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10/06/2025
Aménagement, urbanisme, logement AMF Décentralisation Développement économique Ruralité

Ruralité : les élus expriment leurs nombreuses attentes

Les premières rencontres nationales des ruralités, organisées le 10 juin par l'AMF, ont permis de mesurer l'avancement de certaines réformes sous l'impulsion de l'association. Mais les élus attendent davantage de soutien de la part de l'Etat.

Xavier Brivet
Les élus locaux ont notamment échangé sur la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) dont ils souhaitent une application souple et adaptée à leurs projets.
© X.B.
Les élus locaux ont notamment échangé sur la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) dont ils souhaitent une application souple et adaptée à leurs projets.

« La ruralité n’est pas une survivance du passé mais une partie intégrante de notre pays » dans laquelle «l’avenir se joue », a affirmé David Lisnard, président de l’AMF, le 10 juin, lors des premières rencontres nationales des ruralités organisées par l’association avec ses différentes commissions et le réseau des associations départementales.

Objectif de ce rendez-vous : cerner les grands enjeux pour les communes rurales en cette fin de mandat mais surtout dans la perspective du prochain mandat dans la foulée des élections municipales de mars 2026. 

ZAN : priorité à la souplesse

Amélioration des conditions d’exercice du mandat, hausse des moyens financiers, renforcement de la liberté d’agir, allègement des normes, développement des services publics…, les élus ruraux ont exposé leurs principales attentes tout au long de la journée. «Il y a encore beaucoup trop de décisions prises par l’Etat sans écouter les maires », a estimé Dominique Peduzzi, président de l’association des maires et des présidents d’intercommunalité des Vosges, en faisant notamment référence au zéro artificialisation nette (ZAN).

Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (03), lui a emboîté le pas en rappelant que «l’aménagement du territoire est de la très haute couture qui nécessite non pas du centralisme mais de la souplesse afin de permettre à chaque élu de mener à bien ses projets ». La coprésidente de la commission aménagement de l’AMF a déploré «l’instabilité juridique qui entoure la mise en œuvre du ZAN » malgré les efforts de l’AMF pour stabiliser les modalités d’application de la réforme.

Elle a appelé de ses vœux «un assouplissement des règles nationales [ce que prévoit la proposition de loi "TRACE" en cours de discussion au Parlement] qui ne doivent pas s’imposer au local et bloquer les réalisations des maires bâtisseurs ». Elle a rappelé que l’AMF souhaite aussi «l’invention d’un nouveau modèle financier et fiscal pour accompagner le ZAN ».     

Le rôle clé des secrétaires généraux de mairie

Les premières rencontres nationales des ruralités ont permis de rappeler l’investissement de l’AMF dans plusieurs domaines parmi lesquels l’amélioration du statut des secrétaires de mairie, à travers la loi du 30 décembre 2023 qui les a rebaptisés secrétaires généraux de mairie, et celle des conditions d’exercice du mandat, en cours de discussion au Parlement.

Sur le premier point, Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF et coprésidente de sa commission FPT et RH, s’est félicité que l’association ait concouru «par ses propositions à renforcer l’attractivité des secrétaires de mairie face au mur des départs à la retraite dans les prochaines années », tout en reconnaissant qu’il faut encore agir «sur une revalorisation indiciaire, sur leur formation initiale et sur les modalités de leur remplacement ».

C’est un métier indispensable, les secrétaires de mairie sont le couteau suisse des maire », a souligné la maire de Lampertheim (67). «Ils sont le lien entre le maire et les habitants, a complété Karine Gloanec Maurin, co-présidente de la commission communes et territoires ruraux de l’AMF, en insistant, comme d’autres intervenants, sur l’intérêt de «mutualiser leurs compétences et leur recrutement » au niveau intercommunal ou dans les communes nouvelles pour éviter leur isolement et conforter leur temps de travail.     

Statut de l’élu : il y a urgence

« Dès 2023, l’AMF a formulé 78 propositions pour améliorer les conditions d’exercice du mandat local, a rappelé Catherine Lhéritier, coprésidente du groupe de travail sur le sujet. Il est urgent de conforter cet engagement républicain », a insisté la maire de Valloire-sur-Cisse (41), en résumant l’impatience des élus de voir aboutir la proposition de loi portée par Françoise Gatel, ex-sénatrice d’Ille-et-Vilaine aujourd’hui ministre déléguée chargée de la Ruralité.

Adopté par le Sénat en mars 2024, ce texte devrait enfin être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en juillet, dans le cadre d’une session extraordinaire, laissant augurer son adoption définitive cet automne, à quelques mois des élections municipales. «Nous devons susciter des vocations, inciter à l’engagement, diversifier et rajeunir le profil des élus, limiter l’incidence du mandat sur leur vie professionnelle et personnelle, renforcer leur formation et leur reconversion », a résumé Catherine Lhéritier.     

« Il faut mettre les moyens notamment financiers », a confirmé Hugo Biolley, élu maire de Vinzieux (07), en 2020, à l’âge de 18 ans, en soulignant la nécessité d’un statut de l’élu étudiant face à l’exercice d’un mandat «chronophage ». Pour son premier mandat, l’élu est malheureusement venu grossir la liste des maires agressés, ce qui n’entamera pas cependant sa volonté de se représenter l’an prochain. 

« Nous prônons une tolérance zéro vis-à-vis des agresseurs d’élus », a insisté Catherine Lhéritier, en rappelant la mobilisation de l’AMF sur le sujet qui a abouti à l’adoption de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux et à la mise en place d’un « pack sécurité élus ». Elle a aussi, comme plusieurs autres intervenants, fortement encouragé les élus agressés à porter plainte.

Scrutin de liste dans les petites communes 

L’application pour la première fois du scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants, lors des prochaines élections municipales, a évidemment été évoquée quelques semaines après la promulgation de la loi du 21 mai 2025. «C’est l’aboutissement d’une mobilisation importante de l’AMF à travers son groupe de travail sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux, a rappelé Cécile Gallien, maire de Vorey (43). Je trouve formidable de pouvoir créer des équipes municipales mixtes dans les petites communes, ceci permettra de susciter l’engagement des femmes ».

Pour Hugo Biolley, «le scrutin de liste permettra de constituer véritablement une équipe d’élus pour mener des projets ».   

L’Etat doit mieux faire

Si l’AMF, «première association des maires ruraux », a rappelé David Lisnard, est parvenue à faire avancer de nombreux sujets, beaucoup reste à faire, ont convenus les élus. «Les ruralités ont une singularité puissante qui doit se retrouver dans les politiques publiques concernant la santé, les transports, la sécurité, le développement économique, les services publics, etc., a souligné le maire de Cannes (06). Il faut aussi privilégier la liberté d’action et la subsidiarité ascendante pour les communes rurales. L’Etat doit renforcer les moyens en ingénierie locale et promouvoir un aménagement du territoire équilibré » entre l’urbain et le rural.     

Or, le compte n’y est pas. André Laignel l’a rappelé à Françoise Gatel lors de la rencontre. «Les élus doivent faire face à des injonctions contradictoires, a déploré le 1er vice-président délégué de l’AMF. L’Etat leur demande de participer à la réindustrialisation de la France mais il supprime la CVAE, impôt économique local qui était un retour sur investissement pour les communes, tout en leur faisant perdre la maîtrise de leurs sols à cause du ZAN ».

Le maire d’Issoudun (36) a critiqué l’absence de mesures concrètes du gouvernement pour résoudre la crise du logement, remédier aux déserts médicaux et soutenir les efforts des élus ruraux en faveur de la mobilité. Le président du Comité des finances locales (CFL) a enfoncé le clou en estimant à «8 milliards d’euros » le montant des prélèvements effectués par l’Etat sur les budgets locaux cette année. Il a demandé à la ministre déléguée chargée de la Ruralité de «redonner le pouvoir d’agir aux élus » en adaptant les lois, en allégeant la règlementation et en leur donnant des moyens financiers. 

« Je ne nie pas les difficultés mais pas de fatalité », lui a répondu Françoise Gatel en affirmant sa volonté notamment «d’alléger les normes » tout en permettant aux préfets de pouvoir adapter la règlementation au niveau local.

La ministre, qui évalue actuellement le plan France ruralités dont elle devrait annoncer quelques évolutions dans les prochaines semaines, a identifié plusieurs chantiers prioritaires : la prise en compte du vieillissement de la population, la nécessité de «redonner à la ruralité une dimension productive », le renforcement de l’accès aux soins et la relance de la construction de logements. Les élus attendent des mesures concrètes.   
 

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