Loi anti-gaspillage et économie circulaire : principales mesures
La loi du 10 février 2020 crée notamment de nouvelles filières de recyclage et renforce les moyens de lutte contre les dépôts sauvages.
1. Bâtiment
Diagnostic gestion des produits, matériaux et déchets (article 51) : la loi impose la réalisation, à compter du 1er juillet 2021, d’un diagnostic gestion des produits, matériaux et déchets des bâtiments voués à la démolition ou devant faire l’objet d’une réhabilitation significative. On notera que les sanctions initialement prévues par le projet de loi ont été retirées.
Une obligation un peu similaire, et très peu respectée, existait déjà pour les travaux concernant des surfaces de plus de 1 000 m2. Nouveautés : le diagnostic est un peu mieux précisé dans son contenu : le texte fait le lien avec la finalité de la démarche, la valorisation, et il introduit une notion de traçabilité. Un décret en Conseil d’État définira le seuil d’application (cette mesure serait prohibitive pour les petites surfaces), ainsi que les modalités de réalisation du diagnostic. Il serait souhaitable qu’il délimite aussi des familles de matériaux à recenser.
Modalités et coûts de gestion des déchets dans les devis de travaux de bâtiments et de jardinage (article 106) : cette mesure vise l’information des particuliers commanditaires de tels travaux. Les devis doivent mentionner, notamment, les installations dans lesquelles les déchets seront acheminés. Avec le renforcement des contraintes de traçabilité, les collectivités accueillant ce type de flux en déchetteries devront délivrer un bordereau de dépôt aux entreprises. Ces dernières s’exposent à une amende de 3 000 € si elles ne produisent pas le document au client ou en cas de contrôle. Il faut donc s’attendre à un afflux de demandes de bordereau en déchèteries.
2. Achats publics
Consommation de plastiques, production de déchets, biens issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées (article 55) : au 1er janvier 2021, les acheteurs publics devront veiller, lors de leurs achats, «dès que cela est possible », à réduire la consommation de plastiques à usage unique, la production de déchets, privilégier les biens issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées, en prévoyant des clauses et critères spécifiques dans leurs cahiers des charges. Cette disposition ne figurera pas le code de la commande publique, ce qui l’assimile à «un vœu pieux » selon les juristes.
Fournitures et consommables (article 58) : au 1er janvier 2021, « les biens acquis annuellement par les collectivités territoriales et leurs groupements doivent être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ». A priori, cette disposition vise surtout des fournitures et consommables. Un décret en Conseil d’État fixera la liste des produits concernés et, pour chaque produit, les taux à respecter.
Pneumatiques (article 60) : tous les pneumatiques achetés par les collectivités doivent être rechapés « sauf si une première consultation s’est révélée infructueuse ». Cette obligation devra être inscrite dans les cahiers des charges pour les achats de pneus, mais aussi dans les marchés « opérateurs » utilisant des véhicules avec des pneus (par exemple les marchés de collecte des déchets).
La loi est difficile à lire en tant que telle, parce qu’elle a beaucoup rationalisé les dispositions de la section déchets du code de l’environnement. Auparavant, les REP étaient réparties dans toute une série d’articles du code. Désormais, la loi propose un article unique qui énumère toutes les REP, le L. 541-10-1.
Implicitement, cela signifie que les dispositions relatives au REP auront vocation à terme à s’appliquer de façon indifférenciée à toutes les filières listées dans cet article. Aujourd’hui encore, les filières gardent souvent des règles spécifiques qu’il faudra continuer à harmoniser dans les textes réglementaires à venir.
3. Déchets
Responsabilité élargie du producteur (REP, article 62) : outre la mise en place de nouvelles filières REP et l’extension de filières REP existantes (lire ci-dessus), la loi introduit des nouveautés en matière de responsabilité élargie du producteur. Par exemple, en application de la directive cadre européenne 2018, une obligation de participer au financement de la résorption des dépôts sauvages est mise à la charge de toutes les REP.
Concernant la REP emballages, la loi fixe, dans les départements d’Outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un taux de prise en charge financière des coûts de 100 % (alors qu’il est de 80 % en métropole), tant que les performances de collecte y sont inférieures à celles de métropole. Cette disposition implique de définir à court terme deux enveloppes financières pour la REP emballages et deux barèmes (un pour la métropole, l’autre pour l’Outre-mer).
Consigne (article 66) : objet de débats houleux pendant des mois, la consigne sur les bouteilles en plastique, à laquelle les acteurs du déchet et les associations d’élus étaient farouchement hostiles, a fait l’objet d’un compromis. L’objectif retenu est de réduire de 50 % d’ici 2030 la mise sur le marché de bouteilles plastiques à usage unique. Un rapport sera établi avant septembre 2020 par l’Ademe sur les taux de performances de collecte et recyclage. L’agence établira tous les ans au 1er juin une évaluation des performances effectivement atteintes l’année précédente. Après le bilan 2023, au vu des résultats, le gouvernement décidera, en concertation, de la mise en place ou pas d’un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi. La décision finale sera appuyée par une «évaluation des impacts économiques et environnementaux » qui sera d’une importance capitale, le gisement devant, en toute logique, être considérablement réduit à l’horizon 2023 par rapport à aujourd’hui.
Emballages à usage unique (article 7) :
la loi indique que la France « se donne pour objectif la disparition des emballages à usage unique d’ici 2040 ».
Dépôts sauvages (article 93 et suivants) :
l’AMF, très mobilisée sur la lutte contre les dépôts sauvages, a obtenu partiellement satisfaction sur l’amélioration des procédures existantes.
• La 1re procédure relève du Code de l’environnement. La loi autorise désormais les maires à infliger aux contrevenants une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 € puis à faire procéder d’office à l’enlèvement des déchets aux frais de la personne mise en demeure, dans un délai ramené à 10 jours. Comme avant, une astreinte de 1 500 € par jour peut être prononcée. Le produit de l’astreinte, comme celui de l’amende, sera recouvré par la commune ou l’EPCI compétent.
• La 2e procédure relève du CGCT. Il est désormais possible de procéder d’office à l’enlèvement des déchets aux frais de la personne mise en demeure, lorsque les dépôts encombrent la voie publique.
À noter : le maire peut exiger du propriétaire d’une épave de voiture qu’il l’enlève. À défaut, et après un délai de 10 jours, l’élu fait procéder à l’enlèvement.
Boues (article 86) : la loi débloque la situation de crise traversée par la filière des boues de stations d’épuration depuis l’an dernier. Elle prévoit la révision, au plus tard le
1er juillet 2021, des «référentiels réglementaires » sur l’innocuité environnementale et sanitaire applicables aux boues d’épuration en vue de leur usage au sol. Ce n’est donc qu’au 1er juillet 2021 que l’usage au sol de ces boues, seules ou en mélanges, brutes ou transformées, sera interdit si elles ne respectent pas lesdits référentiels. Cela laisse environ dix-huit mois pour trouver une solution, sans que le législateur précise ce que l’on fera des boues qui n’atteindront pas les critères de qualité.
Fin définitive des composts issus d’ordures ménagères brutes en 2027 (article 87) : Le compost issu d’ordures ménagères brutes produit par des installations de tri mécano-biologique sera définitivement supprimé au 1er janvier 2027, la loi interdisant, à cette date « d’utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost ».
ESS (article 57) : les collectivités doivent permettre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire «d’utiliser les déchèteries communales comme lieux de récupération ponctuelle et de retraitement d’objets en bon état ou réparables ». Elles sont tenues de prévoir une zone de dépôt pour les produits pouvant être réemployés et doivent laisser l’accès à ces zones aux entreprises de l’ESS qui le demandent (dans le cadre de conventions). Ces zones devront forcément être dans des locaux fermés et couverts, pour ne pas compromettre le réemploi des objets. Cela risque de poser un enjeu de place et d’organisation en déchèteries. Pour un bénéfice environnemental qui risque d’être limité, dans la mesure où, avec l’explosion des ventes sur internet de produits de seconde main, la qualité des apports en déchetteries s’est beaucoup dégradée. Il y a beaucoup moins de produits en état d’utilisation.
• De nouvelles filières REP sont créées par la loi : en 2022 pour les mégots, jouets, articles de sport et de bricolage et les bouteilles de gaz ; en 2024 pour les lingettes et gommes à mâcher ; en 2025 pour les filets de pêche. Avec les mégots, chewing-gums et lingettes, on assiste à la naissance des premières REP visant purement des objectifs de salubrité et non de recyclage : c’est un modèle différent de celui que l’on connaissait jusque-là.
• Les déchets du bâtiment entrent aussi dans un dispositif de REP. À elle seule, cette filière, qui se mettra en place en 2022, représentera, en tonnages et en chiffres d’affaires, plus que toutes les autres REP réunies. Sa mise en œuvre sera difficile pour des raisons techniques (qui tiennent à la diversité des acteurs, des métiers et des matériaux), d’acceptabilité des professions concernées et du fait des conditions fixées par la loi pour la collecte (« sans frais » et avec des «conditions minimales de maillage des points de reprise »).
• Sur les emballages professionnels, la loi met enfin la législation française en accord avec la législation européenne, puisque jusque-là la REP française ne couvrait que les emballages ménagers. Cette nouvelle REP sera mise en place, dans des délais très courts s’agissant des cafés, hôtels, restaurants (1er janvier 2021), puis elle concernera l’ensemble des autres emballages professionnels au 1er janvier 2025.
• Plusieurs REP existantes ont été étendues :
les textiles de décoration pour la maison sont répartis entre deux filières : la filière textiles pour les rideaux et les tapis dans la filière ameublement. L’extension de la filière des déchets chimiques aux flux provenant des artisans ne manquera pas de générer des difficultés de mise en œuvre, les flux concernés n’étant pas définis dans la loi.
Cet article a été publié dans l'édition :
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