"Il faut construire la ville en utilisant la nature"
Selon Jean-Marc Bouillon, paysagiste, la ville doit désormais être conçue en tenant compte de l'écosystème.

En juin 2017, pour la première fois depuis le début des relevés en 1880, la température nocturne à Paris à 4 heures du matin était la même que la température diurne, 29°. Mais dans les parcs, elle était de 5 degrés inférieure. Une semaine plus tard, il pleuvait autant en une heure qu’en trois semaines. La plus grande quantité depuis 1880. La ville chauffe, est polluée, bruyante… On refuserait des bâtiments construits avec une telle qualité d’usage.
La ville fonctionne mal car on ne tient pas compte de l’écosystème initial. Les villes se sont installées là où elles sont car le sol était propice à l’installation. Fertile, stable, drainant, bien exposé aux vents. Mais on détruit l’écosystème en faisant disparaître arbres et prairies, en drainant, en mettant le sol à nu, puis en le remplaçant par une infrastructure technique monoservicielle, qui ne répond qu’à un besoin.
Comment cela s’illustre-t-il dans le domaine de l’eau ?
Dans les années 1970, on a estimé disposer d’assez d’observations pour dimensionner le réseau d’assainissement. On a alors rompu le cheminement naturel de l’eau au profit de caniveaux, d’avaloirs, de tuyaux, de bassins d’orage. Un système statique, enfoui dans le sol, pour gérer des événements climatiques variables en surface de la ville. Or, les infra-structures provoquent leur propre saturation. Résultat : la pluie, qui véhicule la pollution, fait déborder les stations d’épuration causant une surverse dans le milieu.
Il faut donc laisser les eaux s’infiltrer en ville ?
Bien sûr. Si la ville est là où elle est, c’est que le sol était favorable à l’infiltration. Il faut abandonner un système « tout tuyau » pour aller vers le « tout infiltration » (NDLR : lire ci-contre). Comme le montre l’hydrologue Michel Bénard, il suffit de laisser s’infiltrer les « petites pluies », c’est-à-dire 80 % des pluies annuelles, celles qui lessivent la pollution. Cela signifie avoir une chaussée poreuse quand on refait la voirie, créer des espaces verts en creux et
non en butte, ouvrir le sol lorsque l’on réduit le stationnement. Grâce au paysage, on peut économiser 15 % en voirie et réseaux divers.
Comment enclencher ce mouvement ?
Il faut construire la ville en utilisant la nature.
Si on la dote des infrastructures vertes qui lui manquent, on lui apporte le système immu-nitaire qui lui fait défaut pour être autonome dans sa résilience face aux phénomènes climatiques. Alors qu’un tuyau d’assainis-sement est monoserviciel, la nature, elle, est multiservicielle. Avec elle, la ville est nourricière grâce aux jardins familiaux et à l’agriculture urbaine, elle infiltre l’eau si l’on ouvre les sols, elle favorise la vie sociale avec les jardins.
Et elle rafraîchit, dépollue, filtre le vent,
est favorable à la santé publique. Quelle infrastructure peut offrir autant de services ? C’est cela la transition écologique : quitter un système où l’homme pense tout contrôler pour rendre la ville à la nature. Mais on ne pérennisera la nature que si elle est constitutive du fonctionnement urbain.
Les solutions offertes par la nature en ville deviennent donc centrales ?
Oui. Dans vingt ans, la nature va peut-être devenir une infrastructure primaire du fonctionnement de la ville. Elle ne doit pas seulement être valorisée pour sa beauté, l’environnement, le développement écono-mique, mais être aussi contributrice d’un meilleur fonctionnement de la ville, au profit de ses habitants.
Cet article a été publié dans l'édition :
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