Coopération franco-allemande : les maires aux avant-postes
Le Traité d'Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier, relève le rôle moteur des collectivités et prévoit de renforcer en particulier la coopération transfrontalière.
À l’origine de cette coopération, « la chance que nous avons d’avoir un pont », souligne la maire, mais aussi « une question d’engagement personnel » et d’alchimie entre élu.es des deux côtés du Rhin, explique cette germaniste de formation, entrée en politique pour défendre l’enseignement bilingue de la maternelle au CM2. Roland Ries, maire de Strasbourg – un « territoire pionnier de la coopération franco-allemande » –, a bien connu, lui-aussi, cette alchimie avec l’ancien maire de Kehl, Günther Petry, « qui est devenu un ami ». Tous deux ont dû « secouer le cocotier, comme disait Günther, pour faire tomber les obstacles financiers et juridiques », se souvient l’élu français. Un cocotier qui a dû être particulièrement secoué pour créer le jardin des Deux rives ou construire le tramway entre Strasbourg et Kehl.
Synergie des territoires
Entre les normes techniques à faire converger et les réticences politiques à surmonter, ce dernier projet a longtemps attendu avant de voir le jour. Mais aujourd’hui, « le succès du tramway dépasse toutes nos espérances », constate Roland Ries.
Pour avancer, les maires n’ont donc pas attendu le nouveau traité franco-allemand (1) signé le 22 janvier dernier, à Aix-la-Chapelle, par le chef de l’État français, Emmanuel Macron, et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne Angela Merkel. Pourtant, ce texte, qui complète sans le remplacer le « Traité de l’Élysée » signé en 1963, est essentiel tant « il met l’accent sur la coopération décentralisée, qui inscrit la coopération entre deux Nations dans les mentalités des citoyens au quotidien », constate Roland Ries. De fait, le Traité d’Aix-la-Chapelle reconnaît très clairement « le rôle essentiel des collectivités territoriales et autres acteurs locaux » pour « resserrer les liens entre les citoyens et les entreprises de part et d’autre de la frontière ». Il leur promet aussi des « compétences appropriées, des ressources dédiées et des procédures accélérées dans les domaines économique, social, environnemental, sanitaire, énergétique et des transports ». Le cas échéant, précise le traité, des dérogations pourront être adoptées par voie législative pour surmonter les problèmes juridiques et administratifs. L’idée sous-jacente, souligne Roland Ries, est « d’avoir un statut particulier pour rapprocher les populations et d’avoir des politiques transrhénanes concrètes. Par exemple, en évitant d’avoir des hôpitaux qui fassent doublon ». Beaucoup est déjà fait au niveau régional entre la France, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg grâce à « Infobest », le « réseau des instances d’information et de conseil sur les questions transfrontalières du Rhin supérieur », rappelle Martine Laemlin-Delmotte.
Le Traité, un tremplin !
Ces structures permettent aux frontaliers de s’informer sur les conditions de travail ou sur la fiscalité entre autres. «Ils peuvent dire à un couple franco-allemand s’il est plus intéressant fiscalement de vivre en Allemagne ou en France par exemple », illustre-t-elle. Les dérogations annoncées devraient simplifier encore la vie des quelque
46 000 travailleurs français qui traversent la frontière vers l’Allemagne et 4 000 dans l’autre sens.
Les conséquences juridiques du traité pour ces communes restent à préciser mais « il pourra sans doute faciliter les démarches administratives », escompte la maire de Chalampé. À la fois symbolique et pragmatique, le volet transfrontalier du traité est fondamental, estime Claire Demesmay, spécialiste des relations franco-allemandes à l’Institut de recherche sur les affaires étrangères à Berlin. Pour elle, il peut vraiment changer la vie des gens sur le plan fiscal, de l’éducation ou du droit du travail : « Dans ces domaines où l’Europe n’avance pas, cette coopération franco-allemande est un laboratoire de l’Europe », assure-t-elle.
Le Traité d’Aix-la-Chapelle annonce la création d’un « comité de coopération transfrontalière comprenant des parties prenantes telles que l’État et les collectivités territoriales, les parlements et les entités transfrontalières comme les eurodistricts et, en cas de nécessité, les eurorégions intéressées ». Ce comité sera chargé de définir et de coordonner «une stratégie commune de choix de projets prioritaires » et de faire des propositions pour surmonter les difficultés rencontrées dans les territoires.
Une résolution conjointe (1), adoptée le 22 janvier 2018 par le Bundestag et l’Assemblée nationale, recommande d’ores et déjà d’accroître les compétences des « eurodistricts », ces entités administratives créées en 2003 pour coordonner le travail transfrontalier des collectivités locales. Mobilité, urbanisme, emplois…, les activités des eurodistricts sont déjà multiformes. Manque encore des compétences juridiques spécifiques.
(1) www2.assemblee nationale.fr/documents/notice/15/ta/ta0072/(index)/ta
Cet article a été publié dans l'édition :
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