Analyse - La répartition des compétences en matière d'aides économiques
Dans le contexte de la crise économique consécutive à l'épidémie de covid-19, Maires de France rappelle les champs d'intervention des collectivités et de leurs EPCI.
En dehors de ce dispositif, les interventions économiques des collectivités et de leurs groupements relèvent du droit commun. Il est utile d’en rappeler ici le cadre, car il a beaucoup évolué ces dernières années. La loi NOTRe du 7 août 2015, en particulier, a bouleversé les rapports entre collectivités territoriales dans le champ économique, confiant de nouvelles compétences aux régions, organisant une montée en charge des compétences des EPCI et redéfinissant les compétences attribuées à chaque échelon.
1 L’organisation des compétences économiques depuis la loi NOTRe
La région, chef de file. La loi NOTRe a consacré le développement économique comme l’une des responsabilités premières de l’échelon régional. Les conseils régionaux ont acquis une compétence de principe en matière d’aides économiques et une compétence d’application en matière de planification économique. Elles se traduisent par l’adoption d’un schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) et par un pouvoir régional sur l’attribution des aides économiques.
Compétences du bloc local. En parallèle, les compétences du bloc communal en matière économique ont été renforcées, la compétence en matière d’aides à l’immobilier relève dorénavant du seul bloc communal, et les EPCI à fiscalité propre ont vu leurs compétences obligatoires et optionnelles étendues (lire ci-dessous).
2 Articulation des interventions économiques des collectivités territoriales
Actions «autonomes » du bloc local. En matière économique, communes et EPCI à fiscalité propre conservent une capacité d’agir, sans intervention préalable de la région, pour octroyer des aides spécifiques, sous certaines conditions prévues par le Code général des collectivités territoriales. Ils sont ainsi compétents pour : octroyer des aides à l’immobilier d’entreprise (article L. 1511-3 du CGCT) ; octroyer des aides aux professionnels de santé en zones déficitaires (article L. 1511-8 du CGCT) ; aux exploitants de salle de cinéma (article L. 2251-4 du CGCT) ; apporter des garanties d’emprunts (articles L. 2252-1 et suivants du CGCT) ; participer au capital de sociétés de garantie ou à la constitution d’un fonds de garantie auprès d’un établissement de crédit (article L. 2253-7 du CGCT).
À noter : les aides à l’immobilier d’entreprise, sur lesquelles les communes et EPCI disposent d’une compétence exclusive, n’apparaissent pas adaptées pour accompagner des entreprises victimes de la crise du covid-19 car elles concernent des aides à la création ou à l’extension d’activités économiques. Elles n’ont donc pas vocation à se substituer aux aides aux entreprises en difficulté qui relèvent du pilotage régional, sauf dans le cadre d’une convention avec la région (lire ci-contre).
Actions dans le cadre d’une convention avec la région. En complément de la région, et uniquement dans le cadre d’une convention avec elle, les communes et les EPCI à fiscalité propre peuvent : participer au financement des aides et régimes d’aides en faveur de la création ou de l’extension d’activités économiques mis en place par la région (article
L. 1511-2 du CGCT) ; participer au financement des aides aux entreprises en difficulté décidées par la région (article L. 1511-2 II du CGCT) ; verser des subventions aux organismes ayant pour objet exclusif de participer à la création ou à la reprise d’entreprise (article L. 1511-7 du CGCT) ; prendre des participations au capital de sociétés de capital-investissement, de sociétés de financement interrégionales ou propre à chaque région, de SEM nationales et de sociétés ayant pour objet l’accélération du transfert de technologie (article L. 4211-1 8° du CGCT) ; souscrire des parts dans un fonds commun de placement à risques à vocation régionale ou interrégional ayant pour objet d’apporter des fonds propres à des entreprises (article L. 4211-1 9° du CGCT) ; participer financièrement à la mise en œuvre d’un fonds d’investissement de proximité défini à l’article L. 214-30 du code monétaire et financier (article L. 4211-1 11° du CGCT).
La loi NOTRe a confié à la région la responsabilité exclusive de la définition des orientations en matière de développement économique sur son territoire (article L. 4251-12 du CGCT). Elle exerce cette responsabilité, notamment, à travers l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), document de programmation à valeur prescriptive. Les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’aides économiques doivent être «compatibles » avec le SRDEII, y compris les aides à l’immobilier d’entreprise. Le principe de compatibilité, différent de la conformité, signifie que les actes des collectivités ne doivent pas aller à l’encontre des orientations fondamentales définies dans le schéma.
3 Transfert de compétences au sein du bloc communal
Les EPCI à fiscalité propre ont vu leurs compétences étendues par la loi NOTRe, qui a opéré en leur faveur un transfert de compétences en matière économique au 1er janvier 2017. Ils exercent l’essentiel des actions économiques relevant du bloc communal, et disposent d’une compétence exclusive en matière d’aménagement et de gestion de zone d’activité économique (ZAE).
Une compétence de plein droit des EPCI. Les EPCI à fiscalité propre exercent donc de plein droit, en lieu et place des communes membres, les actions de développement économique dans les conditions prévues à l’article L. 4251-16 du CGCT (compatibilité avec le SRDEII) ; la création, aménagement, entretien et gestion des zones d’activités industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ; la politique locale du commerce et le soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire.
Quelques nuances sur le soutien aux activités commerciales. Il existe une atténuation à ce principe pour les communes membres d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté de communes. Dans ce cas, l’intervention de la commune sera possible pour les actions relevant du soutien aux activités commerciales non reconnues d’intérêt communautaire, ainsi que le précisent les articles L. 5214-16 (pour les communautés de communes) et L. 5216-5 du CGCT (pour les communautés d’agglomération). Il faut se référer aux statuts de la communauté de communes ou de la communauté d’agglomération afin de déterminer qui de la commune ou de la communauté est compétente. Dans le cadre de ce soutien aux seules activités commerciales, la commune peut alors intervenir, parfois concomitamment avec la communauté de communes ou la communauté d’agglomération (sur des périmètres ou des bénéficiaires différents par exemple), dès lors que la définition de l’intérêt communautaire le permet.
En maintenant la notion «d’intérêt communautaire » en matière de soutien aux activités commerciales, la loi NOTRe a ainsi préservé la capacité des communes à intervenir, notamment, en matière d’animation du centre-ville, d’intervention sur les baux commerciaux, etc.
La sauvegarde du « dernier commerce » ou du « dernier service ». Par ailleurs, lorsque l’initiative privée est défaillante ou insuffisante pour assurer la création ou le maintien d’un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population, en milieu rural ou dans une commune comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville, une commune peut confier la responsabilité de le créer ou de le gérer à une association ou à toute autre personne, et peut aussi accorder des aides (article L. 2251-3 du CGCT). L’utilisation de cette forme d’aide est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions. On notera qu’elle ne relève pas d’une «intervention économique » mais d’une mission de service public, du fait de la carence. La sauvegarde du «dernier commerce » ou du «dernier service » n’entre pas dans la définition de la compétence économique transférée à l’EPCI : à ce titre, elle reste une compétence de la commune.
• Note détaillée de l’AMF, mai 2016 : «Conséquences de la loi NOTRe en matière d’intervention économique des collectivités territoriales ». www.amf.asso.fr (réf. CW14575).
• Note détaillée de l’AMF, 20 avril 2020 : «Les aides et subventions des communes et EPCI ». www.amf.asso.fr (réf. CW40126)
• Document de la DGCL sur les aides complémentaires territorialisées du Fonds de solidarité, août 2020 : https://bit.ly/3iVCXU9
Références
• Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République loi NOTRe.
• Circulaires du 22 décembre 2015 clarifiant l’application de cette loi : circulaire n°40359 (https://bit.ly/2FSaL6y), et circulaire n° 40360 (https://bit.ly/3i04RwZ).
• Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création du Fonds de solidarité et décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, successivement modifié par les décrets n° 2020-757 du 20 juin 2020, n° 2020-873 du 16 juillet 2020 et n° 2020-1048 du 14 août 2020.
Créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, pour une durée initiale de trois mois prorogeable six mois, le Fonds de solidarité en faveur des petites entreprises, micro-entreprises et indépendants particulièrement touchés par la crise a été prolongé jusqu’au 31 décembre pour certains secteurs (hôtellerie, restauration, cafés, tourisme, évènementiel, sport et culture, etc.). Le dispositif est financé par l’État et les régions, ainsi que toutes autres collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre volontaires.
Après une négociation compliquée, l’AMF et plusieurs autres associations de collectivités ont obtenu, en juin, la constitution d’un volet territorialisé de ce fonds : les départements, EPCI et communes peuvent attribuer des aides complémentaires aux entreprises domiciliées sur leur territoire qui remplissent les conditions pour bénéficier du fonds. Ces collectivités ou groupements doivent pour cela délibérer sur le montant de l’aide complémentaire attribuée par entreprise.
Problème : les collectivités voulant se saisir de cette disposition devaient adopter leur délibération avant le 31 juillet 2020. En pratique, elles étaient ainsi privées de toute visibilité sur le nombre d’entreprises éligibles, les besoins financiers et le coût de la mesure, les entreprises du territoire ayant jusqu’au 15 septembre pour déposer leurs dossiers de demande d’aides !
Cette difficulté a été en partie résolue dans un décret du 14 août 2020, qui a décalé au 30 septembre la date imposée à la collectivité pour adopter une délibération. Malgré cela, le décret n’a pas imposé aux préfets de communiquer la liste des entreprises éligibles sur leurs territoires aux collectivités qui le demanderaient.
De plus, l’AMF aurait souhaité que le gouvernement donne plus de marge de manœuvre et de souplesse aux collectivités dans la gestion de leur abondement à ce volet territorialisé.
Cet article a été publié dans l'édition :
- Plan de relance : les principales mesures et... des interrogations
- Analyse - La répartition des compétences en matière d'aides économiques
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- Covid-19 : comment les régions adaptent la gestion des fonds européens
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