Les centres de gestion préparent les services publics locaux de 2030
Le Congrès de la Fédération nationale des centres de gestion s'est tenu à Lille du 4 au 6 juin. Les acteurs de la fonction publique territoriale ont tenté de dessiner les contours de ce que devrait être le service public local dans cinq ans alors que les finances locales se contractent et que les collectivités sont confrontées à un manque d'attractivité cuisant des emplois qu'elles offrent.

Dans ces conditions, auxquelles il convient de rajouter une possible réorganisation territoriale, proposée par les récents rapports Woerth et Ravignon, «le service public va nécessairement évoluer », prévoit le président de la FNCDG, Michel Hiriart. Aujourd’hui se pose légitimement la question du «comment faire mieux avec moins face aux attentes sociales, sociétales, environnementales nouvelles [des citoyens] et comment avoir des agents efficients », résume Eric Durand, président du centre de gestion du Nord et maire de Mouvaux. Les besoins de la population changent, les métiers changent (en raison des transitions environnementales, numériques…), et près de 36% des agents des collectivités vont partir à la retraite d’ici 2030, selon le rapport 2024 de France Stratégies sur la perte d’attractivité de la fonction publique …
Aider les collectivités à anticiper
« Les centres de gestion sont là pour aider les collectivités à anticiper », rappelle Michel Hiriart. Encore faut-il que l’État réponde présent pour apporter les réponses et de la visibilité (sur les finances publiques, sur le statut de l’élu, sur la protection des agents, sur la protection sociale complémentaire, etc). Ce fut la douche froide : initialement annoncé, le ministre chargé de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, s’est désisté quelques jours auparavant, officiellement pour des raisons d’agenda. Au même moment, il était en fait en déplacement en Haute-Savoie sur le thème de… «l'attractivité de la fonction publique », de l’accès au logement comme enjeu pour recruter et fidéliser les agents publics. Ses services ont transmis aux congressistes un message vidéo de 2 minutes… Un choix qui a mis très en colère le président de la FNCDG (et c’est un euphémisme). Michel Hiriart a décidé en réaction de boycotter la réunion de la coordination des employeurs territoriaux, prévue le mardi 10 juin, à laquelle le ministre devait participer pour la première fois.
Vocation à fédérer
Cette absence n’a pas empêché le débat sur ce que peut être le service public local en 2030. L’ancien ministre de la Fonction publique (1981-1984), Anicet Le Pors, était lui bien présent. A 94 ans, le père du statut de la fonction publique territoriale reste un fidèle participant. «La preuve de [l’existence de] l’intérêt général, c’est le service public, remet-il en perspective. Le service public a vocation à être le facteur capable de fédérer toute la société tout entière. Là doit se trouver le centre de gravité de notre réflexion et de notre action ». Quant à la fonction publique territoriale, qu’il juge être «un grand succès », on peut lui «prévoir un nouvel âge d’or », estime-t-il car elle présente un certain nombre d’atouts (« dynamisme », «lieu particulier de démocratie » qu’elle représente dans le triptyque «élus, fonctionnaires, usagers »…). En 2030, elle sera toutefois, selon l’ancien ministre, «le résultat d’un rapport de forces » entre ses atouts et «les facilités qui lui sont préjudiciables : confusion entre les règles statutaires et de gestion, contractualisation des emplois, servilité par rapport au modèle de management de l’entreprise privée ».
Choix de société
Les frontières du service public sont en effet bien floues et surtout évolutives, ont fait remarquer les intervenants au débat. «Il existe beaucoup de confusion et cela mérite une réflexion de fond. Les contours du service public ne recouvrent pas exactement ceux de la fonction publique territoriale : certains services publics sont gérés par le privé. [Ailleurs, comme] à Sceaux, des agents publics gèrent le cinéma [une activité lucrative], que la mairie considère comme relevant de l’intérêt général. En 1946, le Conseil national de la Résistance a considéré que les fonctions collectives devaient être opérées par le public. Est-ce qu’un service public doit être assuré par une fonction publique, cela relève d’un choix de société », éclaire Philippe Laurent, maire de Sceaux, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux (CET). L’avocat Eric Landot trouve le cadre juridique du service public «flou, remis en question », dont les limites «viennent [encore] de reculer » au gré des jurisprudences constitutionnelles.
Clarification des responsabilités et droit à l'erreur pour les élus
Une clarification des responsabilités entre collectivités et entre collectivités et l’État serait la bienvenue pour le préfet d’Occitanie et de Haute-Garonne, Pierre-André Durand, également président de l’association du corps préfectoral. Ce serait «plus clair et donc plus sain » pour le «citoyen qui a peu de culture administrative et civique. C’est important qu’il y ait un cadre le plus commun possible pour éviter les concurrences entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes ». « Il faudrait aussi réfléchir au rôle du Parlement qui fait des lois mais qui ne vient pas sur le terrain, ajoute Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Barœul et président de l’Association des maires du Nord. Les élus sont découragés par l’inflation des normes qui nous pourrissent la vie. On ne gère pas une commune comme on appuie sur un bouton ! Et je réclame le droit à l’erreur (un élu a le droit de se tromper) et que la procédure de rescrit soit réellement appliquée avec publication des décisions dans une banque de données pour qu’elles puissent servir à tous. Nous aurons un service public local en 2030 si nous avons [aussi] l’intelligence de conserver une administration formée. Le statut [de la fonction publique territoriale] est une force car l’administration est là pour servir le concitoyen, quand une entreprise sert des usagers qui consomment. »
Les pistes pour recruter et fidéliser
Reste à trouver des agents et à les fidéliser. C’était l’autre grand sujet du congrès : comment attirer les candidats, recruter et conserver les agents ? En dehors de la rémunération, «qui reste la vraie question », souligne Philippe Laurent, les travaux ont énuméré quelques pistes : santé et sécurité au travail, qualité de vie au travail, protection sociale complémentaire, logement des agents, communication autour des 245 métiers territoriaux, amélioration de l’image, etc. Il semble cependant qu’une fracture existe bel et bien entre discours local et le discours national. Les ministres Eric Lombard (Économie et finances) et Amélie de Montchalin, pourtant ancienne ministre de la Fonction publique, aujourd’hui aux Comptes publics, ont à nouveau entamé la musique de réduction du nombre de fonctionnaires pour rééquilibrer les finances publiques.
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