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Maires de France


Juridique
21/12/2021
Sécurité - sécurité civile

Loi « Matras » : consolider le modèle de sécurité civile

Première loi de modernisation de la sécurité civile depuis 17 ans, la loi du 25 novembre 2021 comprend des dispositions concernant les services d'incendie et de secours et les collectivités territoriales.

Fabienne Nedey avec Geneviève Cerf-Casau
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© AdobeStock
La loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels (dite «loi Matras », du nom du député du Var, Fabien Matras, qui est l’auteur de la proposition de loi) se veut une grande loi de sécurité civile, après celle du 13 août 2004.

Elle clarifie le cadre d’intervention des services d’incendie et de secours (SIS), favorise l’engagement des pompiers volontaires, expérimente un numéro unique d’appel d’urgence et renforce la gestion anticipée des crises, en étendant l’obligation de réaliser un plan communal de sauvegarde (PCS) et en créant l’obligation d’adopter un plan intercommunal de sauvegarde dans les EPCI dont une commune membre est soumise à un PCS.


I - Consolider le modèle de sécurité civile

Le texte clarifie le cadre d’intervention des services d’incendie et de secours (SIS) départementaux, territoriaux et locaux. Il apporte des précisions sur la définition et la conduite des opérations de secours. Il élargit le spectre d’intervention des sapeurs-pompiers, notamment en y incluant les soins d’urgence.


Il traite par ailleurs d’un point capital, les carences ambulancières, c’est-à-dire les missions non urgentes effectuées à la demande du service d’aide médicale urgente (Samu) par les sapeurs-pompiers en cas d’indisponibilité des ambulances privées. Il traite également des relations des SIS avec les sociétés concessionnaires d’ouvrages routiers et autoroutiers. Cela faisait des années que les collectivités financeurs des SIS demandaient à ce que ces deux volets fassent l’objet d’un encadrement financier.


Définition des opérations de secours. La loi dispose que les SIS ne sont tenus de procéder qu’aux seules opérations de secours «qui se rattachent directement » à leurs missions de service public. S’ils sont sollicités pour des opérations ne s’y rattachant pas, ils peuvent différer ou refuser leur engagement «afin de préserver une disponibilité opérationnelle ». S’ils procèdent à de telles interventions, ils peuvent demander au bénéficiaire ou demandeur une participation aux frais. 

Carences ambulancières. La loi reconnaît que les interventions effectuées par les SIS sur la prescription du Samu, «lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés (missions visant à la prise en charge ou transport de malades, blessés ou parturientes, pour des raisons de soins ou de diagnostic), sont des carences ambulancières ». À la demande du SIS, ces carences ambulancières peuvent être constatées par le Samu après réalisation de l’intervention. Elles font l’objet «d’une prise en charge financière » par l’établissement de santé siège du Samu selon des conditions fixées par convention entre le SIS et cet hôpital.

Relations avec les sociétés concessionnaires d’ouvrages routiers et autoroutiers : toujours par convention, cette fois entre les SIS et les sociétés concessionnaires d’ouvrages routiers et autoroutiers, l’engagement de moyens par les sapeurs-pompiers sur le réseau concédé sera pris en charge par ces sociétés. Elles assureront également la gratuité de l’usage de leurs voies aux véhicules des SIS se rendant en opération. 


II - Conforter l’engagement et le volontariat

Mesures en faveur des sapeurs-pompiers volontaires. Plusieurs dispositions concernent les pompiers volontaires : clarification de la notion d’accident en service, suppression de l’incompatibilité de l’engagement avec les fonctions de maire et d’adjoint au maire, abaissement des conditions de longévité de service pour bénéficier de la «nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance », extension des autorisations d’absence, amélioration de la protection sociale en cas d’accident…


À noter : à l’occasion du vote de cette loi, le Parlement a appelé le gouvernement à saisir l’opportunité de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 pour porter au niveau européen une initiative visant à préserver l’engagement citoyen de sapeur-pompier volontaire. La réglementation européenne sur le temps de travail menace en effet le modèle français du volontariat (temps de service, rémunération) car elle assimile notamment les périodes de garde à un «travail ». La problématique a été soulevée de façon répétée notamment par des questions écrites de sénateurs. En 2018, par Maurice Antiste, sénateur de Martinique. En 2019, par Patricia ­Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin. Elle reste aujourd’hui entièrement posée. La législation française n’y peut rien : seule une initiative européenne peut permettre de sortir de l’impasse.

Protection des sapeurs-pompiers pris pour cibles. La loi aggrave les sanctions pénales pour les auteurs d’agression et d’outrage envers des sapeurs-pompiers et pérennise l’utilisation par ceux-ci des caméras piétons.


Réserve citoyenne des services d’incendie et de secours. La loi prévoit que le SIS peut comprendre une «réserve citoyenne des services d’incendie et de secours », instituée par les services départementaux et territoriaux d’incendie et de secours, sur délibération de leur conseil d’administration, après consultation du réseau associatif des acteurs de la sécurité civile du département.

Cette réserve citoyenne a pour objet de développer et d’entretenir la culture de sécurité civile, de sensibiliser la population, de promouvoir et valoriser l’image des sapeurs-pompiers, de préparer et de mettre en œuvre des exercices de gestion de crise, de favoriser l’engagement des jeunes sapeurs-pompiers, de venir en appui logistique en cas de crise. Elle constitue une nouvelle déclinaison de la réserve civique instaurée par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017. 


III - Anticiper la gestion des crises

La loi apporte de nombreuses modifications destinées à renforcer l’information de la population et la mise en œuvre de mesures de prévention par les communes et EPCI. 


Un élu «sécurité civile » ou un correspondant «incendie et secours ». La loi prévoit que le maire désigne, au sein du conseil municipal, un adjoint ou un conseiller chargé des questions de sécurité civile. À défaut, il doit désigner un correspondant «incendie et secours ». Ce correspondant, précise la loi, sera « l’interlocuteur privilégié du SDIS », en charge de relayer les messages de prévention, de sensibiliser le conseil municipal et les habitants sur les risques, l’organisation des secours et de la sauvegarde des populations.


PCS et PIS. Pour renforcer la gestion anticipée des crises, ce texte comprend des dispositions dont l’objectif est de conforter les plans communaux de sauvegarde (PCS) et de développer les plans intercommunaux de sauvegarde (PIS). 


L’obligation de réaliser un PCS est étendue. Cette contrainte s’imposait jusque-là uniquement aux communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN) ou comprises dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention (PPI, qui concerne les risques technologiques autour de certaines installations industrielles). L’obligation s’appliquera dorénavant aux communes concernées par d’autres risques.

Concrètement, sont nouvellement soumises à cette obligation, les communes exposées à l’un des risques suivants : minier, inondation, volcanique, sismique, incendie (de forêts), ainsi que cyclonique dans les territoires ultramarins. Avec cet élargissement, les deux tiers des communes vont être concernées (soit un doublement). La loi rend obligatoire l’organisation d’un exercice de mise en œuvre du PCS tous les cinq ans. Un décret pris après avis d’associations d’élus (la loi énumère l’AMF, l’AMRF, l’AdCF) déterminera les modalités d’organisation de cet exercice.


Concernant l’intercommunalité, la loi impose à tous les EPCI au sein desquels au moins une commune est soumise à PCS d’établir un PIS. Ce document sera arrêté par le président de l’EPCI et par chacun des maires des communes dotées d’un PCS. L’objectif est une mutualisation des capacités communales et la mobilisation des capacités intercommunales. La loi impose aussi un exercice de mise en œuvre opérationnelle du PIS tous les cinq ans.


Information des populations sur les risques majeurs
La loi renforce l’information des populations des communes soumises à un risque majeur. Elle étend ainsi à toutes les communes concernées par un risque majeur (et plus uniquement aux communes couvertes par un PPRN) l’obligation faite aux maires de communiquer à la population, par tous moyens appropriés, les caractéristiques du ou des risques majeurs que la commune peut connaître, les mesures de prévention, les modalités d’alerte et d’organisation de secours ou de sauvegarde. 
 

Un rapport attendu sur le financement des SDIS
La loi prévoit que le gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er janvier 2023, un rapport sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Ce rapport devra :
– détailler l’évolution des recettes et des dépenses de ces établissements publics et dresser des prévisions, à court, moyen et long terme ;
– analyser les critères pris en compte pour le calcul des dotations et contributions versées aux services départementaux d’incendie et de secours et évaluer leur pertinence ;
– déterminer les besoins associés aux différentes prestations versées aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, pour l’ensemble des financeurs, et détailler les conséquences budgétaires propres aux services départementaux d’incendie et de secours ;
– préciser les conditions dans lesquelles, par dérogation aux articles 14 et 15 de la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, le conseil d’administration d’un service départemental d’incendie et de secours peut décider de financer l’allocation de vétérance ­versée aux sapeurs-pompiers volontaires relevant d’un corps communal ou intercommunal.
Face au transfert de charge pesant de façon croissante sur les collectivités ­territoriales qui financent les services départementaux d’incendie et de secours, ce rapport est extrêmement attendu. 

La loi Matras apporte quelques premiers éléments de réponse, notamment en encadrant mieux les missions des services départementaux d’incendie et de secours et en définissant les carences ambulancières et les conditions de leur prise en charge financière par l’hôpital, siège du Samu. 

 

Appels d’urgence   

La loi prévoit, pendant deux ans, de tester un numéro unique d’appels d’urgence. Objectif : accélérer l’accès aux SDIS, police et gendarmerie, aide médicale urgente, en lien avec la garde ambulancière et avec la permanence des soins, et assurer la bonne coordination de la prise en charge.
Trois configurations seront possibles : une réunissant Samu, sapeurs-pompiers et police/gendarmerie ; une autre Samu/pompiers ; enfin, d’un côté le Samu et les permanences des soins et, de l’autre, les sapeurs-pompiers et police/gendarmerie. Les présidents de SDIS et des conseils de surveillance des hôpitaux seront au comité de suivi et d’évaluation des expérimentations. 
En savoir +

Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels (JO du 26 novembre 2021).

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