Carvin va au-devant des décrocheurs
La commune (Pas-de-Calais, 17 100 habitants) a conçu en 2015 un programme de réinsertion sur mesure pour les jeunes inactifs et éloignés des institutions.

À l’acronyme NEET – pour « Not in Employment, Education or Training », les jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont pas en emploi, en études ou en formation, Carvin, commune au cœur de l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, a répondu par l’acronyme NOE, pour « Nouvel objectif emploi ». « Nous avons fait de l’accès à l’emploi une obsession, qu’il s’agisse des plus de 50 ans ou des jeunes, voire des très jeunes en nous investissant dans le programme de réussite éducative », explique Philippe Kemel, maire de Carvin depuis 2001. Indicateur officiel de la Commission européenne depuis 2010, l’appellation NEET concerne d’une année à l’autre et selon l’âge observé, autour de deux millions de personnes en France.
66 %
des jeunes ont trouvé une «sortie » positive vers l’emploi,
la formation ou un dispositif d’accompagnement.
L’analyse des besoins sociaux (ABS), réalisée en 2016, a permis à Carvin de cerner sa population de NEET ou de « décrocheurs » dans un langage plus familier. L’ABS a révélé, pour les 15 et 24 ans (environ 2 000 jeunes), un faible taux d’emploi, un arrêt précoce de la scolarité ainsi qu’un niveau de qualification plus bas que la moyenne nationale. « Le décrochage scolaire, c’est la première rupture qui en entraînera d’autres, jusqu’à la désocialisation complète », explique Philippe Kemel. Pour ce public, la commune, via son CCAS, a donc imaginé, en 2015, le dispositif NOE en le finançant via le Fonds social européen et l’Initiative pour l’emploi des jeunes qui couvrent 90 % du budget dont le coût est de 120 000 €. « Nous nous positionnons avant la mission locale, précise Joël Ferri, directeur du CCAS. Si on parle directement à ces jeunes de formation, on est face à un mur. » NOE s’articule autour d’un accompagnement « global, souple et adapté en assurant un coaching personnalisé vers et dans la formation ou l’emploi ».
Repérer et agir
Tout commence par une action de repérage sur les lieux de vie et de passage des décrocheurs, en collaboration avec les partenaires, comme les clubs sportifs. « Nous devons aller vers ce public et gagner sa confiance », commente Joël Ferri. Pour intensifier ce repérage, le CCAS a missionné un éducateur social qui va au contact sur des horaires atypiques, en soirée et le week-end. « Le passage de cet agent dans nos rues et en bas des immeubles permet aussi de régler des problèmes de voisinage, les habitants étant parfois gênés par la présence de jeunes oisifs », souligne Philippe Kemel.
Une fois la confiance gagnée, le jeune établit avec un coach en insertion du CCAS un diagnostic complet de sa situation pour en dégager un plan d’actions et contractualiser un engagement réciproque. Ce plan comporte des ateliers individuels et collectifs, certains visant à acquérir des savoir-être et l’esprit d’équipe, d’autres à lever les freins à l’insertion (mobilité, maîtrise de l’outil informatique…). Le point commun à ces différents ateliers étant que chaque participant reprenne confiance en lui. « Pour ces jeunes, l’enlisement dans une vie sans projet est très rapide, remarque Joël Ferri. Ils restent entre eux, essayant de tuer l’ennui. Ils se résignent et sont vite dans l’incapacité de se projeter. »
Dans la dernière phase de l’accompagnement, les jeunes peuvent effectuer des visites d’entreprise ou même des phases d’immersion leur permettant de valider leur projet professionnel. « Nous avons pu construire ce dispositif car le CCAS avait déjà une expérience en insertion professionnelle et les compétences en interne nécessaires », précise le directeur. En trois ans, l’équipe de NOE, composée d’un coach en insertion, d’un conseiller socio-professionnel et d’un chargé de relation entreprises, a réalisé environ 300 repérages qui ont donné lieu à plus de 160 accompagnements. Pour 66 % des participants, le programme a abouti à une « sortie positive » vers l’emploi, la formation ou un dispositif d’accompagnement complémentaire, par exemple un service civique. Néanmoins, ces bons résultats ne peuvent masquer une réalité inquiétante : le public de NOE se renouvelle chaque année avec des décrocheurs toujours plus jeunes, hors des radars dès l’âge de 16 ans.
À l’échelle nationale, le PIC
Lancé en 2018 et piloté par le ministère du Travail, le plan d’investissement dans les compétences (PIC) vise à former, entre 2018 et 2022, un million de jeunes éloignés du marché du travail et ayant vite arrêté leurs études, et un million de demandeurs d’emploi de longue durée faiblement qualifiés (1). L’ambition est de « démontrer que tout n’est pas joué à la fin de la scolarité » en finançant des parcours de formation qualifiants vers les métiers en tension ou émergents. En région, le PIC se décline sous la forme des « pactes pluriannuels d’investissement dans les compétences 2019-2022 ».
(1) https://travail-emploi.gouv.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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