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Maires de France
Solutions locales
juillet 2019
Culture

Accueillir un cirque en ville

Gravelines (Nord, 11 800 hab.) et Bayeux (Calvados, 14 000 hab.) ont noué des relations harmonieuses avec la profession circassienne, au bénéfice, d'abord, des habitants.

Fabienne NEDEY
Illustration
© Ville de Gravelines
La ville de Gravelines (59) aménage des espaces adaptés à l'accueil des chapiteaux. Ces lieux sont choisis en concertation avec le demandeur, en fonction des caractéristiques du cirque (taille, nombre de spectateurs...) et des besoins spécifiques.
Depuis des décennies, les cirques, comme les fêtes foraines, participent à l’animation des territoires. Mais au fil du temps, la place de ces événements dans les villes et les villages s’est trouvée fragilisée par l’évolution des pratiques de loisirs et des mentalités, par la raréfaction des emplacements disponibles en centre-ville et, concernant spécifiquement les cirques, par la montée de préoccupations touchant au bien-être animal. Pour prévenir les difficultés de toutes sortes qui peuvent se poser (sécurité, endommagement des terrains, publicité sauvage, gestion de l’eau et de l’électricité…), il est capital d’anticiper et d’instaurer un dialogue. Sans compréhension mutuelle et accord sur les droits et devoirs de chacun, les tensions peuvent s’envenimer entre communes et circassiens, jusqu’à atteindre parfois un paroxysme.

Respect mutuel

Ces épisodes marquent douloureusement et durablement les esprits, même s’ils sont très loin de constituer une généralité. Aujourd’hui, la profession circassienne a conscience des pratiques qui lui font du tort (chercher à forcer la main des élus, ne pas respecter les lieux dans lesquels ils s’installent…). Dans l’ensemble, elle accepte de se plier aux principes inscrits dans la charte «Droit de cité » (lire ci-contre) signée fin 2018 par les principaux acteurs locaux et se désolidarise de ceux qui ne le font pas. En contrepartie, elle demande à être comprise et reconnue. La présence des animaux fait débat et les élus locaux sont soumis à la pression de campagnes d’opinion virulentes sur le sujet, même s’il ne leur appartient pas de décider de la légalité ou non de cette réalité : l’AMF rappelle que la présentation de spectacles avec animaux est autorisée et encadrée par la réglementation française (1). S’il doit y avoir un débat sur ce sujet, il relève du niveau législatif (lire ci-contre).

3 cirques

sont accueillis chaque année à Bayeux (Calvados).

Preuve est faite cependant qu’il est possible d’accueillir, dans de bonnes conditions, des cirques sur la commune, comme le montrent les exemples de ­Gravelines (59) ou Bayeux (14). « Il faut simplement que chacun se conforme aux règles et respecte l’autre : le dialogue a alors lieu de façon paisible », explique ­Bertrand Ringot, maire de Gravelines et co-président du groupe de travail permanent fêtes foraines et cirques de l’AMF. Cette commune accueille 3 ou 4 cirques par an en moyenne, de tailles diverses. 
« L’emplacement d’accueil est un sujet essentiel, à mon sens, témoigne le maire. Nous disposons de plusieurs lieux aménagés qui sont adéquats : un grand espace vert avec un plan d’eau qui n’est pas en cœur de ville, un espace enherbé plus petit mais plus près du centre-ville, et deux autres espaces dans les hameaux. Au cas par cas, le lieu est choisi en concertation avec le demandeur, en fonction des caractéristiques du cirque (taille de chapiteau, nombre de spectateurs…) et des besoins spécifiques. » Il en est de même pour la date et la durée d’implantation. Le service des fêtes, qui gère le calendrier, reçoit les demandes par courrier. Il prend souvent contact en direct avec le cirque demandeur pour caler les choses, éventuellement voir s’il est possible de déplacer un peu une date en fonction des disponibilités. « Nous nous efforçons d’être arrangeants et transparents, détaille Stéphane Remondiere, directeur du service manifestations, fêtes et logistique. Si d’entrée de jeu, la demande apparaît impossible à satisfaire, nous expliquons pourquoi, ce que nos interlocuteurs apprécient. Nous avons atteint un assez bon niveau de compréhension mutuelle. Les circassiens connaissent nos périodes chargées en événements. Ils savent aussi qu’il n’est pas dans leur intérêt de venir peu après le passage d’un autre cirque. » D’ailleurs, il est plutôt rare qu’ils fassent une telle demande, ce qui montre que la profession s’auto-régule. 
« Ils ont par ailleurs conscience de ce que nous attendons d’eux et ils s’y conforment », apprécie Stéphane Remondiere. Outre les documents relevant de la réglementation liée à l’activité (conformité du chapiteau, certificats vétérinaires des animaux, etc.) et les assurances, la commune leur demande de formuler les besoins spécifiques qu’ils pourraient avoir : barrières pour la sécurité, stationnement d’un véhicule publicitaire, accrochage de panneaux, usage de publicité sonore, containers pour les déchets… Le plus souvent, ces requêtes sont acceptées, éventuellement sous conditions (retrait des panneaux avant de partir, respect d’horaires de diffusion…). Bien sûr, l’affichage sauvage n’est pas toléré. La commune attend aussi que les circassiens laissent les lieux aussi propres qu’ils les ont trouvés. L’électricité est à leur charge. L’eau est incluse dans le calcul du droit de place, lequel doit être acquitté bien avant l’installation : l’arrêté d’occupation du domaine public est délivré après règlement de la somme. «Ces règles du jeu étant partagées, nous n’avons eu aucun problème avec les cirques accueillis », conclut Bertrand Ringot, qui a signé, en avril dernier, la charte «Droit de cité ».

Fixer les règles du jeu

L’état d’esprit est sensiblement le même à Bayeux. Pour Arnaud Tanquerel, adjoint au maire, « le cirque et la fête foraine sont une animation qui ne coûte presque rien à la collectivité, ce qui est plutôt rare. Ils constituent des événements populaires au sens noble du terme, une sortie familiale véhiculant des valeurs, ils contribuent à l’attractivité des centres-villes et à faire tourner l’économie locale ». La ville héberge généralement trois cirques par an, sachant qu’elle reçoit 6 à 10 demandes. Quand il s’agit de cirques avec animaux, elle s’accorde avec la commune voisine de Saint-Vigor-le-Grand pour mettre à disposition un espace limitrophe enherbé plus approprié. La procédure est bien balisée. Le dossier de demande doit arriver au moins deux mois avant la première représentation : le plus tôt est le mieux, car la ville intègre les cirques dans sa communication évènementielle et culturelle. Le dossier doit comporter une liste de documents. L’arrêté d’autorisation détaille les règles. Ainsi, les affiches publicitaires, par exemple, sont interdites en secteur sauvegardé et mémoriel (matérialisés sur un plan), tolérées ailleurs sous certaines conditions. Les diffusions sonores annonçant le spectacle sont encadrées (créneaux horaires) et soumises à certaines limites (pas de défilé en convoi, par exemple), etc. 

(1) www.amf.asso.fr (réf. CW24371)


À retenir
Une nouvelle charte en 2018 
Une première charte «Droit de cité » lancée en 2001 avait illustré la volonté de dialogue et de coopération entre l’État, les collectivités et la profession circassienne. Mais elle était tombée en désuétude. Le ministère de la Culture a confié à Artcena (le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre) la mission de relancer le processus et de l’élargir pour réactiver la dynamique en faveur de l’accueil des cirques. La nouvelle charte a été signée le 24 octobre 2018.
www.artcena.fr et www.maire-info. com /upload/files/Droit_de_cite(1).pdf

Échanges sur les animaux dans les cirques
Depuis fin mars, un groupe de travail de la Commission nationale des professions foraines et circassiennes (CNPFC) est consacré à la présence d’animaux dans les cirques, en lien avec le ministère de la Transition écologique et solidaire. Sous l’égide de son président, le préfet Gérard Lemaire, elle a réuni les membres de la profession, les associations de défense des animaux qui militent pour que ceux-ci ne soient plus utilisés dans les cirques, et l’AMF. Quatre réunions se sont tenues sur différents aspects : conditions de détention et de transport, interactions entre l’homme et l’animal, formation, accompagnement des professionnels, maîtrise des contrôles. Un rapport doit être remis cet été au gouvernement afin d’examiner les évolutions et mesures envisageables tenant compte du bien-être animal et de la situation socio-­économique des cirques.
En savoir + Lire l’article «Maires, professionnels du cirque et défenseurs des animaux : le dialogue est rouvert » sur www.maire-info.com du 1er avril 2019.

Avis d’expert 
Gwenola David, directrice générale d’Artcena, le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre
« Un guide pratique sera diffusé fin 2019 »
« En France, plus de 1 000 entreprises et compagnies de cirques contribuent à la diversité artistique, constituant ainsi une richesse unique au monde. Cette activité soulève des enjeux de proximité liés à l’itinérance comme vecteur de développement territorial, d’animation des territoires, de politiques de diffusion culturelle… C’est dans ce contexte que s’inscrit la charte 
« Droit de cité », signée en 2018 pour faciliter l’accueil des chapiteaux de cirques et autres structures culturelles itinérantes accueillant du public dans les territoires. 
Cet outil encourage le dialogue entre la ­profession circassienne et les collectivités, sur la base d’une logique de responsabilités partagées. Les membres de la profession signataires, dès lors que leur adhésion a été validée (il faut pour cela remplir un certain nombre d’obligations vérifiées par les Drac) peuvent utiliser un logo qui permet de les reconnaître : c’est l’une des valeurs ajoutées de cet outil. Nous travaillons maintenant, dans la droite ligne et le même esprit de concertation que pour la charte, à l’élaboration d’un guide méthodologique (sortie prévue en octobre ou novembre 2019) qui apportera des éléments bien étayés ­juridiquement sur des aspects tels que la sécurité, la présence des animaux, etc. Nous allons par ailleurs mettre en place un autre outil d’accompagnement, sous la forme d’un «catalogue » des spectacles et des actions culturelles des compagnies signataires de la charte, afin de faciliter leur ­repérage. »
 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°370 - Juillet/Août 2019
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