Loi Élan : le volet construction en cinq points
Performance énergétique, accessibilité, prévention des risques... La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) du 23 novembre 2018 modifie aussi le droit de la construction.
1 Performance énergétique des bâtiments tertiaires
L’article 175 de la loi fixe l’obligation de réduction de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Objectif : atteindre un niveau de consommation en énergie finale réduit de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050.
Soumis à l’avis du public jusqu’au 2 mai, la nouvelle mouture du «décret tertiaire » reprend cet objectif et fixe son champ d’application «à tous les bâtiments ou parties de bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² ». Avec certaines exemptions : lieux de culte, constructions provisoires et bâtiments dédiés à la défense, la sécurité civile, ou la sûreté intérieure.
dès 2030, puis 50 % en 2040 et 60 % en 2050, tels sont les objectifs de réduction des consommations d’énergie finale
pour les bâtimentstertiaires.
Pour vérifier le respect de leurs obligations, les délais de transmission des données par les assujettis ont été assouplis : pour la première année d’application du dispositif (2020), l’échéance est repoussée au 30 septembre 2021 – et non plus au 31 décembre 2020. Les sanctions ont aussi été revues à la baisse : le texte soumis à consultation prévoit qu’« en cas d’absence, non justifiée, de dépôt du programme d’actions » auprès du préfet, et après deux mises en demeure, une amende de 1 500 euros pour les personnes physiques, et de 7 500 euros pour les personnes morales, peut être prononcée.
À l’instar du dispositif des agendas d’accessibilité programmée (lire ci-dessous), le dispositif autorise des modulations aux objectifs fixés, dans trois cas : contraintes d’ordre technique, architectural ou patrimonial ; changement du volume de l’activité ; ou coût global des actions «manifestement disproportionné par rapport aux avantages attendus en matière de consommation d’énergie finale ».
2 Carnet numérique du logement
Autre retour en grâce d’un dispositif délaissé : le carnet numérique du logement, mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, mais jusqu’ici dépourvu de texte d’application. La loi Élan (art. 182) rend obligatoire ce service en ligne pour toute construction neuve à partir du 1er janvier 2020. Et, pour les logements existants, à compter du 1er janvier 2025. Cet outil de suivi vise à connaître l’état du logement et du bâtiment, le fonctionnement des équipements. Il doit accompagner «l’amélioration progressive de leur performance environnementale ».
3 Police des constructions
La loi Élan (art. 77) refond le dispositif de contrôle de la conformité au droit de l’urbanisme des constructions, aménagements, installations et travaux, en particulier le droit de visite et de communication. Objectif : rendre cette procédure conforme à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), en fixant un cadre juridique sécurisé, qui garantisse la protection du domicile. Réalisé par des agents assermentés, ce droit de visite doit s’exercer entre 6 heures et 21 heures. En cas de refus, les visites sont autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance compétent. Susceptible d’appel, cette ordonnance est notifiée à l’occupant, avec mention des voies et délais de recours. S’il est établi que la construction a été réalisée en méconnaissance des règles d’urbanisme, le préfet peut mettre en demeure le maître d’ouvrage de déposer une demande de permis ou une déclaration préalable.
Autre nouveauté : ce droit de visite peut désormais s’exercer jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux – et non plus trois ans – et des sanctions pénales sont prévues (6 mois de prison et 7 500 euros d’amende) s’il est fait obstacle aux missions de recherche et de constatation des infractions.
4 Construction sur sol argileux
À compter du 1er janvier 2020, une étude géotechnique devra être fournie lors de la vente d’un terrain ou de la construction d’un bâtiment dans les «zones à risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux » (art. 68 de la loi). Soumis à l’avis du public jusqu’au 26 avril, les textes d’application de cette mesure (2 décrets et 1 arrêté) prévoient à la fois des «mesures d’information sur la nature du sol à destination de l’acquéreur de terrain nu constructible et des constructeurs d’immeubles comportant moins de deux logements », et des prescriptions constructives. Objectif : réduire le nombre de sinistres liés au phénomène en définissant des règles de l’art simples et partagées par tous. À noter : les vérandas, extensions ou garages de moins de 20 m², désolidarisés du bâtiment existant, sont exclus du dispositif.
5 Normes accessibilité et logements évolutifs
À compter du 1er octobre 2019, les projets d’immeubles neufs de logements comportant au moins trois étages – au lieu de quatre auparavant – devront intégrer un ascenseur, en vertu du décret n° 2019-305 du 11 avril 2019. Toujours à cette échéance, la loi Élan (art. 64) fixe le taux contraignant de logements accessibles dans le neuf à 20 % (contre 100 % auparavant) et au moins un logement, ce quota étant réservé aux appartements en rez-de-chaussée ou en étages desservis par un ascenseur. Les 80 % restants devront simplement être évolutifs, c’est-à-dire «(pouvant) ultérieurement être rendus conformes (aux normes d’accessibilité) à l’issue de travaux simples », ces travaux étant définis comme «sans incidence sur les éléments de structure et certains réseaux encastrés en cloisons ».
Un arrêté est encore attendu pour préciser la nature et les conditions de réalisation de ces travaux. Autre précision formulée par le décret du 11 avril 2019 : «la surface moyenne des logements évolutifs ne peut être inférieure, lors de leur conception, à la surface moyenne des logements qui sont accessibles dès la construction ».
La loi Élan facilite aussi les travaux d’adaptation du logement aux frais du locataire : en l’absence de réponse du bailleur à la demande du locataire à l’issue de deux mois (et non plus 4), son silence vaut acceptation.
Lors d’une réunion avec les organismes représentant les propriétaires d’établissements recevant du public (ERP), le 18 mars dernier, la déléguée ministérielle à l’Accessibilité, Brigitte Thorin, a rappelé que le dépôt des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) ne serait plus envisageable après la date-butoir du 31 mars 2019. Et que les gestionnaires d’ERP sans Ad’AP étaient susceptibles de se voir infliger, à l’issue d’une procédure contradictoire, des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 5 000 euros par ERP.
Dans une lettre adressée à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, l’AMF appelle à la «compréhension » à l’égard des collectivités gestionnaires, qui «n’ont pas été en mesure de respecter les échéances, notamment du fait d’importantes difficultés techniques et financières ».
À nos lecteurs
Maires de France consacre une série de fiches décryptant les multiples volets de la loi Élan. Sont déjà parues une fiche sur le volet «aménagement » (n° 365, février 2019, p. 52),
« urbanisme » (n° 366, mars 2019, p. 60) et «littoral » (n° 367, avril 2019,
p. 52).
Références
• Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, publiée au JO du 24 novembre 2018.
• Décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 modifiant les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité
des bâtiments d’habitation et au contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan.
Assouplissements
• Pour faciliter la transformation de bureaux en logements, la loi Élan fixe un bonus constructibilité de 30 % afin de compenser les surcoûts liés au changement de destination.
• Les coopératives d’utilisation de matériel agricole n’ont plus l’obligation de recourir à un architecte pour les construc- tions de faible surface (surface de plancher égale ou inférieure à 800 m²).
Cet article a été publié dans l'édition :
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