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15/07/2025
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Statut de l'élu : des avancées majeures

La proposition de loi sur le statut de l'élu a été adoptée jeudi par les députés, en première lecture. Avant une deuxième lecture qui aura lieu en septembre, le point sur ce texte très attendu par les élus, à huit mois des élections municipales.

Par Franck Lemarc

 

[Article initialement publié par Maire info]


132 voix pour, 36 absentions et aucune voix contre. Stéphane Delautrette, président de la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, a salué jeudi après-midi un vote «unanime » : «Cela fait des années que la question du statut de l’élu local est abordée dans tous les congrès d’associations d’élus. Elle trouve enfin une traduction concrète dans la loi, après un long chemin. »  Ce n'est encore tout à fait le cas, en réalité, car avant que le statut de l’élu soit réellement inscrit dans la loi, il faudra une deuxième lecture, puisque le gouvernement n’a pas appliqué la procédure accélérée à ce texte. Ce devrait être chose faite à la rentrée, puisque la proposition de loi devrait être examinée à partir du 24 septembre. Il reviendra enfin à l’Assemblée pour une adoption, a espéré Stéphane Delautrette, «avant le congrès des maires ». 

Même si le texte va probablement encore évoluer à la marge lors de la seconde lecture, il est maintenant possible de faire un point précis sur son contenu à ce jour. 

Indemnités

En début de semaine, les députés avaient adopté un dispositif de revalorisation, qui semblait acquis. Mais le vote ayant eu lieu dans des conditions discutables, il a finalement été décidé, jeudi, de procéder à une deuxième délibération, et c’est finalement un autre dispositif qui a été adopté, à l’unanimité, réservant l’essentiel des augmentations aux plus petites communes. Résultat : la revalorisation serait de 10 % pour les communes de moins de 1 000 habitants, de 8 % pour les communes de moins de 3 500 habitants, de 6 % pour celles de moins de 10 000 habitants et enfin 4% pour les communes de moins de 20 000 habitants. Au-delà de 20 000 habitants, il n’y aurait pas de revalorisation des indemnités de fonction.

Le même dispositif a été adopté pour les adjoints. Alors que le Sénat avait prévu que le montant des indemnités des adjoints au maire soit fixé de droit au maximum légal, les députés ont supprimé ce dispositif, qui aurait conduit à ce qu’il ne reste plus rien pour verser une indemnité de fonction aux conseillers municipaux.

Retraites

À l’article 3, les députés ont maintenu, contre l’avis du gouvernement, une disposition permettant notamment aux maires, adjoints, présidents et vice-présidents d’EPCI à fiscalité propre, conseillers municipaux et communautaires titulaires d’une délégation de fonction, de bénéficier d’un trimestre (ou deux en cas de cumul de mandats éligibles au dispositif) de bonification pour le calcul de la retraite par mandat complet, dans la limite de 8 trimestres. Le gouvernement a tenté de supprimer cette disposition, au nom des économies budgétaires, sans convaincre les députés. Il est probable qu’il reviendra à la charge en seconde lecture, et ce point n’est donc pas acquis.

DPEL

La dotation particulière élu local (DPEL) serait étendue aux communes de moins de 3 500 habitants, au lieu de celles de moins de 1 000 habitants aujourd’hui.

Cette dotation de l’État a pour but de compenser les dépenses obligatoires de la commune relatives à l’exercice du mandat : autorisations d’absence, frais de formation des élus, protection fonctionnelle, augmentation des indemnités. Cette disposition, si elle est définitivement adoptée, prendra effet au 1er janvier prochain.

Par ailleurs, les députés ont confirmé que le gouvernement va devoir établir un rapport, d’ici un an, sur «les coûts pesant sur les communes liés aux attributions exercées par les maires au nom de l’État » , en étudiant l’opportunité d’une éventuelle compensation de ces coûts par l’État. 

Remboursement de frais

L’article 5 rend obligatoire le remboursement des frais de transport et de séjour des membres du conseil municipal lors des déplacements liés à l’exercice du mandat. Ce remboursement était jusqu’à présent facultatif. Il serait compensé par l’État dans les communes de moins de 3 500 habitants. Deviendrait aussi obligatoire le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique lors des déplacements des élus handicapés. 

Statut de l’élu

L’article 5 bis inscrit dans la loi un «statut de l’élu ». Une nouvelle section du Code général des collectivités territoriales (CGCT), intitulée «Dispositions relatives au statut de l’élu local » , résumant un certain nombre de «droits et devoirs »  de l’élu – pour la plupart déjà dispersés au sein du CGCT ou dans d’autres codes. Il est notamment rappelé dans cet article le droit à la protection fonctionnelle, à la formation, à des «garanties permettant la poursuite de l’activité professionnelle ou la poursuite d’études supérieures ». 

Convocation des conseils municipaux

Le texte de la commission prévoyait l’allongement des délais de convocation des conseils municipaux, en passant de 3 à 5 jours dans les communes de moins de 3 500 habitants et de 5 à 7 jours dans les autres. 

En séance, les députés ont supprimé cette disposition, jugeant que des délais plus longs seraient «susceptibles de décorréler le contenu de la séance de la réalité des problématiques parfois urgentes des communes ».

Visioconférence

L’article 7 ter permet que les réunions du bureau des EPCI puissent se tenir, à la demande du président, en visioconférence, à condition que le bureau se réunisse en «présentiel »  au moins une fois par semestre. 

Congé électif

Les députés ont adopté une solution de compromis concernant les congés pour campagne électorale. Alors que le droit actuel impose aux employeurs d’accorder, à leur demande, 10 jours de congé à un salarié candidat à une élection locale, les sénateurs souhaitaient porter cette durée à 20 jours, pour les seuls candidats têtes de liste. Les députés ont coupé la poire en deux et adopté une durée de 15 jours pour tous les candidats. 

Par ailleurs, ils ont porté le délai de prévenance de l’employeur, pour un tel congé, de 24 à 72 heures. 

Location gérance

Contre l’avis du gouvernement, les députés ont maintenu un dispositif introduit en commission : les artisans, commerçants ou agriculteurs qui placent leur affaire en location-gérance «pour se consacrer à l’exercice de leur mandat local »  pourraient bénéficier d’un abattement fiscal de 30 % pendant toute la durée du mandat. 

Le gouvernement a souhaité faire supprimer cette disposition au motif qu’elle créerait une «nouvelle niche fiscale »  à l’heure où il cherche plutôt à en supprimer. Il n’a pas convaincu les députés. 

Vie professionnelle 

Les articles 9 et 9 bis concernent les relations des élus avec leurs employeurs. Le CGCT prévoit un certain nombre de cas dans lesquels l’employeur est obligé de permettre à un salarié élu de se rendre à certaines réunions (conseil municipal, réunions de commissions, etc.). L’article 9 bis ajoute à cette liste les réunions de l’EPCI, du département ou de la région, quand l’élu y représente sa commune, ainsi que les fêtes légales, commémorations, journées nationales, etc. De même, l’employeur serait désormais tenu de laisser au salarié élu le temps nécessaire pour «exercer leurs missions »  lorsque le maire a prescrit «des mesures de sûreté » , lors de catastrophes naturelles par exemple, dans des conditions qui seront fixées par le Conseil d'État. 

Autre disposition nouvelle, concernant la compensation par la commune des pertes de revenu subies par les conseillers municipaux pour exercer leur mandat. Cette possibilité de compensation était jusqu’à présent limitée à 72 heures par élu et par an. Le Parlement l’a portée à 100 heures, et a augmenté sa valeur maximale, la passant de 1,5 fois le smic à deux fois le smic.

Enfin, l’article 9 bis intègre dans le Code du travail le fait que le temps d’absence d’un salarié élu, utilisé pour exercer son mandat, est assimilable à du temps de travail pour la détermination du droit aux prestations sociales ; ainsi que le fait qu’il est interdit à un employeur de modifier la durée et les horaires du contrat de travail d’un salarié en raison de ses absences dues à l’exercice de son mandat.  Ces dispositions figuraient déjà dans le CGCT, mais leur absence dans le Code du travail «nuisait à leur lisibilité et à leur application, notamment par des employeurs souvent peu familiers du droit des collectivités territoriales », ont estimé les députés. 

L’article 10 permet aux employeurs publics et privés de signer une convention-cadre avec l’association représentative des élus locaux dont la collectivité est adhérente pour «faciliter l’exercice du mandat local ». Un employeur qui signe une telle convention pourra être labellisé «employeur partenaire de la démocratie locale »  et ne pourra pas prévoir de mesures moins favorables pour l’élu que celles prévues dans le cadre de la convention-cadre. 

Élus étudiants

L’article 12 concerne les élus étudiants. Plusieurs dispositions ont été adoptées, notamment le fait que les établissements d’enseignement supérieur devraient désormais aménager l’organisation et le déroulement des études non seulement pour les étudiants titulaires d’un mandat électif local, mais même pour les candidats dont la déclaration de candidature a été dûment enregistrée. 

Il est également prévu qu’un élu étudiant inscrit dans un établissement situé en dehors de la commune bénéficierait du remboursement des frais de déplacement pour se rendre aux seules séances plénières ainsi qu’aux réunions des assemblées délibérantes où il a été désigné pour représenter la commune. 

Une autre disposition a été adoptée par les députés, interdisant que les étudiants boursiers se voient frappés de sanctions financières (notamment la suspension de leur bourse) en cas d’absences en cours liées à l’exercice de leur mandat.

Élus handicapés

L’article 13 de la proposition de loi prévoit plusieurs mesures visant à améliorer les conditions d’exercice des mandats pour les élus en situation de handicap. Les membres du conseil municipal en situation de handicap pourraient désormais bénéficier du remboursement «des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide de toute nature qu’ils ont engagés et qui sont liés à l’exercice de leur mandat »  et seraient dispensés d’avance de frais. Ils bénéficieraient également d’un aménagement de leur poste de travail adapté à leur handicap. Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement prévoyant de revaloriser par décret le plafond de cette prise en charge. 

L’article 13 ter crée, dans chaque préfecture, «un référent à l’inclusion des élus locaux handicapés », chargé de coordonner les actions de mise œuvre de l’accessibilité, d’informer les élus concernés, de sensibiliser les collectivités locales à ces sujets.

Formation

En matière de formation, les députés ont maintenu la suppression d’une disposition prévue dans le texte initial, qui prévoyait que le CNFPT puisse assurer des formations destinées aux élus des communes de moins de 3 500 habitants – alors qu’il est centré sur la formation des agents. 

Le texte prévoit, à la place, «la mise à disposition à titre gratuit et de manière dématérialisée de modules d’informations élémentaires sur les mandats locaux »  ainsi que «la mise à disposition d’une documentation complète à destination des candidats, sur le site internet du ministère de l’Intérieur ».

Le gouvernement a obtenu que la durée du congé de formation des élus locaux soit portée de 18 à 21 jours par mandat, au lieu de 24, comme le souhaitait le Sénat, et ce afin de ne pas pénaliser les entreprises employeuses. 

Enfin, le texte prévoit désormais – en accord avec l’AMF – que les nouveaux élus bénéficient, dans les six premiers mois de leur mandat, d’une «information »  (et non d’une formation comme prévu initialement) sur les fonctions d’élus locaux, avec en particulier des modules sur le rôle des élus locaux, leurs droits et obligations, les violences sexistes et sexuelles et l’égalité femmes-hommes, les risques psycho-sociaux et la santé mentale des élus. 

Frais de garde

Le Sénat avait étendu jusqu’aux communes de 10 000 habitants le financement de la prise en charge des frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées. Les députés ont supprimé cette extension, qui devait se faire sur le budget de la DPEL : celle-ci étant à enveloppe constante, une telle mesure aurait pour effet de pénaliser lourdement les petites communes rurales, en l’absence d’engagement du gouvernement sur la revalorisation de la DPEL.

Arrêts maladie

Le texte a évolué au cours de la navette sur la question des arrêts maladie des élus. Actuellement un salarié élu placé en arrêt maladie ne peut poursuivre son activité d’élu, durant son congé, qu’avec l’accord formel de son médecin. Ce système, on s’en rappelle, a posé de graves problèmes à certains élus qui ont poursuivi, de bonne foi, leur activité d’élu sans cet accord formel, et se sont vus par la suite réclamer le remboursement par l’Assurance maladie de leurs indemnités journalières.

Pour résoudre ce problème, le Sénat avait prévu d’inverser la logique du dispositif, et inscrit dans la proposition de loi que, de droit, un élu pouvait poursuivre son mandat en cas d’arrêt maladie, sauf avis contraire du médecin. 

En commission (et conformément à l’avis de l’AMF), les députés avaient annulé ce dispositif, jugeant qu’il était contraire à l’intérêt des élus en matière de santé. En séance, le dispositif a été rétabli. Les élus «qui le souhaitent »  pourraient donc poursuivre leur mandat en cas d’arrêt maladie sauf interdiction de leur médecin.

Conflit d’intérêts

Enfin – et c’est un point évidemment très attendu par les élus – le texte clarifie la notion de prise illégale d’intérêt en précisant qu’« un «intérêt public ne peut être constitutif de (cette) infraction ».

Il s’agit, comme l’a expliqué en séance le rapporteur Didier Le Gac, de sortir de ces situations «kafkaïennes», telle que celle d’un maire qui siège dans une SEM ou un syndicat intercommunal et qui risque «d’être inquiété pour voir pris part à une délibération qui pourrait donner lieu à un conflit d’intérêts » . C’est ce que l’on appelle communément le «conflit d’intérêt public public ». Dans ce cas, en l’état actuel de la loi, l’élu est alors obligé de se déporter et de quitter la salle des délibérations «alors qu’il est sans doute le mieux placé pour défendre le dossier et expliquer la situation de sa collectivité ». 

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, comme s’en est réjoui en fin de semaine la fédération des EPL, marque la fin du conflit d’intérêt public-public : Les élus siégeant, par exemple, dans des EPL, «ne pourront plus être mis en cause pour le seul exercice de leur mandat de représentation ». Le texte met également fin à l’obligation de sortir de la salle en cas de déport. 

Fin de mandat

Les derniers articles du texte concernent la fin de mandat. Il est notamment prévu un dispositif permettant aux élus de faire valider en fin de mandat les acquis de leur expérience. 

Les députés ont rétabli la version adoptée au Sénat sur l’allocation différentielle de fin de mandat, qui serait désormais versée pendant deux ans au lieu d’un et notablement augmentée, en étant portée à 100 % de l’ancienne indemnité pendant la première année et 80 % la seconde. 

Rendez-vous maintenant le 24 septembre pour la deuxième lecture de ce texte au Sénat, puis à l’Assemblée nationale… si aucun accident de parcours, du type censure ou dissolution, ne vient perturber la fin de la navette parlementaire de cette proposition de loi d'une importance majeure.  

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