Favoriser le retour à l'emploi des personnes en difficulté
Même s'ils sont rares, les chantiers d'insertion communaux ont prouvé leur utilité. Le gouvernement souhaite les développer, afin d'inciter les collectivités à s'engager.

Au service du projet de territoire
« Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des accidents de parcours quelques mois après la sortie », prend soin de nuancer Frédéric Poulet. Pour arriver à ce bilan, la CCPLM a donné des moyens conséquents à sa politique d’insertion avec l’ouverture de bâtiments techniques et de salles pour faciliter la formation. Le suivi social est, lui, assuré par un intervenant extérieur.
Michel Fournier, maire de la petite commune des Voivres (Vosges, 320 habitants), à 15 km d’Épinal, a exploité à 100 % l’utilité d’un chantier d’insertion. Quand il est élu pour la première fois, en 1989, la commune ne compte que 200 âmes dont 9 enfants, avec la menace de la fermeture de l’école. Pour attirer de nouveaux habitants, la municipalité rachète des maisons à l’abandon avec l’idée de les proposer à des ménages modestes grâce à une formule de location-vente. « À quelques mois de la rentrée scolaire, nous étions pressés par le temps et avec l’obligation de remettre rapidement à neuf les maisons », raconte l’élu, qui, «ne pouvant s’appuyer sur le budget municipal pour faire appel à une entreprise privée », se lance dans l’ouverture d’un chantier d’insertion (14 places) positionné sur les techniques du bâtiment. « Nous avons fait d’une pierre deux coups : maintenir la vie de la commune et proposer une solution d’insertion professionnelle à plusieurs habitants, au moment où intervenait la fermeture de petites usines. » La commune est passée de 9 à 20 enfants dès la première année, à 75 enfants trois ans plus tard… Si le défi du repeuplement a été vite relevé, le maire a tenu à maintenir le chantier d’insertion qui fête ses trente ans, car « il y a toujours à faire dans une commune » et « toujours des habitants très éloignés de l’emploi ». « En trente ans, nous avons accompagné environ 600 personnes, avec de beaux parcours, tout en ayant des ambitions raisonnables. Nous sommes sur un territoire où le premier employeur est le lycée professionnel puis les établissements médico-sociaux. Malgré cette réussite relative, il me faut toujours défendre ce dispositif, même en interne au sein de la mairie », confie l’élu.
Née dans les années 1970, l’insertion par l’activité économique (IAE) et ses chantiers d’insertion ont connu différentes évolutions, liées, notamment, aux modifications du marché de l’emploi comme des politiques sociales.
Évolution des profils
« Au début de notre aventure, nous accueillions des personnes qui avaient déjà connu une expérience professionnelle, un accident de la vie étant venu stopper leur parcours. Aujourd’hui, nous comptons sur le chantier de nombreux jeunes pour qui c’est le premier emploi. Hier, la consommation d’alcool pouvait être un problème, que nous arrivions à canaliser. Maintenant, notre public cumule plusieurs problématiques, dont la toxicomanie. L’encadrement du chantier doit faire face », témoigne Michel Fournier.
Cheffe de service solidarité insertion emploi à la communauté d’agglomération Bar-le-Duc Sud Meuse (36 000 hab.), Christelle Bouchon constate que « les compétences acquises par les salariés en insertion avant leur entrée sur le chantier sont de moins en moins techniques ». Elle a fait évoluer le dispositif en conséquence. Depuis quelques années, le chantier (18 places) a diversifié ses activités pour correspondre à des profils et des projets professionnels variés, comme la distribution des journaux des communes ou encore la gestion logistique de l’épicerie solidaire. À l’échelle nationale, on observe que les structures portant des chantiers d’insertion s’éloignent de leurs secteurs traditionnels – le bâtiment et les espaces verts – au profit des nouvelles technologies, susceptibles d’intégrer le public féminin et le public jeune.
Si les collectivités et leurs élus prennent soin de valoriser l’apport de leur chantier d’insertion, la commune de Mansle (Charente, 1 700 hab.) a intégré le dispositif (23 ETP) aux services communaux. Les encadrants techniques ne sont donc ni des intervenants extérieurs ni des professionnels dédiés mais des agents communaux, contre rétribution financière. «C’est aussi une façon de mettre en lumière leurs compétences », souligne Gaëlle Pasquier, responsable du chantier d’insertion. « En lien direct avec les salariés en insertion, ils savent identifier les besoins en formation de chacun et nous alertent en cas de baisse de rythme », poursuit-elle. Coordinatrice des projets professionnels, Gaëlle Pasquier s’efforce de faire monter en compétence les personnes pour répondre aux attentes des employeurs potentiels, «qui, au final, attendent surtout beaucoup de savoir-être ». «Une fois que la question de la mobilité est résolue, il peut y avoir de beaux débouchés sur Angoulême », assure-t-elle. Le maire de Mansle, Christian Croizard, « soutient à 100 % » le chantier d’insertion lancé par son prédécesseur il y a plus de vingt ans. « Le public est, certes, très éloigné de l’emploi mais aussi très motivé. Nous offrons un accompagnement de qualité et, en échange, il y a beaucoup d’engagement », se félicite-t-il, ajoutant : «Nous avons besoin de cet outil car notre commune a un taux de pauvreté supérieur à la moyenne départementale et nationale. »
Thibaut Guilluy,
président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi (CIE) et directeur général du groupe ARES
Développer l’IAE
Le gouvernement a annoncé, le 9 septembre, dans le cadre du lancement de la concertation sur le service public de l’insertion (SPI), notamment avec les associations d’élus, dont l’AMF, que le budget pour l’insertion par l’activité économique (IAE) allait passer la barre du milliard d’euros en 2020 afin de
pouvoir financer 20 000 postes supplémentaires. Cette décision correspond au souhait exprimé en 2018 par le chef de l’État lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Emmanuel Macron entend faire passer l’IAE de 140 000 à 240 000 contrats (soit environ 55 000 équivalents temps plein) d’ici à 2022. L’IAE est désormais positionnée comme le dispositif pivot du retour à l’emploi des personnes les plus précaires. Un projet de loi sur le SPI doit être présenté en Conseil des ministres au premier semestre 2020.
2 000
Ateliers chantier d’insertion (ACI) sont répertoriés en France. Plus de 90 % d’entre eux sont portés par des associations. Les 10 % restants dépendent d’une commune, d’un département, d’un EPCI, d’un CCAS/CIAS ou encore d’un établissement d’enseignement
professionnel. (Source : AVISE, Agence d’ingénierie pour développer l’économie sociale et solidaire).
Références
• La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions fixe le cadre d’intervention de l’IAE.
• La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale réaffirme le rôle de l’IAE comme acteur à part entière dans la lutte contre l’exclusion.
• Décret n° 2018-1002 du 19 novembre 2018 et arrêté du 3 décembre 2018 portant nomination au Conseil de l’inclusion dans l’emploi (JO
du 7 décembre 2018).
En savoir +
• Dossier de presse de la concertation sur le service public de l’insertion : https://soli darites-sante.gouv.fr
• Conseil de l’inclusion dans l’emploi : www.c2rp.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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