Congrès des maires 2023. Rural et urbain : une nécessaire complémentarité
L'opposition entre territoires urbains et ruraux céderait-elle la place à plus de solidarité ? La crise sanitaire et le dérèglement climatique ont changé la donne, avec à la clé de belles initiatives de coopération explosées lors du débat du 22 novembre.
« La solidarité ce n’est pas faire un cadeau à quelqu’un mais avoir une communauté d’intérêt avec lui ». Christine de Neuville, maire de Vicq-sur-Breuilh (87), a bien résumé l’état d’esprit du débat «Rural et urbain : la solidarité ne se décrète pas, elle se construit », organisé le 22 novembre. «Dans mes rapports avec la métropole de Limoges, j’ai souvent eu le sentiment qu’elle nous faisait grâce de ses services et de lui être redevable », a confessé l’élue.
Mais les temps changent et les dépendances s’inversent. «Avec le dérèglement climatique, les besoins vis-à-vis de nos territoires ruraux seront de plus en plus importants, notamment pour accueillir et produire des énergies renouvelables. Aujourd’hui, sans nous, la nation n’y arrivera pas mais tout le monde n’en a pas encore conscience », a lancé Christine de Neuville.
Projet de territoire
Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (43) et co-présidente de la commission des communes et des territoires ruraux de l’AMF, n’a pas dit autre chose en appelant à la reconnaissance des aménités que sont les services rendus par les territoires ruraux à la nation. «Selon l’Insee, 88 % du territoire hexagonal est rural. Il faudrait que ces espaces aient une valeur économique voire un prix compte tenu de leur valeur écologique ou productive », considère l’élue en rappelant que 30% de l’emploi industriel se situe dans les communes rurales et même 70% dans celles de moins de 20 000 habitants.
La ruralité redresse la tête. Pour réussir, Josiane Corneloup, présidente de l’Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) et députée de Saône-et-Loire, prône un changement de modèle. «Face à des urgences et des transitions majeures, les territoires ne peuvent plus être en concurrence. Ils doivent se réinventer et penser des modes de fonctionnement différents. L’ADN des pays et des pôles territoriaux est de travailler ensemble et d’établir un projet de territoire à 15-20 ans, stratégique et partagé par tous ». Et de mettre en avant, à cet effet, le récent vade-mecum de l’ANPP, intitulé « Coopérons pour réussir nos transitions ».
Des réservoirs de biodiversité
Les communes rurales constituent un formidable réservoir de biodiversité. Plusieurs témoignages l’ont montré durant le débat.
Philippe Gamen, maire du Noyer (73) et président du parc naturel régional (PNR) du massif des Bauges (67 communes et 67 000 habitants), a décrit un territoire préservé et entouré de grandes villes (Annecy, Chambéry, Aix-les-Bains, Albertville). «Bien que préservant la biodiversité, nous ne sommes pas un territoire sous cloche et nous avons des projets de développement avec des productions alimentaires, de ressources naturelles ou d’énergies renouvelables », a-t-il argumenté. Le PNR a signé des contrats de réciprocité avec les agglomérations notamment en matière de tourisme.
Autre illustration avec Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau aux Prés (45) et co-président de la commission transition écologique de l’AMF. Avec 7 km de berges sur la Loire, il se démène pour protéger cette riche biodiversité. «Nous avons lancé une grande opération de rachat de près de 600 parcelles avec un conservatoire municipal, aidé par la Safer, grâce à un financement européen Leader à 80% », a expliqué l’élu. Un travail sur le temps long avec l’établissement public foncier (EPF) Cœur de France, qui achète les terrains puis les rétrocède à la commune.
Saluant ces initiatives, Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité, a mis en avant «le rôle de l’Etat pour porter des outils et des financements en faveur des territoires ruraux ». Elle a cité en particulier les augmentations successives de la dotation Biodiversité qui atteindra 100 millions d’euros en 2024.
Contrats de réciprocité
Christine de Neuville a insisté sur la nécessité de mettre en place des contrats de réciprocité entre l’urbain et le rural. Il en existe environ 200 aujourd’hui, a précisé Dominique Faure, ministre déléguée aux Collectivités territoriales et à la Ruralité. «Il faut que les territoires urbains et ruraux se réconcilient, a-t-elle estimé. Le mot d’égalité entre les territoires devrait être remplacé par celui de réciprocité ».
La ministre propose de structurer cette complémentarité autour de cinq axes : l’alimentation, le tourisme, la culture, l’emploi et la mobilité. «Pour donner plus de force aux contrats de réciprocité, ne faudrait-il pas les rendre plus incitatifs voire obligatoires à partir d'une certaine taille ? », avec également un accompagnement financier, s’est interrogé la maire de Vicq-sur-Breuilh.
« La ruralité fait à présent envie »
Karine Gloanec Maurin, présidente de la communauté de communes des Collines du Perche (41) et co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF, a cité l’exemple d’une coopération «hors cadre » entre Couëtron-au-Perche (41) et Arcueil (94) autour de la culture.
- Retrouvez l'interview de Karine Gloanec Maurin, présidente de la communauté de communes des Collines du Perche, réalisée par Maire info, ci-dessous :
« Fruit du hasard et de rencontres humaines, notre projet gagnant-gagnant repose sur des résidences d’artistes à Couëtron-au-Perche qui apportent beaucoup aux habitants de nos deux villes », a expliqué Christian Métairie, maire d’Arcueil (94). Selon le vice-président de l’AMF, «le Covid a changé le regard des urbains sur la ruralité qui fait à présent envie. Malgré nos différences, nous avons beaucoup de choses en commun à partager ».
Dans la même veine, Gilles Leproust, maire d’Allonnes (72) et président de Ville & Banlieue, a plaidé pour «ne pas laisser une partie de notre pays de côté (…). Il faut cesser l’opposition entre les territoires et réaliser un travail en commun pour faire République ensemble », a-t-il résumé. «Tournons le dos à la rhétorique de la fragmentation et de la séparation des territoires pour construire des alliances entre eux », a conclu Dominique Faure.
La signature du contrat de réciprocité date de juillet dernier. «Nous tricotons ce contrat avec les acteurs économiques, les associations et les citoyens », a indiqué l’élue. Le programme est riche : échanges culturels, accueil de jeunes du Teil pour poursuivre leurs études, droit aux vacances (grâce à des logements vides sur Le Teil), agriculture (pour la fourniture des cantines de Villeurbanne), présentation des entreprises du pôle industriel jeux vidéo de Villeurbanne aux lycéens du Teil, etc.
« Nous faisons de l’incubation avec un modèle économique qui s’équilibre ensuite. Les projets sont rendus viables et cela crée de la richesse pour tout le monde », se réjouit Olivier Peverelli, maire du Teil.
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