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Maires de France


Pratique
01/01/1970 DECEMBRE 2021 - n°396
Environnement Santé

Pollution sonore. Les pouvoirs du maire

Le maire dispose des pouvoirs de police pour limiter les nuisances et prévenir les atteintes à la tranquillité publique.

Fabienne Nedey
© AdobeStock
La pollution sonore est un sujet ardu pour les élus locaux, à cause de sa nature polymorphe (multiplicité des sources), de son caractère subjectif (les bruits ne sont pas perçus et tolérés de la même façon par chacun), de politiques nationales qui manquent de conviction et de lisibilité, d’un cadre réglementaire complexe… Dans leur ensemble, les collectivités peinent donc à se mobiliser sur cette thématique. Mais c’est un fait : la lutte contre le bruit incombe en premier lieu au maire, qui dispose des pouvoirs de police générale et spéciales (de la santé publique, de la circulation) pour agir.
 

Réglementer : la responsabilité du maire

En vertu des pouvoirs de police générale qui lui sont dévolus par le Code général des collectivités territoriales (article L. 2212-2) et du pouvoir de police spéciale qui lui est attribué par le Code de la santé publique (article L. 1311-2), le maire prend les mesures visant à prévenir les atteintes à la tranquillité publique. Il réglemente par arrêté les activités bruyantes sur le territoire communal, d’une façon proportionnée dans le temps et dans l’espace (pas d’interdiction générale et absolue).

Le maire qui s’abstiendrait de telles mesures ou qui n’agirait pas pour faire cesser des nuisances sonores établies et répétées dont il a connaissance, commettrait une faute engageant la responsabilité de la commune. Une lourde sanction a ainsi été prononcée pour ces motifs, par la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 31 décembre 2020 (req. n°18BX03649), contre une commune ainsi que, solidairement, contre l’État (car le préfet aurait dû mettre en demeure le maire d’agir et, à défaut, intervenir lui-même).
 

Réprimer les différentes sources de bruit

Différentes sanctions, pénales ou administratives permettent de réprimer les nuisances sonores. S’agissant du pénal, dès lors que l’infraction est caractérisée, le responsable écope au moins d’une amende. Mais attention : les éléments constitutifs de l’infraction diffèrent selon les catégories de bruit.

Bruits d’activité. Lorsque la nuisance sonore a pour origine une activité professionnelle (restaurant, entreprise, supermarché, atelier, hôpital, etc.) ou une activité sportive, culturelle ou de loisirs, l’atteinte à la tranquillité ou à la santé est caractérisée si ce bruit dépasse des valeurs limites fixées par le Code de la santé publique (CSP). La sanction implique un constat avec mesures acoustiques (à l’aide d’un sonomètre).
Pour les lieux recevant du public et diffusant des sons amplifiés (discothèques, salles de concerts, salle des fêtes, etc.), c’est le Code de l’environnement qui fixe des valeurs maximales et définit des sanctions pénales et administratives. Le maire peut faire constater les infractions par la réalisation de mesures sonométriques.

Bruits de comportement. L’article R.1334-31 du CSP énonce qu’« aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité ou à la santé, dans un lieu public ou privé ». Sont visés les bruits domestiques de la vie quotidienne : téléviseurs, bricolage, aboiements, instruments de musique, fêtes, etc. Il suffit que le bruit soit intensif, répétitif ou qu’il dure (un seul critère suffit) pour que le trouble soit caractérisé. Et aucune mesure acoustique n’est nécessaire. De plus, le Code pénal (article R.623-2) réprime ces mêmes bruits lorsqu’ils ont lieu entre 22 heures et 7 heures (constat d’infraction également sans mesure acoustique).

Bruits sur les chantiers. Pour les nuisances sonores ayant pour origine un chantier de travaux publics ou privés, l’atteinte à la tranquillité ou à la santé est caractérisée en cas de non-respect des conditions fixées par les autorités compétentes (jours ou heures de réalisation des travaux, modalités d’utilisation des matériels…), d’absence de «précautions appropriées » pour limiter le bruit, ou de «comportement anormalement bruyant ». Le législateur n’a pas fixé de seuil acoustique à respecter. Le maire peut demander la présentation des documents de conformité du matériel, contrôler l’efficacité des dispositifs d’insonorisation et même suspendre le chantier si nécessaire.

Bruit des deux-roues. Les nuisances sonores générées par les deux-roues à moteur sont réglementées par l’article R. 318-3 du Code de la route. Les policiers municipaux figurent au rang des agents verbalisateurs habilités à les constater. L’article R. 325-8 dudit code prévoit l’immobilisation d’un véhicule paraissant exagérément bruyant et impose sa présentation à un service de contrôle doté de matériel de mesure. Le contrevenant s’expose à une contravention et ne se verra restituer son véhicule qu’après vérification de la remise en conformité du système d’échappement.


Rappelons aussi les moyens issus de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés, qui apporte un cadre juridique pour prévenir et réprimer des agissements qui ne faisaient pas, auparavant, l’objet d’une incrimination pénale spécifique. L’exploitation a posteriori d’images de vidéoprotection peut constituer un outil dans leur répression (caractériser les différents éléments constitutifs de l’infraction, identifier les auteurs, etc.). Le projet de loi «responsabilité pénale et sécurité intérieure », qui devait être voté en novembre, durcit la répression contre les rodéos urbains.  
 

Prévenir

Sur la prévention du bruit, tout ou presque reste à inventer. Mais on peut citer quelques initiatives intéressantes.Certaines grandes agglomérations ont innové, en allant au-delà de l’obligation réglementaire de produire les cartes stratégiques du bruit et d’adopter un plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE).

Ainsi, Reims Métropole (51) travaille sur des solutions de réduction de l’impact sonore des infrastructures routières, propose avec la ville de Reims des actions sur la médiation des conflits de bruits de voisinage, s’efforce de faire converger les mesures sur le bruit et sur l’air. Tandis que Toulouse Métropole (31) a mis en place un Observatoire du bruit autour d’un réseau de capteurs sur des secteurs à enjeux et projets urbains.

À Périgueux (24) ou Amiens (80), des chartes de la vie nocturne ont été adoptées. Metz (57) a lancé une campagne de communication «Chuuut je dors » auprès des clients des cafés, bars et restaurants, avec les commerçants concernés.

Lorient (56) participe à un projet de recherche dont l’objectif est de mettre au point des outils représentant de façon plus réaliste l’environnement sonore auquel sont exposés les habitants (réseau de capteurs installés dans le centre-ville, habitants volontaires pour enregistrer le bruit…). Citons aussi la société du Grand Paris qui a publié un livre blanc «Silence chantier » pour que les acteurs concernés s’emparent de pistes d’amélioration de l’environnement sonore autour des zones de travaux.

Un droit à «un environnement sonore sain »
La loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a inscrit la notion de «pollution sonore » dans le Code de l’environnement (la substituant au terme précédemment utilisé de «nuisances sonores ») et reconnu un droit à «un environnement sonore sain ». L’idée n’était pas de créer un droit opposable au silence. Mais les conséquences de l’existence de ce droit, en particulier pour les collectivités, restent à ce jour mal définies. Un avis du Conseil national du bruit est attendu prochainement. 

 

AVIS D'EXPERT
Laurianne Rossi, présidente
du Conseil national du bruit,
députée des Hauts-de-Seine
« Les maires doivent prendre leurs responsabilités »
« Le bruit est un enjeu de santé publique. Il concerne 20 millions de Français, exposés quotidiennement à un niveau de bruit pénible, dont 9 millions à des seuils dangereux pour la santé. Les pouvoirs publics, au plus haut niveau, tout comme les élus locaux, doivent en prendre conscience. Aujourd’hui, la pollution sonore n’est pas appréhendée à sa juste hauteur.
Chacun doit prendre ses responsabilités. Les maires en particulier. Je comprends qu’ils se sentent démunis face à la multiplicité des sources (transports, bruits de chantiers, sons amplifiés, véhicules motorisés, bruits de voisinage…). Mais ce sont eux qui disposent des pouvoirs de police permettant d’agir et il faut qu’ils s’en saisissent.
Se pose, bien sûr, la question des moyens : matériels (équipement en sonomètres, en priorité) et humains (de la police municipale, mais pas seulement). Je constate en effet qu’il n’y a pas, dans la plupart des villes, d’autres agents territoriaux dédiés à ces questions. Le maire a pourtant toute capacité à créer une cellule bruit, des médiateurs du bruit, etc. Et il n’y a nulle part, à ma connaissance, un adjoint au maire délégué au “bruit” qui serait l’interlocuteur désigné pour les administrés concernés. Il faut se retrousser les manches et travailler ensemble, notamment pour creuser des pistes innovantes, par exemple sur la prévention du bruit. »

 

En savoir +
• Le Conseil national du bruit (CNB). Cette commission consultative placée auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire publie des guides, dont le «Guide de résolution amiable des bruits de voisinage à l’usage des collectivités, associations, gestionnaires immobiliers » de mai 2020. Elle organise le concours des Décibels d’or ainsi que des échanges avec les élus locaux notamment, en lien avec le CIDB.
• Le Centre d’information sur le bruit (CIDB) est un centre de ressources référent pour les acteurs concernés par la qualité sonore.
• Assises nationales de la qualité de l’environnement sonore, à Paris, les 25 et 26 janvier 2022.

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