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Maires de France

Votre mandat
01/01/1970 mars 2020 - n°377
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Maire et secrétaire de mairie, un tandem indispensable à préserver

Interfaces entre les habitants et les élus, les secrétaires de mairie sont les chevilles ouvrières de la gestion municipale en milieu rural. La complexité de leur métier nécessite de renforcer leur formation. Par Monique Castro

 « Couteaux suisses », « chevilles ouvrières », « polyvalents », les mêmes mots reviennent dans la bouche des élus locaux à l’évocation du rôle incontournable des secrétaires de mairie. Elles – ce sont des femmes à 94 % – sont recrutées majoritairement dans les communes de moins de 3 500 habitants. Dans son Panorama de l’emploi territorial 2019, la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) fait un focus sur les secrétaires de mairie et dénombre « 14 317 agents recensés sur emploi permanent » sur la base des bilans sociaux 2017 consolidés au niveau national. L’éventail de leurs missions est impressionnant : gestion de l’état civil, préparation et rédaction des documents administratifs, budgétaires et techniques, accueil des usagers, suivi et mise en œuvre des décisions du conseil municipal, etc. Si le cadre d’emplois des secrétaires de mairie est en voie d’extinction depuis 2001 (aucun recrutement, ni promotion n’est possible dans ce cadre d’emplois), le métier, lui, existe bel et bien et les agents qui l’exercent relèvent, pour la plupart d’entre eux, de deux autres cadres d’emplois de catégorie B et C (lire ci-dessous).
 

De nombreuses missions

Contrairement aux craintes manifestées par leur principal syndicat, le développement de l’intercommunalité et des communes nouvelles, qui se sont traduits par des efforts de rationalisation, n’ont pas entraîné une diminution de leur recrutement (lire ci-dessous). Aujourd’hui, le problème n’est pas tant la disparition annoncée de ce métier que la difficulté rencontrée par les élus pour les recruter. Difficile de séduire quand les communes proposent des postes à temps non complet. Certaines secrétaires de mairie sont à cheval sur trois, quatre, voire six communes. « Ma secrétaire de mairie, je la bichonne, déclare Sophie de Gibon, maire de Canteloup (Calvados, 172 habitants). C’est dur pour les communes de moins de trois cents habitants d’en recruter une, la mienne ne vient que 5h30 par semaine mais elle doit faire 40 km aller et retour. » Secrétaire générale de l’Union des maires du Calvados, elle déplore aussi « l’inflation législative » qui rend le travail de secrétaire de mairie et le sien si difficile à accomplir. « Depuis 2008 que je suis élue, c’est affolant toutes les nouvelles lois. » La complexité du cadre juridique des collectivités et la pluralité de leurs missions ne facilitent pas en effet le recrutement des secrétaires de mairie. L’AMF et le Syndicat national des directeurs généraux de collectivités (SNDGCT) ont ainsi créé un groupe de travail commun pour cerner précisément l’éventail des missions des secrétaires de mairie en 2020, bâtir un référentiel de compétences et mettre en face une offre de formation adaptée. D’autant plus que le métier s’est transformé avec la dématérialisation des procédures et des échanges, que ce soit avec la trésorerie, la préfecture, mais également avec tous les administrés. « Les secrétaires de mairie qui sont sur le départ disent que le métier s’est plus transformé ces cinq dernières années qu’en trente ans », souligne Lola Claudel, chargée de mission « secrétaires de mairie » au centre de gestion des Vosges (CDG 88), en pointant le besoin de formation des agents en la matière. Leur recrutement risque de se tendre car, dans le même temps, beaucoup d’entre elles vont massivement partir à la retraite dans les années à venir. Au niveau national, la FNCDG estime que dans les dix prochaines années, un tiers des secrétaires de mairie recensé en 2017 partiront à la retraite. Le CDG 88 a, par exemple, réalisé une étude en 2017 dans laquelle il relève que 50 secrétaires de mairie en fonction dans des communes de moins de 500 habitants ont plus de 55 ans.
 

Le métier s’est transformé avec la dématérialisation des procédures et des échanges.
 

Campagne de recrutement dans les Vosges

Pour attirer les candidats dans cette zone très rurale, le centre de gestion des Vosges a lancé « une grande campagne de recrutement sans sélection dans les communes de moins de 1 500 habitants », explique Lola Claudel. Tous ceux qui le souhaitaient, quels que soient leurs niveaux scolaires ou leurs parcours professionnels, pouvaient s’inscrire. Ce qui ne voulait pas dire que tous seraient pris. Après une présentation pendant deux heures du métier de secrétaire de mairie, sur 200 personnes, la moitié s’est désistée. Ceux qui sont restés ont été évalués sur leur orthographe, leur niveau informatique et leur connaissance des collectivités locales. 40 ont été retenus pour passer un entretien et seuls 15 ont été acceptés pour suivre une formation, en lien avec Pôle emploi. « Le taux d’insertion est de 100 % trois mois après la fin de la formation », se réjouit Lola Claudel. Aux côtés des cours théoriques, la formation de 45 jours se compose de trois semaines de stage en mairie où une secrétaire de mairie « tutrice » leur apprend le métier. Sa complexité est telle que le centre de gestion des Vosges propose aux élus un accompagnement du secrétaire de mairie lors de sa prise de poste. « Auparavant, il y avait une amicale des secrétaires de mairie, se souvient Lola Claudel, mais, aujourd’hui, la secrétaire de mairie se sent très isolée. C’est pour cela que le centre de gestion prend le relais de l’amicale en proposant des séminaires thématiques suivis d’échanges. » Pour s’adapter aux évolutions du métier, Sophie Hébras, secrétaire de la mairie de Château-Chervix, un village de 800 habitants en Haute-Vienne, suit également des formations. Mais c’est généralement seule qu’elle trouve les réponses à ses questions. « J’ai toujours aimé chercher, précise-t-elle. Je regarde d’abord si je trouve assez de renseignements sur Internet, et quand j’ai des doutes, je me rends à la préfecture ou au Trésor public pour obtenir des précisions. »  Au besoin, elle téléphone à des collègues et leur demande comment elles règlent telle ou telle situation. La mutualisation des expériences passe aussi par l’échange (des e-communautés ont été conçues par le CNFPT pour celles et ceux qui veulent échanger sur l’action publique locale. Il existe une communauté « Secrétaire de mairie »).
 

Mutualisation des expériences et formation dans l’Aude

«  Quand je suis arrivé dans le département, raconte Francis Paiva, directeur de l’antenne audoise du CNFPT, je me suis vite rendu compte qu’il y avait un gros besoin de formation, notamment des secrétaires de mairie qui sont les piliers des communes mais font face à une pénurie d’offre de formation. » En dix ans, 320 secrétaires de mairie ont suivi la formation mise au point par le CNFPT : le cycle se tient sur 24 jours au total, composé de onze modules obligatoires recouvrant tout le champ d’intervention des secrétaires de mairie : élaboration du budget, gestion de la liste électorale, de l’état civil, droit de l’urbanisme, gestion des cimetières, etc. Pour mettre au point cette formation, Francis Paiva a regroupé environ 40 secrétaires de mairie expérimentées et volontaires pour définir avec elles les besoins. « Nous aurions voulu que cette formation soit diplômante mais, pour l’instant, cela n’a pas abouti, reconnaît-il, alors on leur distribue un diplôme d’honneur. » Il n’existe pas de formation spécifique au métier de secrétaire de mairie, la seule qui pourrait en faire office est le DUT (diplôme universitaire de technologie) de gestion administrative. « Mais rares sont les maires de petites communes qui recrutent à Bac+2, indique Lola Claudel. Beaucoup de nouveaux élus ne connaissent pas le métier et recrute une secrétaire sans se rendre compte de l’ampleur de ses tâches et de leur complexité. Nombreuses sont celles qui abandonnent. » Une réalité que Magali Moinard, présidente du Syndicat national des secrétaires de mairie, dénonce également en rappelant que le terme de «secrétaire » est totalement inadapté à la profession, ce qui conduit à des confusions. « De nombreux maires se plaignent de l’incompétence de leur secrétaire de mairie et les licencient, ajoute-t-elle, c’est quand même eux qui les ont recrutées ! Je me souviens d’une secrétaire de mairie qui avait été embauchée après avoir travaillé à Intermarché. Elle m’a appelée pour me dire qu’elle n’y arrivait pas. » Francis Paiva met en garde les élus et leur rappelle que secrétaire de mairie est un métier à part : « Une secrétaire lambda ne peut pas le faire compte tenu des compétences requises. Une secrétaire de mairie doit savoir ce qu’est un budget, connaître le cadre juridique des collectivités pour rappeler au maire ce qu’il a le droit de faire ou pas. Aux côtés du maire, elle est le pivot de la mairie. Ce métier ne s’improvise pas. » 

 

Un cadre d’emplois en extinction
Le cadre d’emplois de secrétaire de mairie (filière administrative) n’existe plus depuis 2001. La majorité des secrétaires de mairie ont intégré soit le cadre d’emplois des adjoints administratifs territoriaux (catégorie C), soit celui de rédacteurs territoriaux (catégorie B). « Sur la fiche de paie, la mention de secrétaire de mairie n’est plus indiquée », regrette Magali Moinard, présidente du Syndicat national. Est-ce cette modification qui a entraîné un moindre sentiment d’appartenance à la profession ? Le nombre d’adhérents au Syndicat national des secrétaires de mairie est en tout cas passé de 1 500 en 1991 à 200 en 2019. Ce qui a conduit ce syndicat à annuler son congrès de 2019 faute de participants, alors qu’il aurait dû fêter ses 30 ans.

 

Les regroupements de communes ne sont pas une menace
La disparition des secrétaires de mairie était prédite, à plus ou moins long terme, par leur principale organisation représentative, le Syndicat national des secrétaires de mairie, lors de son congrès de 2007. En cause, la montée en puissance des EPCI, les transferts de compétences et la mutualisation de moyens entre les communes, puis la création des communes nouvelles (774 entre 2010 et 2019, fusionnant 2 508 communes). Or, ces regroupements ne se sont pas traduits forcément par la suppression de postes : quand deux communes fusionnent, les deux secrétaires de mairie travaillent souvent ensemble dans la mairie centre et se répartissent les tâches. De la même manière, quand des communes ­mettent en commun certains services spécialisés ­complexes (passation des marchés publics...), cela ne remet pas systématiquement en cause les postes de secrétaire de mairie. « Il y a une concentration des pouvoirs au sein des EPCI et nous avons le sentiment de devenir les exécutants de décisions prises ailleurs », regrette Jack Brie, maire de Gugniez-Aux-Aulx (Vosges, 170 habitants). Mais l’élu ne s’inquiète pas pour l’avenir des secrétaires de mairie. « Elles ne sont pas remises en cause, estime-t-il, car nous aurons ­toujours dans les communes la maîtrise de l’urbanisme ou du budget. Les secrétaires de mairie sont le maillon indispensable des maires ruraux. Le tandem que forme le ou la maire avec “ son ” ou “ sa ” secrétaire de mairie est un élément déterminant de la réussite du mandat municipal. » 

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

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