Sécurité : les plans départementaux laissent les élus septiques
Lancés en février par l'État, ils doivent privilégier la proximité et renforcer le continuum de sécurité.

En revanche, la méthode menée pour élaborer les plans ne diffère pas d’un département à l’autre : elle est censée reposer sur une large concertation entre les forces de l’ordre, y compris les polices municipales, les autorités judiciaires, les services de l’État (DDPP, DDETS…), les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les acteurs privés. Selon Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël (83) et co-président de la commission prévention de la délinquance et sécurité de l’AMF, «ces plans vont dans le bon sens, les avancées sont positives mais limitées. Car d’une part, je considère que le spectre départemental n’est pas le plus pertinent pour aborder des problématiques locales. Travailler sur les bassins de vie plutôt que dans le cadre des limites administratives me semble davantage judicieux en matière de lutte contre la délinquance. D’autre part, les préfets, selon la nature de leur engagement, ont plus ou moins bien associé les maires à l’élaboration de ces plans. D’où le constat que la culture du régalien a la vie dure ».
Une opinion partagée par Ubald Chenou, maire de Lagraulière (1 180 habitants, 19) : «Je n’attends pas monts et merveilles des plans départementaux de restauration de la sécurité au quotidien. Je n’y ai d’ailleurs pas été directement associé. » (lire ci-dessous).
Trois priorités d’action dans la Drôme
Dans la Drôme, deux mois auront été nécessaires pour constituer ce plan : «Nos échanges ont porté sur le choix et la définition des actions et sur le renforcement du continuum de sécurité », témoigne le préfet de la Drôme, Thierry Devimeux. Pour bâtir le plan, il a sollicité dix-sept communes du département soumises à une insécurité préoccupante et disposant d’une police municipale : «dix d’entre elles ont répondu à un questionnaire les incitant à révéler les difficultés auxquelles elles étaient confrontées », précise-t-il.
À la suite de ce diagnostic territorial concrétisé par une cartographie précise et complète de la délinquance dans le département, les actions du plan se concentrent sur trois priorités : la lutte contre le narcotrafic, le communautarisme et le séparatisme, et la délinquance routière (avec une multiplication des contrôles). «Ce PADRSQ ne prétend pas tout révolutionner, concède Thierry Devimeux. Il a pour ambition de [permettre aux acteurs locaux de] travailler mieux en réorganisant et en renforçant la présence et la visibilité des forces de l’ordre. Mais cette nouvelle approche ne s’accompagne pas de moyens supplémentaires. » Ce qui n’interdit pas de faire appel ponctuellement à des renforts (compagnie de CRS) comme ce fut le cas par le passé à Valence, Romans-sur-Isère ou Montélimar.
Parmi les dix-sept communes contactées figure Saint-Vallier (4 241 habitants, 26) : «Notre police municipale a été interrogée sur son fonctionnement, sur ses besoins », indique Frédérique Sapet, maire de la commune. Ici, un troisième policier municipal ne serait pas de trop mais le PADRSQ porte plus sur une réorganisation des moyens que sur l’augmentation [des effectifs]. » La maire espère en tout cas que le plan départemental ne se concentrera pas sur les grandes villes car «les trafics ont tendance à se déplacer de plus en plus dans des zones rurales, moins surveillées ».
Nouvelle stratégie pour la délinquance
Saint-Vallier n’ignore pas cette réalité. En décembre dernier s’y est déroulée une saisie importante de stupéfiants, d’armes et d’argent liquide : «Tout est parti trois mois plus tôt d’une réunion de notre conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), au sein duquel règne une très bonne coopération, et au cours duquel j’ai fait part de mes questionnements à propos de l’étrange dysfonctionnement d’un commerce local », raconte l’élue. Des CLSPD que les départements, qui en sont exclus depuis la loi du 21 mars 2024, souhaiteraient réintégrer comme l’a signifié François Sauvadet, président de Départements de France, précisément pour améliorer la coordination des acteurs locaux.
Le département du Gard, lui, se focalise sur quatre priorités : le narcobanditisme et les trafics induits, les violences intra-familiales, les cambriolages et l’insécurité routière. Depuis le lancement du PADRSQ, en février, le quartier Pissevin à Nîmes (157 000 habitants), classé quartier de reconquête républicaine (QRR), fait l’objet de toutes les attentions. Plus de 150 policiers sont mobilisés chaque jour, renforcés par une compagnie de CRS et par des effectifs de la police municipale de Nîmes. En trois semaines, de fin février à mi-mars 2025, 2 132 personnes ont été contrôlées dont 121 avec une suite judiciaire et 13 personnes écrouées. Jérôme Bonet, le préfet du Gard, rappelle «que ces opérations se poursuivront autant que nécessaire ».
Gard : pérenniser les renforts
Pour Richard Schieven, adjoint au maire de Nîmes chargé de la sécurité, «ces renforts, même s’ils sont évidemment très appréciés, restent trop ponctuels. Il faudrait qu’ils se pérennisent à l’image du déploiement d’unités mobiles de sécurité dans d’autres grandes villes du sud. À moins de s’orienter vers un net accroissement des effectifs de la brigade départementale d’intervention ». L’élu regrette aussi que de nouveaux moyens ne soient pas au programme alors que la municipalité nîmoise réclame, à cor et à cri, davantage de policiers nationaux.
Dans le cadre de son PADRSQ, le département du Gard a souhaité mettre l’accent sur les violences intra-familiales : «Chaque jour, nous dénombrons au moins une victime ou un mis en cause placé en garde à vue », observe Jérôme Bonet. Un de nos objectifs est d’améliorer la prise en charge des victimes par le système judiciaire, à l’image de la salle “Mélanie” en voie de création à Alès (30). Cette salle offre un accueil spécifique et une décoration adaptée pour créer les conditions favorables à la libération de la parole des mineurs de moins de 15 ans. »

Ubald Chenou, maire de Lagraulière
(1 180 habitants, Corrèze)
« Les grands plans ne révolutionneront pas les choses »
Raccourci : mairesdefrance.com/28471
Cet article a été publié dans l'édition :
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