Gérer le bénévolat spontané en temps de crise
Afin de soutenir les « Je veux aider ! » de leurs habitants, les communes sont parvenues à poser dans l'urgence un cadre sécurisant pour les aidants comme pour les aidés.

Fixer un cadre d’intervention
L’organisation de ce bénévolat spontané s’est joué en deux temps : repérer les personnes nécessitant une aide (courses alimentaires ou à la pharmacie, soutien psychologique par téléphone). Puis donner un cadre à l’intervention des bonnes volontés. Claude Aussant, maire de Arudy (Pyrénées-Atlantiques, 2 230 hab.), a croisé avec ses partenaires du secteur social environ « 40 sources différentes pour être sûr de n’oublier personne, du fichier électoral à celui du CCAS en passant par les données du service d’aide à domicile ». Il a identifié au final 12 personnes sans aucune assistance, précisant que « la solidarité de voisinage était déjà activée, surtout dans les hameaux isolés, et pourvoit aux besoins de la majorité des personnes isolées ». Le maire a demandé à chaque aidant de lui faire un retour régulier sur la situation observée dans son secteur afin, par exemple, de lui signaler des volets qui resteraient fermés. Dans le Var, Nicole Fanelli-Emphoux, maire de Salernes (3 840 hab.), s’est, elle, appuyée, comme nombre de communes, sur le fichier du plan canicule géré par le CCAS. « Ce qui nous a permis de faire passer le message “on peut vous aider”. Il faut assurer les habitants, et surtout les plus fragiles, que nous veillons au maintien du lien social. » Pour l’élue, le CCAS « est bien le centre névralgique des solidarités, municipales et bénévoles ». Elle a pu aussi compter sur des initiatives parallèles comme celles des commerçants qui ont développé un service de livraison à domicile.
Les communes rappellent aux bénévoles le respect des gestes barrières et leur fournissent, selon leurs ressources, gel, masques et gants. Le CCAS de Haguenau (Bas-Rhin, 34 500 hab.) a tenu à mettre en place une convention, signée par le volontaire, stipulant le respect de ces règles. « Nous avons aussi tenu à organiser une rencontre physique avec chaque bénévole », précise Mireille Illat, adjointe au maire en charge des solidarités. « Nous pouvons compter sur environ 90 volontaires (NDLR : à la date du 10 avril), soit bien davantage que le nombre de personnes identifiées en difficulté. Mais les besoins peuvent augmenter avec la poursuite du confinement », relève Julien Vergnault, directeur du CCAS. À Haguenau, comme ailleurs, on se félicite de pouvoir compter sur des habitants qui, jusqu’alors, ne faisaient pas partie du noyau dur des fidèles bénévoles. « C’est un signe encourageant quand on pense au nécessaire renouvellement des troupes », souligne Mireille Illat.
De par la distanciation sociale qu’elle impose, cette crise amène les collectivités à développer en accéléré nombre d’outils numériques au service de l’entraide : pages Facebook, adresses mail dédiées aux propositions, voire lancement en urgence d’un site construit sur mesure pour faciliter les échanges entre particuliers, comme à Saint-Genis-Pouilly (Ain, 12 000 hab.), avec « saint-genis-pouilly-solidaires.fr ». Bordeaux (Gironde, 254 500 hab.) a ajouté un onglet, « jeparticipe.bordeaux.fr », à son site municipal. « Les propositions ont de suite afflué et sont pour l’instant supérieures aux besoins », se félicite Fabien Robert, premier adjoint au maire. De plus, la ville a fait un don de 100 000 e pour soutenir l’aide alimentaire en proposant à ses administrés de l’abonder. «Il s’agit de dire à la population, que nous savons généreuse, “accompagnez-nous dans nos actions de solidarité” », explique l’élu. De son côté, le département de Seine-et-Marne a réactivé son dispositif «Seine-et-Marne Entr’aide », créé lors des inondations de 2016 afin de déployer des bénévoles auprès d’associations ou de communes. L’État a aussi veillé à mettre en relation bénévoles et collectivités via le site de la réserve civique (lire ci-contre). « La mise en relation est ensuite gérée à l’échelle départementale », précise Arnaud Criard, chef du pôle jeunesse, sport et vie associative à la direction départementale déléguée de la Cohésion sociale de la Côte-d’Or (lire ci-dessus).
Vigilance
Face à ces divers élans de solidarité, le maire de Crolles (Isère, 8 250 hab.) incite à la prudence. «Dans les messages vidéo que je poste depuis le début de la crise, sur le site de la mairie, je martèle que la solidarité, c’est avant tout de rester confiné », souligne Philippe Lorimier. L’élu craint des «prises de risques inutiles pour les bénévoles comme pour les personnes secourues » dans le cas où l’aide ne serait pas délivrée de façon rationnelle. Pour les habitants de sa commune, il a fait procéder par les services municipaux à une prospection par téléphone des personnes de plus de 65 ans qui auraient besoin d’une aide – portage de courses ou soutien psychologique. Une opération qui a permis de repérer une douzaine de personnes. Actuellement, le maire cherche à entrer en contact, notamment via l’intermédiaire des bailleurs sociaux, avec les foyers les plus fragiles, sans critère d’âge. Pour apporter ce soutien, il a fait le choix de faire appel aux plus jeunes des bénévoles de la réserve communale de sécurité civile. « Nous allons faire un premier bilan du dispositif. Par exemple, est-il utile que plusieurs personnes fassent des courses et se déplacent à domicile là où on pourrait mobiliser un seul bénévole à chaque poste ?, s’interroge Philippe Lorimier. Encore une fois, plus les personnes resteront chez elles, plus les habitants seront protégés. » De plus, la mairie a lancé un appel à des couturiers bénévoles pour fabriquer des masques en tissu destinés en priorité à la maternité du CHU de Grenoble ou aux associations qui poursuivent les distributions d’aide alimentaire. « Nous avons déjà pu offrir plusieurs centaines de ces masques alternatifs, qui viennent s’ajouter aux masques de protection que nous avons récupérés auprès du secteur industriel ou de la filière agricole de notre territoire et livrés au secteur médical », se félicite l’élu.
Sophie LE GALL

Arnaud Criard, chef du pôle jeunesse, sport et vie associative à la direction départementale déléguée de la Cohésion sociale (DDDCS) de la Côte-d’Or
Le rôle des CCAS
« De nombreux citoyens se sont tournés vers leur mairie et leur CCAS afin de faire connaître leur disponibilité, constate Benoît Calmels, délégué général de l’Union nationale des CCAS et CIAS (UNCCAS). Le site de la réserve civique mis en place par le gouvernement est certainement un bon outil mais je crois plus dans l’expertise d’un CCAS pour connaître précisément les besoins locaux et y répondre efficacement, notamment grâce à la démarche de l’analyse des besoins sociaux (ABS) ou par les relations nouées de longue date avec les associations locales et leurs équipes de bénévoles. Nous observons que des CCAS ont réorienté des bénévoles vers des associations d’aide alimentaire qui avaient besoin de renfort ou vers le dispositif Monalisa (1), qui lutte contre l’isolement des personnes âgées. »
(1) www.monalisa-asso.fr/
Créée par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, la réserve civique complète les réserves citoyennes existantes (défense, gendarmerie, police, éducation nationale). Elle propose une forme d’engagement souple et ponctuel complémentaire d’autres dispositifs (les réserves opérationnelles ou le service civique).
Dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19, elle s’organise autour de 4 missions : aide alimentaire et d’urgence, lien avec les personnes fragiles isolées, garde exceptionnelle d’enfants (personnels de santé) et solidarité de proximité (courses). L’État a recommandé aux élus, le 21 mars, d’utiliser le site de la Réserve https://covid19.reserve-civique.gouv.fr/ «pour publier toutes les annonces de missions vitales qui requièrent l’appui de nouveaux bénévoles ». Ces derniers peuvent aussi proposer leurs services sur « jeveuxaider.gouv.fr ».
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Cet article a été publié dans l'édition :
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