Inégalités d'accès à l'éducation : les maires remontent le sujet en haut de la pile des priorités
« Si on veut faire passer des messages, c'est maintenant ! » L'allusion aux rendez-vous électoraux à venir (présidentielle et législatives en 2022) est claire. L'invitation de Frédéric Leturque, maire d'Arras (62), à ses collègues ne leur a pas échappé. Ils ont été nombreux à réaffirmer leur engagement en faveur d'une école plus égalitaire.
« L’école française n’est pas mauvaise » mais elle fait partie de celles où «les écarts sociaux sont les plus élevés entre les plus riches et les plus pauvres ». Le système est donc «plutôt performant pour l’élite mais pas pour les élèves en grande difficulté ». L’analyse, signée du sociologue Choukri Ben Ayed, a empreint les échanges, près de trois heures durant, des maires et adjoints sur les moyens de lutter contre ces inégalités d’accès des enfants à l’éducation.
Cités éducatives…
Le sujet reste une priorité pour les élus. La crise sanitaire liée au Covid-19 a démontré leur place irremplaçable parmi les acteurs de la «communauté éducative ». Comme à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), où «aucun enfant n’a été perdu lors du premier confinement » se félicite Catherine Arenou. Elle est maire d’une ville pauvre, familière de toutes les politiques dites «spécifiques » pour compenser les inégalités. L’une des dernières en date concerne l’école, c’est la Cité éducative. La municipalité l’a mise en place dès 2018, avant même que l’État estampille le dispositif de son label. «Cela change tout quand on crée cette éducation de la confiance, apaisée, où l’enfant comprend que tous les acteurs sont là pour sa réussite et non pas pour lutter contre son échec » explique-t-elle.
… et territoires ruraux éducatifs
Une autre expérimentation intéresse les maires, celles des territoires éducatifs ruraux, lancée en 2021. À l’image des cités éducatives, l’enjeu est de «fédérer la communauté éducative » et de «sortir de nos silos respectifs » résume Marc Andreu-Sabater, maire de Vire Normandie (Calvados). Cela requiert aussi de la sérénité. «Tous ces dispositifs n’ont de sens que s’ils inscrivent dans la durée », c’est le message des maires au gouvernement. Le message fait écho à celui des enseignants, qui appellent aussi «à la stabilité » résume la secrétaire générale du SNUIPP, Guislaine David.
Cette «chose affreuse » de la carte scolaire
Les maires demandent aussi à ce que la carte scolaire ne «brise pas les dynamiques ». Que leurs investissements dans de nouvelles classes, dans des équipements numériques ne soient «pas remis en question du jour au lendemain sous prétexte d’un petit effritement des effectifs ». Or, «chaque année on repasse sur la table de jeu. L’Éducation nationale raisonne parfois de manière comptable mais il faut qu’elle investisse sur le contribuable de demain aussi ! » dénonce Frédéric Leturque. «Il faut revenir à la logique de décentralisation » appuie Delphine Labails, maire de Périgueux, sa collègue à la présidence de la commission Éducation de l’AMF.
Agenda rural
L’école est pour les maires «le sujet qui doit être un point déterminant de l’agenda rural ». Les conventions ruralités ont justement été proposées comme «un dispositif dérogatoire qui nous permet de réfléchir à ce que nous voulons comme école de qualité, et demander au ministère de nous donner les moyens pour cela » relance Christian Montin, président de l’association des maires du Cantal, un département pionnier. Il reste convaincu de sa pertinence pour «rendre l’école rurale plus attractive ». Il regrette toutefois que «le territoire ne se soit pas assez approprié la démarche ». La balle est donc aussi dans le camp des maires.
Des questions à reprendre
« Les élus ont montré ce qu’ils étaient capables de faire en terme d’investissement », ils «montent en puissance, ils montrent leur savoir-faire » observe le sociologue Choukri Ben Ayed. Cette réflexion l'amène à poser «une question de fonds » : «le système éducatif doit-il se gouverner par le haut ou par le bas ? ». Un thème pour la présidentielle ?
Les maires disposent de compétences qui sont autant de «leviers essentiels pour le développement de l’enfant » défend Delphine Labails, maire de Périgueux (Dordogne). Dans la Vienne, Poitiers mise sur les vacances, «un temps éducatif à part entière », en réactivant l’idée de «vacances pour tous ». À Sauvagnon (Pyrénées-Atlantiques), le temps de la restauration scolaire a été repensé de bout en bout.
Les enjeux sont autant de faire que ce soit un temps calme, de qualité, voire de citoyenneté, et accessible à tous… À ce sujet, la Défenseure des droits Claire Hédon a rappelé aux maires que «dès lors que la cantine existe, elle doit être accessible aux enfants », et a émis des recommandations pour l’accueil des élèves en difficulté. Ce sont encore les clubs Coup de pouce, «pour prévenir décrochage scolaire précoce » que les communes accompagnent, même si celles-ci ont souligné leur coût. Mais les enjeux restent encore grands. Seuls «10 % des enfants dans les territoires ruraux suivent des activités extrascolaires » rappelle Delphine Labails.
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