Loi Montagne II : bilan mitigé trois ans après son adoption
Les élus misent sur la future loi « 3D » afin que le principe de différenciation soit renforcé pour gérer leur commune.
Trente ans après la première loi Montagne du 9 janvier 1985, la loi de 2016 devait permettre la prise en compte des mutations de ces territoires sur les plans touristique, numérique, de l’accès aux services publics ou de l’agriculture. En matière de services publics, si la carte scolaire est « relativement bien adaptée » aux zones de montagne, la question de l’accès aux soins reste problématique, selon le rapport. Sur le plan numérique, la zone de montagne reste « moins couverte que la moyenne du territoire, mais les écarts se résorbent progressivement », grâce au « New Deal mobile », et à la loi Élan de 2018 qui facilite l’implantation d’antennes-relais. Dans le domaine agricole, les députés préconisent de renforcer la « stratégie prédateurs » (loup, ours) pour protéger le pastoralisme.
Sur la prise en compte de la spécificité de la montagne, l’ambition du texte était forte : il s’agissait de « renforcer le droit d’adaptation des politiques publiques aux particularités de ces territoires ». Mais le principe même de différenciation peine à s’appliquer dans les territoires de montagne, déplore le rapport.
Deux décrets non publiés
Selon Annie Genevard, députée du Doubs, présidente de l’Association nationale des élus de montagne (Anem) et co-rapporteure du projet de loi Montagne II, un « point dur » reste la prise en considération des charges propres aux territoires de montagne. Si l’adaptation de la fiscalité est effectivement engagée dans ces territoires, elle reste « partielle ». Les rapporteurs observeront une « vigilance particulière » concernant la réforme des zones de revitalisation rurales (ZRR) que le gouvernement devrait annoncer d’ici à l’été prochain.
Les élus locaux placent beaucoup d’espoir dans la future loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration). La ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a annoncé la mise en place d’un groupe de travail spécifique à la montagne dans le cadre de l’élaboration de ce texte, qui devrait être présenté avant l’été. L’intégration de deux membres de l’Anem au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la création d’un programme spécifique « ruralités-montagne » devrait aussi permettre de défendre la spécificité de ces territoires (lire ci-dessus).
Sur le plan règlementaire, les élus attendent toujours la parution du décret relatif à l’exonération de taxe sur la consommation intérieure de produits énergétiques (TICPE) pour les activités de collecte du lait en montagne, et du texte portant sur les obligations d’équipements des véhicules en période hivernale en zone de montagne – qui devrait être prêt pour la prochaine saison, selon la Délégation à la sécurité routière.
Autre difficulté : le décret du 10 mai 2017, refondant le régime des unités touristiques nouvelles (UTN), a été partiellement annulé par le Conseil d’État le 26 juin 2019, en ce qu’il ne soumettait pas à évaluation environnementale les UTN des territoires non couverts par un PLU ou un Scot – dites «UTN résiduelles ». Les rapporteurs appellent ainsi à adopter aussi vite que possible un nouveau texte. Ils demandent aussi une « application différenciée » de la circulaire « zéro artificialisation nette » en zone de montagne «de manière à (…) ne pas accentuer les refus de construction en discontinuité ».
Caroline SAINT-ANDRÉ
(1) https://bit.ly/3aUE7Lc
(2) Les députés Marie-Noëlle Battistel (Isère), Jean-Bernard Sempastous (Hautes-Pyrénées), Frédérique Lardet (Haute-Savoie) et Vincent Rolland (Savoie).
Le gouvernement a annoncé, le 10 janvier, lors du Conseil national de la montagne, la création d’un programme « ruralités-montagne ». Piloté par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), il s’inscrit en complément du dispositif France tourisme ingénierie porté par Atout France depuis 2018 pour accroître les investissements touristiques dans les territoires, et qui pourrait être prolongé après 2021. L’Anem, qui participe à ce programme, souhaite qu’un dispositif remplace le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), afin de soutenir l’activité en montagne.
Cet article a été publié dans l'édition :
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