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Maires de France


Juridique
01/11/2019
Sport

La nouvelle gouvernance nationale du sport

La loi du 1er août 2019 a sécurisé juridiquement l'existence de l'Agence nationale du sport (ANS), créée en avril. Elle fait évoluer la gouvernance des politiques sportives.

Fabienne NEDEY
La nouvelle gouvernance du sport, mise en œuvre à travers la création de l’Agence nationale du sport (ANS), s’inscrit dans un projet ambitieux pour revitaliser le sport en France : développer les pratiques sportives, garantir l’accès au sport dans les quartiers sensibles des villes et espaces ruraux, favoriser le développement de la pratique paralympique, multiplier le nombre de médaillés olympiques, promouvoir le sport au féminin… 
Sur le papier, cette nouvelle gouvernance doit mettre fin à une politique nationale du sport pilotée exclusivement par l’État et organiser un partage des responsabilités entre les acteurs. 

L’ANS doit apporter son concours aux projets et aux acteurs, notamment aux collectivités locales et à leurs groupements.

Depuis le début de la concertation, lancée en novembre 2017 à l’occasion du 100e Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, les associations d’élus locaux se sont fortement mobilisées, au côté de l’État, du mouvement sportif et des partenaires privés, pour réfléchir à ce nouveau modèle de gouvernance. Soucieuses de voir reconnaître l’investissement conséquent des collectivités territoriales pour développer la pratique sportive dans les territoires, l’Association des maires et des présidents d’intercommunalité de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF), France urbaine, Régions de France, en lien avec l’Association nationale des élus du sport (ANDES) ont travaillé de concert pour offrir de nouvelles perspectives en matière de politiques sportives. Cela a abouti à la publication, en juillet 2018, d’une contribution commune des associations demandant la reconnaissance officielle du sport comme cause nationale, posant des principes de base pour la gouvernance, le financement, la concertation sur la réglementation des équipements sportifs…

1 Missions de l’ANS
L’ANS, dont la création est confortée par la loi du 1er août 2019, est la nouvelle instance remplaçant le Centre national pour le développement du sport (CNDS). La loi spécifie qu’elle est chargée de «développer l’accès à la pratique sportive pour toutes et tous et de favoriser le sport de haut niveau ainsi que la haute performance sportive », dans le cadre de la stratégie définie par l’État dans une convention d’objectifs. La loi ajoute que l’Agence nationale du sport doit «veiller à la cohérence entre les projets sportifs territoriaux et les projets sportifs des fédérations ». Elle doit également apporter «son concours aux projets et aux acteurs, notamment aux fédérations sportives et aux collectivités territoriales et à leurs groupements, contribuant au développement de l’accès à la pratique sportive, au sport de haut niveau et à la haute performance sportive ».

2 Fonctionnement
L’agence conserve la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), comme elle avait été initialement constituée. Le bureau, le conseil d’administration et l’assemblée générale comprennent, entre autres, des représentants des collectivités locales (respectivement un, trois et six). 
Désormais, toutes les demandes de subventions des collectivités, auparavant déposées auprès du CNDS, sont à faire auprès de l’Agence nationale du sport. Les ressources de l’agence proviennent principalement du produit de taxes affectées (les mêmes qui alimentaient auparavant le Centre national pour le développement du sport). La nouveauté est que cette structure « peut collecter tous types de ressources auprès de personnes morales de droit privé » (par exemple, bénéficier de mécénat, recevoir des dons, faire du marketing sportif). Elle doit publier un rapport d’activité annuel rendant compte notamment de l’emploi de ses ressources et de l’exécution de la convention d’objectifs conclue avec l’État.

3 Financement
Dans leur contribution commune de juillet 2018, les associations nationales de collectivités territoriales soulignaient l’enjeu capital du maintien des financements de l’État pour le sport. Les perspectives ne sont pas très encourageantes, avec la tendance à la baisse des budgets alloués au sport en France ces dernières années et l’absence de garantie de l’engagement de l’État à financer le sport après 2024. Même si, sur le papier, l’enveloppe budgétaire du ministère des Sports dans le projet de loi de finances pour 2020 s’annonce en hausse de 9,8 %, cette situation ne traduit pas en réalité d’amplification de l’investissement en faveur du sport. C’est l’effet combiné d’un jeu d’écriture (rattachement de la masse salariale des conseillers techniques et sportifs au budget du ministère) et de l’augmentation de l’enveloppe versée à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), à quatre ans des Jeux olympiques et paralympiques. Concernant l’Agence nationale du sport, les crédits prévus sont en légère baisse entre 2019 et 2020 (de 291 millions d’euros à 284 millions d’euros, soit 90 millions d’euros pour la haute performance et 194 millions d’euros pour le développement des pratiques).

4 Gouvernance territoriale
Les associations de collectivités territoriales n’ont cessé de le répéter : l’organisation territoriale du sport est au centre des enjeux, le sport s’appréhendant avant tout selon les spécificités et le caractère singulier de chaque territoire. La loi du 1er août 2019 pose les principes de cette gouvernance territorialisée.

Rôle du préfet
La loi prévoit que le représentant de l’État (le préfet) est le délégué territorial de l’agence. Elle précise que, dans le cadre de ses missions, il veille au «développement du sport pour toutes et tous dans les territoires les moins favorisés » et qu’il «peut ordonner les dépenses et mettre en œuvre les concours financiers territoriaux de l’agence ».

Conférence régionale du sport 
La loi prévoit, dans chaque région, la constitution d’une conférence régionale du sport. Dans son principe, cette instance ne doit pas être appréhendée comme une simple déclinaison régionale de l’agence nationale : elle est censée être le cœur d’une gouvernance partagée exercée au plus près des territoires, de façon souple et dans le respect de leur singularité. 
La conférence régionale du sport est composée notamment de représentants de l’État, de collectivités territoriales, d’établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport, de centres de ressources (comme le CREPS – Centre de ressources d’expertise et de performance sportive), du mouvement sportif, etc. 
Après moult débats parlementaires sur la question, la loi dit que « la conférence régionale du sport élit son président en son sein » : la présidence ne sera donc pas réservée à un représentant des collectivités territoriales, comme le souhaitaient les associations d’élus. 

Conférences des financeurs
La loi prévoit que chaque conférence régionale du sport doit instituer, « dans le respect des spécificités territoriales », une ou plusieurs conférences des financeurs du sport. Celles-ci comprennent, entre autres, des représentants de l’État, de la région, des départements, des communes, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport, des métropoles et de leurs éventuels établissements publics territoriaux, ainsi que tous les autres financeurs. Cette conférence, elle aussi, élit son président «en son sein » (pas forcément un élu, donc).
Considérant que ces conférences des financeurs nécessitent une proximité territoriale et une forte implication des élus locaux, principaux financeurs des équipements sportifs, l’AMF souhaitait que soient prévus des échelons infradépartementaux : ce sera possible, mais cela ne constitue pas une obligation. 

Des décrets attendus
Les modalités de la gouvernance territoriale fixées par la loi laissent subsister un certain nombre de flous sur la réalité du fonctionnement des instances déconcentrées, que des décrets d’application doivent vite venir clarifier (le gouvernement devrait les soumettre au Conseil d’État en principe début novembre 2019, pour une publication prévue début 2020). L’AMF sera très attentive au contenu de ces décrets. Elle attend de la conférence régionale du sport qu’elle soit un véritable lieu de concertation et de co-construction territoriale. Surtout, elle ne doit pas être réduite à une chambre d’enregistrement de décisions imposées par le délégué territorial tenant les cordons de la bourse. 
En outre, l’AMF souhaite que soit conservée de la souplesse pour permettre aux territoires de s’organiser sans imposer de schéma figé pour les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs : les territoires auront l’intelligence de faire émerger les organisations les mieux adaptées. L’AMF est enfin particulièrement attachée à une compétence partagée sur le sport entre les niveaux de collectivités et refuse un « chef de filât » (spécialisation et schémas prescriptifs). 

 


À noter : Outre l’ANS, les dispositions de la loi du 1er août 2019 relatives aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 concernent principalement des dérogations urbanistiques pour les équipements à construire et les voies de circulation réservées à la police.

Référence
Loi n° 2019-812 du 1er août 2019 relative à la création de l’Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (JO du 2 août 2019, NOR : SPOV1913474L).Une naissance contrariée
L’avènement de l’ANS a été jalonné d’embûches. Installée en avril 2019 par deux décrets et un arrêté, elle avait fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, qui a exprimé des réserves sur la constitution de l’agence sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP). Pour sécuriser l’existence de l’ANS, le gouvernement a alors pris le parti de profiter de l’examen par le Parlement du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour consolider son assise juridique.

Focus sur le projet sportif territorial
Chaque conférence régionale du sport est chargée d’établir, en cohérence avec les orientations nationales en matière de politique sportive définies dans le cadre de la convention d’objectifs conclue entre l’État et l’Agence nationale du sport (ANS), un «projet sportif territorial tenant compte des spécificités territoriales ».
Ce projet a notamment pour objet le développement du sport pour tous sur l’ensemble du territoire, du sport de haut niveau, du sport professionnel, la construction et l’entretien d’équipements sportifs structurants, la réduction des inégalités d’accès aux activités physiques et sportives, le développement des activités physiques et sportives adaptées aux personnes en situation de handicap, la prévention et la lutte contre toutes les formes de violences et de discriminations dans le cadre des activités physiques et sportives pour tous, la promotion de l’engagement et du bénévolat. 
Le projet sportif territorial donne lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d’orientation et de financement qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs du sport s’engagent à conduire, les ressources humaines et financières et les moyens matériels qui leur seront consacrés. 
Potentiellement, l’un des intérêts de ce projet sportif territorial, établi par la conférence régionale des sports, pourrait être de contribuer à sécuriser les financements apportés par l’Agence nationale du sport et donner une visibilité aux collectivités locales sur les financements des autres niveaux de collectivités.

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