Déserts médicaux : prendre en compte la spécificité de la montagne
L'Association nationale des élus de la montagne (Anem) demande que les politiques nationales de santé retiennent le critère du temps d'accès aux soins, « extrêmement long » dans ces zones géographiquement sinueuses.

« L’offre de soins en zone montagne est extrêmement fragile et les temps d’accès explosent ! Il faut en moyenne 8,4 minutes pour se rendre chez le médecin généraliste le plus proche (contre 6,2 minutes en moyenne au niveau national), 11,8 minutes pour aller chez le dentiste (contre 8,6 minutes). L’accès aux urgences prend 30,4 minutes (contre 23,2 minutes). Pour les services obstétriques, il faut 36,3 minutes (contre 27,3). Dans les Pyrénées, le temps d’accès moyen dépasse les 40 minutes. En Corse, il faut le double de temps pour l’accès à tous ces services en comparaison avec les zones hors montagne ! Comment rendre nos territoires attractifs dans ces conditions, demande Jean-Pierre Vigier, député de Haute-Loire et président de l’Anem. Il y a un vrai sujet d’accès aux soins en zone montagne, d’égalité d’accès ! » Quand on n’évoque pas carrément les pertes de chances en raison de prises en charge tardives.
Et ce, en dépit des mesures déjà prises, notamment dans la loi Montagne de 2016. Celle-ci prévoyait par exemple, dans les six mois après la publication de loi c’est-à-dire au plus tard le 29 juin 2017, un rapport «sur la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne ». À ce jour, l’Anem n’en a pas eu connaissance.
Des prises en compte inégales par les ARS
Toujours selon la loi de 2016, les agences régionales de santé (ARS) devaient adapter les projets régionaux de santé et les schémas interrégionaux d’organisation des soins à la spécificité de la montagne. L’Anem évoque une prise en compte inégale selon les ARS. Celle d’Occitanie offre une aide de 50000 € aux médecins qui s’installent dans l’une des 1577 communes de montagne. L’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes a créé un label «Cabinet de Montagne » pour les médecins généralistes pratiquant en altitude et spécialisés dans la traumatologie liée aux sports d’hiver. Elle a également mis en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qualifiées par Jean-Pierre Vigier de «très importantes car l’organisation des soins est coconstruites par les professionnels de santé avec les élus. Si on veut que ça marche, il faut de la co-construction ! Il n’y a pas une solution uniforme. Il faut s’adapter aux territoires ».
En revanche, les expérimentations prévues dans la loi Montagne sur la garantie aux populations d’un accès par voie terrestre aux services de santé (généraliste, urgences, maternité) dans des délais raisonnables «n’ont jamais vu le jour ». Dans les communes «France Ruralités Revitalisation » (FRR), «les médecins sont exonérés d’impôts les cinq premières années et un impôts dégressif les quatre suivantes », rappelle par ailleurs le président de l’Anem.
Maintien d'un réseau de proximité
La situation n’est toutefois pas satisfaisante pour l’association qui propose donc d’autres mesures comme le maintien d’un réseau hospitalier de proximité permettant de limiter le temps de transport. «Il faut garder un maillage territorial au moins pour les urgences et la maternité, insiste Jean-Pierre Vigier. Ces hôpitaux pourraient pratiquer les opérations en ambulatoire. C’est un service public local. Cela fait partie de l’aménagement du territoire. Et cela éviterait d’engorger les urgences des CHU. Il est également important que les hôpitaux aient des équipements de qualité pour offrir des soins de qualité comme un scanner, une IRM. Il m’est arrivé d’avoir une ARS qui refuse ces équipements ! Les élus se sont alors mobilisés. Parfois, les ARS constituent un État dans l’État ! Une seule personne peut mettre en péril un hôpital. Elles fonctionnent avec des tableurs, mais ce n’est pas de l’aménagement du territoire ! Il faudrait donner davantage de pouvoirs aux délégués départementaux des ARS », estime-t-il. L’Anem propose également la présence d’un référent montagne au sein du conseil d’administration des ARS pour qu’elles «n’imposent pas des mesures allant à l’encontre des intérêts des territoires ».
Accompagnement à l'installation des médecins
Un autre train de mesures porte sur des avantages en faveur des professionnels qui viendraient s’installer dans ces zones : guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation, garantie de majoration des indemnités kilométriques pour les professionnels non installés en zone montagne mais qui y viendrait pratiquer des soins, développer et pérenniser les cabinets de montagne qui concentrent «une véritable expertise en traumatologie » , soutien des initiatives permettant d’accueillir les étudiants en médecine, «trop longtemps laissés de côté ». Encore faudrait-il aussi supprimer réellement le numerus clausus, souligne aussi le président de l’Anem.
« Aujourd’hui, il faut oublier [la solution] du médecin seul en zone montagne. Les maisons de santé, publiques ou privées c’est-à-dire portées par les professionnels de santé, sont aussi une bonne solution. Attention toutefois à toujours bien co-contruire avec eux pour qu’elles fonctionnent et à bien les installer sur un bassin de vie pour éviter la concurrence entre collectivités. Les permanences de quelques jours constituent aussi une piste », cite comme exemple Jean-Pierre Vigier, qui se dit défavorable à l’installation obligatoire des médecins dans les zones sous-dotées. «Ils ne resteraient pas. Mais quand un médecin souhaite s’installer, il vient avec sa famille. Son rôle va au-delà de la santé avec les patients et il fait partie d’une chaîne avec la pharmacie ». Et tout un écosystème.
L’Anem rencontre le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder, la semaine prochaine pour lui présenter ses propositions.
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