d’information et de pédagogie car dans les villages, les citoyens ne sont pas forcément bien au courant des nouvelles règles du scrutin, et risquent d’arriver le 15 mars au bureau de vote avec… leur stylo, qui sera désormais inutile.

Sandrine Gauthier-Pacoud, maire des Mesnois (200 habitants, Jura) et présidente de l’Association des maires du Jura
« Nous craignons
la difficulté de constituer des listes »
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Raccourci : mairesdefrance.com/28697
Cet article a été publié dans l'édition :
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