Dans les Deux-Sèvres, les élus anticipent la crise sociale
Plusieurs municipalités ont mis des terrains à disposition de collectifs pour produire des légumes au profit des plus démunis.

DES LÉGUMES SOLIDAIRES
Beau bilan pour une opération montée en plein confinement par le collectif «Bocage a la patate », formé d’habitants du coin, pour la plupart impliqués dans des réseaux militants, sympathisants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Ce sont eux qui sont allés trouver les mairies de Combrand, du Pin (1 052 hab.) et de Cerizay, qui ont tout de suite répondu à l’appel. Leur idée était d’anticiper la crise économique devant suivre inévitablement la crise sanitaire, dans un secteur plutôt épargné par le chômage, mais où les salaires sont très bas. Et de pouvoir proposer des légumes frais et bio à ceux qui n’auraient plus les moyens de s’en procurer. Ici, des pommes de terre et des courges essentiellement, car elles demandaient le moins d’entretien (arrosage et désherbage) avant la récolte : en tout, il a fallu « quatre ou cinq journées de travail » pour chaque parcelle, mais avec au moins une quinzaine de bénévoles mobilisés à chaque fois. Les agriculteurs locaux sont aussi venus donner un coup de main, à l’image des maraîchers de Combrand qui ont retourné le terrain afin de le préparer pour la plantation.
Cyril Sourisseau se souvient quand le collectif est venu le voir en avril. « J’ai trouvé l’idée intéressante, je l’ai relayée au conseil municipal, qui a rapidement proposé trois parcelles au choix. » Malgré le confinement et les difficultés à se déplacer ou se réunir, tout a été bouclé en deux semaines. « Nous avons choisi ce terrain car il est facile d’accès, en plein cœur du village, à deux pas de l’école et de la MARPA (résidence de personnes âgées) », ce qui permettait d’impliquer le plus de monde possible en dehors du collectif de départ, explique Bastien Guicheteau, le référent du collectif à Combrand. Lui-même est natif du village et s’apprête à s’installer comme éleveur de volailles. « Notre idée, c’était aussi d’encourager les élus à aller vers plus d’autonomie alimentaire à l’échelle communale », explique Claire Chevalier, qui habite au Pin mais est venue donner un coup de main pour la récolte.
Prêt de parcelles
À Cerizay, ville de petite industrie au cœur du bocage, l’équipe municipale, qui a déjà réfléchi à installer des maraîchers sur la commune, a tout de suite embrayé, elle qui s’était engagée au début du mandat précédent pour « l’excellence environnementale » : tout le mobilier en bois est fabriqué sur place à partir des arbres des parcs communaux, tondus par… un troupeau de brebis municipales, les déchets verts sont recyclés et compostés, un verger conservatoire a été planté. La mairie a donc prêté une parcelle inoccupée des jardins familiaux loués aux habitants : «Les agents ont passé un coup de soc pour faire des buttes, et recouvert les pommes de terre, plantées directement sur le gazon, avec du foin et du compost », rapporte Stéphane Raffin, le directeur des services techniques de la ville. Puis ils ont planté des plants de courges et autres légumes, pour la plupart des invendus donnés par les pépiniéristes et maraîchers locaux, ou donnés par les bénévoles.
L’épicerie solidaire, qui dessert des habitants de huit communes alentour, a déjà vendu des courgettes à prix réduit et s’apprête à recevoir les pommes de terre. Six familles sont allées directement en récolter pour elles-mêmes, ce qui était l’intention de départ du collectif, afin de ne pas «faire la charité » et d’atténuer l’aspect stigmatisant du don alimentaire. L’épicerie solidaire, qui vend ses produits 10 à 30 % du prix courant à plus de 220 familles, aurait aimé pouvoir attirer plus de monde dans les champs, mais l’appréhension d’aller «dans un milieu qu’ils ne connaissent pas, la peur de ne pas savoir comment s’occuper du potager » a bloqué un certain nombre de bénéficiaires, estime Flavie Grellier, responsable de l’épicerie au centre socio-culturel (CSC). Le contexte du confinement n’a pas aidé. L’expérience reste très positive pour ceux qui ont participé, d’autant plus, complète l’agente, «qu’il s’agissait de familles qu’on n’arrivait pas à faire venir sur d’autres ateliers ou manifestations. Un monsieur qui vit seul habite au Pin, juste à côté du terrain cultivé, il était très motivé et passait tous les jours surveiller les légumes ! »
Distributions hivernales
Dans le Cerizéen, contrairement aux grandes villes, les agents du CSC n’ont pas constaté d’augmentation particulière de la demande en aide alimentaire, mais n’excluent pas de la voir arriver «en octobre ou en novembre », après les licenciements de l’été… et quand il sera trop tard pour planter des légumes. Une partie de la récolte a servi cependant à faire des soupes mises en conserve pour les distributions hivernales des Restos du cœur. Le résultat est encourageant pour les membres de «Bocage a la patate », qui n’excluent pas de répéter l’opération, même si le but est surtout de motiver les communes à relocaliser la production agricole.
À Combrand, en repartant, les bénévoles laissent sur pied deux rangs de patates, des tomates, des betteraves et des poireaux pour que les élèves de l’école primaire viennent les récolter plus tard. Le tout sera cuisiné à la cantine, pour eux et les personnes âgées de la résidence. Une première étape.
La mairie de Nantes a mis en culture une cinquantaine de ses espaces verts, dans toute la ville, sur un total de 25 000 m². Les plantations se sont faites en juin, au vu de «l’explosion » de la demande d’aide alimentaire, souvent composée de denrées de supermarché et de conserves. Quelque 250 agents municipaux ont lancé la mise en culture. Cinq tonnes de légumes variés ont été récoltées et distribuées en septembre par des associations et des habitants en lien avec le CCAS ; 20 tonnes de pommes de terre et courges étaient attendues en octobre, pour plus d’un millier de bénéficiaires.

Françoise Cartron, sénatrice de Gironde
« Les communes ne peuvent agir seules »
Les communes prennent aussi conscience qu’au-delà du défi de loger leurs habitants, il faut également les nourrir. Les terres maraîchères en périphérie des villes et bourgs doivent être conservées et même agrandies. Mais les communes ne peuvent agir seules.
Il est important de travailler avec les SAFER, les chambres d’agriculture pour identifier les bons terrains, les types de cultures adaptés… L’outil idéal est le projet alimentaire de territoire (PAT), que nous voudrions voir renforcé et devenir l’un des premiers bénéficiaires des aides des futurs contrats de ruralité. Dans le Pays Cœur Entre-deux-Mers,
le PAT a permis d’installer des maraîchers et des éleveurs qui fournissent désormais les cantines scolaires en produits locaux à 80 %. »
Le gouvernement a installé, le 8 septembre, un comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire rassemblant plusieurs ministères, les collectivités locales et les associations. Objectif : faciliter le dialogue entre les acteurs. L’AMF demande que le rôle majeur des élus dans la lutte contre la précarité soit reconnu. www.amf.asso.fr (réf. BW40277).
Le commodat ou contrat de prêt d’usage a permis aux mairies de Combrand ou du Pin de mettre gratuitement leurs terrains à disposition des collectifs. Le coût de l’opération pour les mairies a été nul.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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