Les citoyens bénévoles, un recours en cas de catastrophe
L'implication citoyenne et bénévole peut être d'un grand secours en situation de crise. Un appui dont les maires n'ont pas toujours connaissance.
Si les premières alertes ont émané le dimanche 14 octobre 2018 au matin de la préfecture de l’Aude, le maire de Trèbes affirme avoir activé le plan communal de sauvegarde (PCS) la veille dès 18 heures. «Vous n’êtes jamais vraiment préparé à ce type de catastrophe naturelle, explique Éric Menassi. Tant que vous ne l’avez pas vécue, il n’est pas possible de l’appréhender. La sécurité, c’est l’affaire de tous, élus, professionnels, citoyens. » Dès le 15 octobre au matin se manifestera un formidable élan de générosité. Plus de 4 000 personnes, outre les sapeurs-pompiers, les membres de la sécurité civile et de la Croix-Rouge, porteront assistance aux sinistrés. Dans le même temps, le maire de Trèbes doit faire face à l’organisation des secours. «C’est un travail colossal, avoue Éric Menassi. J’ai pu l’accomplir grâce à toute mon équipe. »
Face à cette situation de détresse, la commune audoise s’est également appuyée sur les volontaires de la Fédération nationale de la protection civile. «Nous avons mis à la disposition des officiers de sapeurs-pompiers et des mairies des moyens humains et matériels en soutien aux populations, confie Alain Lascombes, vice-président de la Fédération en charge de l’opérationnel. Nous avons aussi géré tous les dons collectés. »
L’exemple de Trèbes a permis d’emblée, au cours de cette journée technique, de mettre en évidence le rôle déterminant du maire en matière d’anticipation et de gestion des événements de sécurité civile. Et de démontrer l’intérêt d’élaborer un plan communal de sauvegarde (PCS). «Toutes les communes n’ont pas encore pris conscience de l’importance de se doter d’un PCS, remarque le colonel Jean-Michel Langlais, directeur adjoint de l’ENSOSP. Dans ce cadre-là, la formation des élus locaux, qui ont en charge la protection des populations, nous paraît primordiale. Nous projetons d’ailleurs de mettre en place une formation spécifique à la gestion de crise sur notre futur site d’Aix-Gardanne (13) » (1). «En outre, ajoute Philippe Troutot, président de l’Irma, en cas de catastrophe, tout citoyen est incité à concourir à la sécurité civile et à sa propre sécurité, en vertu de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Cet engagement citoyen s’avère indispensable. Pour autant, l’État et les collectivités doivent préparer et planifier cet engagement. »
Favoriser l’engagement citoyen
Un rapport sur «Le renforcement du bénévolat et du volontariat de sécurité civile », publié en mai 2016 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l’Inspection générale de l’administration (IGA) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), souligne que «l’évolution et la complexification des crises, les attentats de 2015 ont suscité de la part des pouvoirs publics une volonté d’explorer les voies d’un développement de l’engagement de sécurité civile ». «Cette préoccupation rejoint le souhait manifesté par nombre de nos concitoyens de s’impliquer au service de la collectivité dans des missions d’intérêt général », observent les rapporteurs.
Selon les chiffres 2016, le modèle de sécurité civile à la française rassemble 300 000 volontaires ou bénévoles (hors engagements humanitaires ou sociaux). « Les sapeurs-pompiers volontaires, 200 000 personnels environ, forment l’effectif le plus important, note Philippe Troutot. 60 000 bénévoles opérationnels composent, quant à eux, les réserves communales de sécurité civile, les comités communaux feux de forêts, la réserve sanitaire, le service civique et les associations agréées de sécurité civile. » Autant de dispositifs qui permettent aux citoyens de s’impliquer de manière structurée et encadrée dans la gestion des catastrophes.
La maire de Puyvert (832 habitants, Vaucluse), au pied de la montagne du Luberon, a adopté en 2011 un PCS. « Pour veiller sur un périmètre de 220 hectares, nous nous appuyons aussi sur un comité communal feux de forêts (CCFF) composé d’une dizaine de bénévoles et chapeauté par un responsable », indique Sylvie Grégoire. Le CCFF de Puyvert travaille main dans la main avec les CCFF de deux communes voisines et un seul et même responsable supervise l’ensemble. Outre une patrouille motorisée quotidienne, la commune s’est dotée récemment d’une patrouille à cheval pour assurer la surveillance estivale. «Notre travail est basé avant tout sur la prévention et la pédagogie à travers la distribution de documentation, explique Christiane Aguitton, conseillère municipale et responsable du CCFF. Nous intervenons aussi en cas de départ de feu, mais prévenons aussitôt les pompiers. » «Pour cette action sur le terrain, très utile contre les incendiaires, il est intéressant que nos trois communes soient regroupées, remarque la maire. En plus, l’engagement de citoyens bénévoles a valeur d’exemple. »
Gilles Allione, président de l’Association départementale des comités communaux feux de forêts et des réserves communales de sécurité civile du Var (ADCCFF/RCS), qui fédère 5 400 bénévoles et compte 142 communes adhérentes, insiste sur la nécessité de bien former les bénévoles à leur future mission sur le terrain. Qu’elle soit initiale, de base, « tous chemins » ou bien qu’elle s’adresse aux responsables, la formation – organisée avec différents partenaires dont le Service départemental d’incendie et de secours du Var – permet aux citoyens bénévoles d’être opérationnels dans un département comptant neuf massifs forestiers. Une convention tripartite lie d’ailleurs l’ADCCFF/RCS du Var, la préfecture de département et l’Association des maires du Var.
Lors des inondations de La Londe-les-Maures (Var), en novembre 2014, 90 CCFF s’étaient mobilisés durant plus de 10 jours avec l’aide de 337 bénévoles et de 82 véhicules porteurs d’eau. « Sur le terrain, il a fallu gérer plus de 140 bénévoles, chargés de faciliter le retour à la vie normale des sinistrés », se souvient Gilles Allione.
Gilles Dumas, maire de Fourques (2 875 habitants, Gard), dont la commune est fortement exposée au risque inondation en raison des crues du Rhône, a décidé, quant à lui, de créer une réserve communale de sécurité civile en 2005, un dispositif non obligatoire prévu par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile (lire p. 26), en lien avec la démarche PCS. Ce qui en fait une des toutes premières réserves communales de sécurité civile en France, régie par un acte d’engagement renouvelé tous les cinq ans et un règlement intérieur. «Je craignais que les patrouilles de riverains auxquelles j’avais fait appel ne soient exposées à un danger et j’ai voulu alerter les pouvoirs publics », explique-t-il. La réserve communale de Fourques compte aujourd’hui 82 bénévoles, dont 14 femmes. Outre des missions de prévention et d’alerte, les membres de la réserve communale interviennent sur le terrain, «sans interférence ni concurrence avec les services de secours et d’urgence », souligne Gilles Dumas. L’élu référent et le maire de Fourques veillent à faire reconnaître l’utilité de la réserve, à maintenir la motivation des bénévoles, à assurer le maintien en conditions opérationnelles et à mettre en place des collaborations avec des acteurs de la protection civile.
Des réserves communales insuffisantes
« Seules 600 communes sont dotées d’une réserve communale, déplore Juan Carlos Garcia Mora, président de la Fédération nationale des réserves communales de sécurité civile. Cela est trop faible. Certaines communes estiment qu’elles n’ont pas besoin de réservistes sous prétexte qu’elles peuvent faire appel aux policiers municipaux ou aux pompiers. » Selon le rapport sur «Le renforcement du bénévolat et du volontariat de sécurité civile », plusieurs raisons pourraient expliquer cette réticence des élus locaux : « le coût des dotations en équipement et des formations, l’insuffisante sensibilisation des élus aux problématiques de sécurité civile et le manque de communication et de promotion », ainsi que les risques juridiques potentiels liés à la responsabilité de la commune (lire ci-contre). « Aujourd’hui, 1 400 communes sont en demande d’information, confie le président de la Fédération nationale des réserves communales de sécurité civile. Ce dispositif a souffert à l’évidence d’un manque de publicité. » Dès 2016, les rapporteurs recommandaient de rendre obligatoire, pour les communes soumises à l’obligation d’élaborer un plan communal de sauvegarde, la constitution d’une réserve communale.
(1) Une formation de deux jours a été assurée par Mairie 2000 avec l’Irma sur la rédaction d’un plan communal de sauvegarde et la tenue d’une cellule de crise, les 17 et 18 juin derniers.
• Fédération nationale de la protection civile : www.protection-civile.org
• Fédération nationale des réserves communales de sécurité civile : www.rcsc.fr
• Le rapport sur «Le renforcement du bénévolat et du volontariat de sécurité civile », 2016 : www.igas.gouv.fr
• L’Institut des risques majeurs : www.irma-grenoble.com
Une réserve, pour quoi faire ?
La commune, sur délibération du conseil municipal, peut instituer une réserve communale de sécurité civile (RCSC), placée sous l’autorité du maire. Elle a pour objet d’appuyer les services concourant à la sécurité civile en cas d’événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières. À cet effet, elle participe au soutien et à l’assistance des populations, à l’appui logistique et au rétablissement des activités. Elle peut contribuer à la préparation de la population face aux risques. Elle est mise en œuvre par décision motivée de l’autorité de police compétente (le maire souvent). La charge en incombe à la commune. Toutefois, une convention peut fixer les modalités de participation à leur financement de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune est membre et du conseil départemental.
En cas de crise, la commune peut s’appuyer sur la Protection civile dont les missions sont nombreuses : opération de nettoyage, dispositif prévisionnel de secours, soutien à la population...
Le «statut » des réservistes
C’est le maire qui détermine les missions qui pourraient être confiées aux réservistes et donc les compétences qui seront demandées aux candidats. Ceux qui auront été retenus signent un contrat avec la commune (de 1 à 5 ans renouvelable), s’engagent à respecter la charte de la réserve civique (voir sur service-public.fr) et à être disponibles en cas d’appel. Les activités du réserviste ne peuvent pas excéder 15 jours ouvrables par an et plus de 24 heures par semaine. L’accord de l’employeur est indispensable pour accomplir son engagement pendant son temps de travail et son éventuel refus devra être motivé dans les plus brefs délais. Pour tenter d’anticiper des difficultés, des conventions peuvent être signées entre des entreprises et la commune précisant les périodes de mobilisation les plus adaptées. Le contrat de travail du réserviste est suspendu pendant sa période d’activité dans la réserve mais certains de ses droits sont maintenus (ancienneté, congés payés, droits aux prestations sociales). Les activités de réserviste vont enfin permettre d’acquérir des droits à formation (au maximum 240 € par an, financés par la commune) dans le cadre du compte personnel de formation.
Quelle protection pour le collaborateur bénévole ?
Selon la jurisprudence, le collaborateur bénévole ou collaborateur occasionnel du service public (COSP) est une « personne qui prête son concours spontanément ou sur demande à une mission de service public qui relève normalement de l’administration mais que celle-ci n’a pu réaliser ». « En cas de dommages subis par les collaborateurs bénévoles, la responsabilité sans faute de la commune est engagée, souligne Guylaine Gaudin-Lesurtel, responsable missions assurances auprès de la direction générale de Smacl Assurances et adjointe au maire de Le Tallud (Deux-Sèvres). Dans le cas de dommages causés par les collaborateurs,
la commune est jugée responsable. Le régime de responsabilité est plutôt très protecteur mais les risques existent. » « Assimilé à un agent public, le collaborateur bénévole du service public bénéficie de la protection fonctionnelle, ajoute Guylaine Gaudin-Lesurtel. La collectivité doit assurer sa défense pénale en cas de mise en cause. Elle doit aussi réparer le préjudice du collaborateur agressé ou diffamé dans l’exercice de sa collaboration, excepté en cas de faute personnelle détachable. » Dans ce cadre, les garanties d’assurance sont la garantie responsabilité générale de la collectivité, la garantie accident de la vie et la protection fonctionnelle.
Cet article a été publié dans l'édition :
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