Commande publique : un appel à aider les petites communes
La commission d'enquête du Sénat recommande d'assouplir le recours aux groupements de commandes entre communes et intercommunalités et à mutualiser la fonction achat. Elle enjoint l'État d'apporter les outils nécessaires aux acheteurs publics pour simplifier et sécuriser les marchés.

L’ambition est d’arriver à utiliser la manne de la commande publique française qui s’élève à 400 milliards d’euros par an, voire la commande publique européenne (2 500 milliards d’euros par an) comme levier politique et économique au profit des entreprises de l’Union européenne tout en assurant la souveraineté (économique, industrielle, numérique) aux pays membres. L’enjeu est aussi de s’appuyer sur les collectivités locales qui assurent 80 % des marchés publics, encore faudrait-il ne pas leur «imposer des efforts financiers d’un côté, et leur demander de soutenir l’économie de l’autre », grince Simon Uzenat.
Achat local et exception alimentaire
Les sénateurs recommandent ainsi de privilégier l’achat local et d’instaurer une préférence européenne lors de la prochaine révision des directives européennes régissant le droit de la commande publique, prévue pour 2027. Les États-Unis, relèvent-ils, réservent, depuis 1953, une part en valeur de leurs marchés publics fédéraux aux TPE et PME et autorisent l’attribution directe de marchés en dessous de certains montants. Ils appellent donc à faire de même en Europe en instaurant ce même type de modèle, appelé «small business act ». Il s’agirait là de renforcer les armes de l’Europe dans la guerre commerciale qui fait rage au niveau mondial actuellement.
Dans cet esprit, les sénateurs aimeraient que l’Union européenne introduise «une exception alimentaire » au droit de la commande publique en permettant «de faciliter, notamment pour les collectivités territoriales », le recours à des producteurs locaux et à des circuits courts d’approvisionnement ». Une telle exception répondrait à une demande forte des élus locaux.
Montées en compétences
Un autre axe des recommandations vise à simplifier la commande publique des collectivités, notamment des plus petites, en les aidant davantage. Les sénateurs souhaiteraient assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes pour les communes et les intercommunalités en facilitant l’ajout ou la sortie d’un membre à un groupement.
Ils encouragent également la mutualisation de la fonction achat, qui s’est largement professionnalisée ces dernières années, à l’échelle de l’intercommunalité. Cette mutualisation peut se faire «par une simple convention», avance Simon Uzenat. «Les plus petites collectivités demeurent confrontées à des difficultés multiples pour cette montée en compétences : difficultés de recrutement, manque de formation des agents, volume d’achat insuffisant pour justifier la professionnalisation, expliquent les deux sénateurs. Signe de ce retard, moins de 10% des maires interrogés par le Sénat dans le cadre de la consultation des élus locaux [réalisée en avril, 1182 réponses, NDLR] ont indiqué disposer d’un acheteur professionnel dans leur équipe. » Les sénateurs envisagent également une formation obligatoire au droit de la commande publique pour les élus participant aux commissions d'appel d'offres.
État défaillant
L’État s’est en outre montré défaillant dans son rôle de pilotage de la commande publique nationale (les sénateurs estiment d’ailleurs qu’il n’y a aucun pilote, ni aucun responsable au niveau national de cette politique publique pourtant devenue majeure) et d’accompagnement des pouvoirs adjudicateurs, et notamment des plus petites communes, dans l’appropriation des outils juridiques de la commande publique en matière environnementale.
La loi Climat et résilience va obliger les pouvoirs adjudicateurs à intégrer, à compter du 22 août 2026, une clause d’exécution environnementale et un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales des offres dans chaque marché public. «La commission d’enquête a constaté l’insuffisante préparation des acheteurs publics à une telle évolution du cadre juridique », écrivent les deux sénateurs. Ils en attribuent la responsabilité à l’État qui n’a pas mis à disposition les outils nécessaires. Par exemple, il s’était engagé à produire une méthode de calcul pour analyser le coût du cycle de vie des produits avant le 1er janvier 2025 (article 36 de la loi Climat et résilience). Il ne l’a pas fait.
Protection des données publiques sensibles
Simon Uzenat et Dany Wattebled reprochent également à l’État son «inertie » en matière de protection des données sensibles, voire «une faute politique », pour trouver des solutions souveraines d’hébergement de données numériques. Les données de santé des Français sont, par exemple, hébergées sur une solution Microsoft, qui n’apporte aucune garantie contre un possible accès des États-Unis à ces données.
De même, les marchés passés par l’Ugap auprès d’éditeurs de logiciels (860 millions d’euros de vente en 2024) et de prestataires d’hébergement «en cloud », c’est-à-dire sur des plateformes numériques extérieures (pour 44 millions d'euros de vente) ne protègent en rien ses clients contre toute dépendance technique et possible captation des données par des puissances étrangères. Les sénateurs recommandent de mettre l’Ugap sous tutelle du ministère chargé de la Souveraineté industrielle et numérique.
Souveraineté numérique
Pour mieux assurer la protection des données des citoyens français dans le cadre de la commande publique, ils réclament l’application de mesures de sécurité, déjà prévues par la loi mais non encore mises en œuvre comme le recours obligatoire à des offres disposant de la qualification SecNumCloud pour l’hébergement des données publiques sensibles, de préférence au moyen de solutions intégralement souveraines. Ils demandent également de permettre l’insertion, dans les marchés publics, de clauses de non soumission aux législations extraterritoriales étrangères et de clauses «interdisant le transfert des livrables produits dans le cadre de ces prestations ».
La commission d’enquête recommande par ailleurs une simplification générale des règles de commande publique et propose toute une série de mesures techniques, comme la suppression du système de procédure adaptée français, faire de la négociation la règle, la mise en place d’un «passeport commande publique » attestant du respect par les candidats aux marchés publics et par les titulaires de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale, etc.
Les deux sénateurs ont promis de travailler à deux propositions de loi, dont l’une serait davantage orientée vers les collectivités locales, reprenant leurs recommandations.
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