Construire la ville en utilisant la nature
Les collectivités doivent répondre à l'urgence climatique et environnementale alors qu'elles manquent de moyens financiers et humains. Avec le contrat de transition écologique, l'État souhaite accompagner les actions des territoires. Les élus ont intérêt à privilégier les solutions fondées sur la nature.
de réchauffement
est l’objectif de l’accord de Paris. Les politiques actuelles mènent à 3°.
La mobilisation mondiale, concrétisée par l’accord de Paris sur le climat entré en vigueur en novembre 2016, se révèle trop en retrait pour infléchir la trajectoire. Les collectivités territoriales ne baissent pourtant pas les bras. En témoigne le réseau C40 Cities qui réunit plus de 96 mégalopoles du monde (1), représentant plus de 700 millions de personnes. Actuellement présidé par Anne Hidalgo, il cherche à favoriser l’action locale dans la lutte contre le changement climatique. Des « GIEC territoriaux » se créent, à l’image de la Nouvelle-Aquitaine qui dispose de son panel de scientifiques pour éclairer son action sur son territoire, mais aussi des régions Occitanie, Sud et Auvergne-Rhône-Alpes. Localement, communes et intercommunalités se mobilisent, toujours plus nombreuses.
Une connaissance précise du territoire devrait permettre aux collectivités une action fine. Las, « le nombre de textes à adopter pour réguler l’espace est si important que les élus ne peuvent prendre le risque d’une politique adaptée au territoire », déplore André Flajolet, maire de Saint-Venant (62) et président de la commission transition écologique de l’AMF. Emblématique de cette situation, le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) : « Il est obligatoire pour les communes de plus de 20 000 habitants. Mais la moitié d’entre eux sont inopérants ou inexistants, car trop complexes », regrette-t-il. En lieu et place d’un aménagement faisant place à l’innovation, à l’expérimentation, les collectivités s’épuisent à élaborer des outils qui se superposent : PLUi, SRCE, PCAET, PPRT, PPRI, Scot, PDU… Face à la nécessaire mobilisation des collectivités, il évoque « l’inquiétude devant l’instabilité des lieux de décision et le risque de réponses non coordonnées par rapport aux enjeux de cohérence territoriale », ainsi que la « lassitude » des élus face à la baisse des moyens financiers des collectivités.
la trajectoire de réchauffement
en 2100. À 2°, les écosystèmes
risquent d’être détruits.
Dans le cadre du Grand débat national, la conférence portant sur le financement de la transition écologique, à laquelle a participé l’AMF, a formulé des propositions : verdissement de la fiscalité, taxation des activités polluantes au profit de la transition écologique, création d’une banque européenne d’investissement finançant des prêts à taux zéro en faveur du climat.
Droit à l’expérimentation
Pour le maire de Saint-Venant, l’État ne doit plus être dans le contrôle et la sanction, mais agir comme un partenaire des collectivités en mettant en œuvre un véritable droit à l’expérimentation. Car c’est au niveau des communes que se mettent en œuvre les principes de la transition écologique, rappelle-t-il : « Construire la ville pour éviter le ruissellement et les îlots de chaleur, capter l’énergie fatale, associer les citoyens à des attitudes résilientes ». C’est l’ambition des contrats de transition écologique (CTE), lancés par le gouvernement en 2018, qui visent à faciliter la mobilisation de tous les acteurs à l’échelle d’une ou plusieurs intercommunalités en mettant à leur disposition l’ingénierie technique, financière et administrative de l’État central et déconcentré. Une contractualisation qui a pour particularité de ne mobiliser que les financements de droit commun.
Et puisque, décidément, l’argent est rare, pourquoi ne pas recourir aux solutions fondées sur la nature (2) ? Celles-ci sont en effet souvent moins coûteuses à long terme que des investissements technologiques ou la construction et l’entretien d’infrastructures, et cherchent à assurer le bien-être humain tout en produisant des effets bénéfiques pour la collectivité dans son ensemble.
(1) www.c40.org/ (2) Pour une définition complète des solutions fondées sur la nature, voir le site de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : https://uicn.fr/solutions-fondees-sur-la-nature/
maire de l’Île-Saint-Denis (93), vice-président de l’AMF
et rapporteur de la commission transition écologique
La transition écologique met la question écologique au centre du projet politique et des actions de la ville. Cet enjeu devient moteur pour l’ensemble des politiques et va à l’encontre des politiques en silo ou transversales. Depuis 2001,
l’ensemble des politiques publiques de L’Île-Saint-Denis en émane. La première question est : comment travailler à un aménagement du territoire équilibré et résilient, tenant compte des contraintes historiques et géographiques du territoire, du paysage, de la population, de l’économie ?… Notre premier enjeu est de préserver la place de la nature dans une commune relativement dense avec, à terme, 40 % d’espaces naturels et en reliant la commune à la Seine. Nous créons un îlot de fraîcheur dans «l’océan métropolitain ». Deuxième enjeu : améliorer la qualité de vie dans une commune populaire. À la fin du mandat,
80 % des logements sociaux auront été rénovés avec des critères imposés par la ville aux bailleurs.
Comment impliquer la population ?
La transition écologique nécessite d’investir du temps dans la sensibilisation de la population pour changer les comportements, pour que cette transition soit comprise et non subie. Tout le monde est d’accord sur l’urgence climatique et sociale. Mais comment trouver l’équilibre ? Pour nous, il s’agit du même combat. Les économies dégagées par la maîtrise de l’énergie sont sanctuarisées pour un effet levier sur d’autres projets. Aux vœux du maire, les habitants apportent eux-mêmes à manger. L’argent de la collectivité va aux cantines, qui seront à 50 % bio à la fin du mandat et où la population fragile ne paye que 10 % du prix de revient. La transition écologique signifie qu’il faut investir dans la nature, le bâti, l’aménagement, mais aussi dans les usages, dans l’accompagnement de la population pour accélérer sa prise de conscience. Elle ne doit pas subir les transformations. C’est ce que j’appelle «l’écologie populaire ».
Articles liés au dossier :
Cet article a été publié dans l'édition :
- Construire la ville en utilisant la nature
- Le contrat de transition écologique accompagne les collectivités
- La luzerne, au cœur du projet de développement de la Haute Côte-d'Or
- Sevran : la nature reprend ses droits sur la friche Kodak
- "Il faut construire la ville en utilisant la nature"
- Le stationnement automobile des personnes handicapées
- Un village se connecte à Internet par les ondes
- La médiathèque passe à l'ouverture dominicale
- Les collectivités ont besoin d'une Europe plus locale
- Les ports de plaisance surfent sur la croissance bleue
- Les élus locaux français et britanniques veulent renforcer leur partenariat
- Gdansk : une maire symbole de tolérance
- Lutte contre les maladies vectorielles : de nouvelles missions pour les maires
- Loi Élan : le volet construction en cinq points
- "Préserver l'égal accès aux services publics et aux droits"
- Isolation acoustique : concilier contraintes et esthétique
- Finances : soutien à l'investissement local : les dotations et fonds de soutien sont précisés pour 2019
- Catastrophes naturelles : un guide sur les mesures finançables par le Fonds Barnier
- Recomposer l'organe délibérant de l'EPCI
- Communes nouvelles
- Déchets diffus spécifiques : nouvel agrément et nouveau contrat en 2019
- Croisette crée un pôle de vie communal
- La communication en période préélectorale
- L'apprentissage de la citoyenneté passe par la pratique
Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).