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02/10/2024
Administration générale Décentralisation Finances

Le Premier ministre veut bâtir un «nouveau contrat de responsabilité entre l'Etat et les collectivités »

Lors de sa déclaration de politique générale, prononcée le 1er octobre devant l'Assemblée nationale, Michel Barnier a dit vouloir s'appuyer sur les élus locaux pour mener plusieurs chantiers prioritaires. Mais l'un d'eux à de quoi inquiéter les collectivités : celui de la réduction des dépenses publiques, priorité de l'exécutif.

Xavier Brivet
© DR
Une double exigence (« réduire la dette budgétaire » et «la dette écologique » ), une méthode (« écoute, respect et dialogue » ) et cinq chantiers (améliorer «le niveau de vie des français »  ; favoriser l’accès aux services publics de qualité ; renforcer la sécurité au quotidien ; maîtriser la politique d’immigration ; promouvoir la fraternité) : tels sont les principaux points du discours de politique générale prononcé, mardi 1er octobre, par le Premier ministre. 

Résoudre la «dette budgétaire » et la «dette écologique » 

Devant l’Assemblée nationale, Michel Barnier a rappelé la «dette colossale » du pays (« 3 228 milliards d’euros ») qui génère «51 milliards d’euros» d’intérêts, ce qui fait de la charge de la dette «le deuxième poste de dépense de l’Etat après l’Education nationale ». Le chef du gouvernement a pointé le déficit public «qui sera supérieur à 6 % du PIB » cette année et qu’il ambitionne de ramener «à 5 % du PIB en 2025 » et «sous le plafond de 3 % en 2029 ». C’est une précision importante, car elle constitue un recul par rapport aux objectifs fixés par Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Economie, qui souhaitait un retour aux 3 % pour 2027 – objectif jugé par beaucoup intenable. 

Pour le Premier ministre, le «remède » reposera «aux deux-tiers » sur la réduction des dépenses en 2025 dans le cadre d’un «effort partagé » : «Nous ferons des choix avec les collectivités locales, pas sans elles ni contre elles », a souligné Michel Barnier, sans plus de précision. Les élus locaux devront sans doute attendre la présentation du volet «collectivités» du projet de loi de finances pour 2025, le 8 octobre, devant le Comité des finances locales (CFL), la veille de sa présentation en Conseil des ministres, pour découvrir la teneur de ces «choix » …  

Les deux autres remèdes évoqués par Michel Barnier sont «l’efficacité de la dépense publique » et la fiscalité. Sur ce dernier point, le chef du gouvernement a annoncé «une participation au redressement collectif des grandes et des très grandes entreprises » et une «contribution exceptionnelle » des «Français les plus fortunés». 

La réduction de la «dette écologique » (l’autre exigence de l’exécutif avec celle de la dette budgétaire) passe sans surprise, selon le locataire de Matignon, par le développement des énergies renouvelables (et celui du nucléaire), Michel Barnier mentionnant la nécessité de «valoriser les initiatives des communes ». Un troisième plan d’adaptation au changement climatique, en cours de préparation, devrait formaliser les priorités du gouvernement. Le Premier ministre a aussi annoncé la tenue prochaine d’une «conférence nationale sur l’eau».

Une «nouvelle contractualisation » avec les collectivités 

Le chef du gouvernement a évoqué une «nouvelle méthode » de travail qui reposera sur «l’écoute, le respect et le dialogue » permettant de trouver des «compromis » dans la mise en œuvre des politiques publiques, appelant à prendre «l’exemple souvent donné dans les collectivités locales ». Soulignant sa «très haute idée des collectivités dans la République », il veut bâtir «une contractualisation avec les collectivités locales et les élus locaux », un «nouveau contrat de responsabilité entre l’Etat et les collectivités ». Il a évoqué la possibilité de «renforcer [leurs] compétences », sa volonté de «passer en revue les projets d’action locale empêchés par la complexité règlementaire » afin de les débloquer.

Il s’est engagé à «limiter au strict minimum les nouvelles normes ». Pour renforcer l’efficacité de l’action publique, Michel Barnier a indiqué qu’une instruction sera adressée aux préfets «pour leur permettre de déroger au cadre national à chaque fois que cela est utile ». 

S’agissant des Outre-mer, un comité interministériel se tiendra «au premier trimestre 2025» pour «valoriser leurs ressources propres et lutter contre la vie chère ». Concernant la Nouvelle-Calédonie, en proie aux violences depuis près de cinq mois, le Premier ministre a annoncé le report des élections provinciales «jusqu’à fin 2025 » tandis que le projet de loi constitutionnel sur le dégel du corps électoral, à l’origine des violences, «ne sera pas soumis au Congrès ».

Cinq chantiers prioritaires

Michel Barnier a annoncé les «cinq chantiers prioritaires » de son gouvernement. Le premier concerne «l’amélioration du niveau de vie des Français » qui passe par le renforcement des dispositifs d’insertion professionnelle en lien avec les départements, la «revalorisation du smic de 2 % dès le 1er novembre », la relance de la construction de logement. Sur ce point, le Premier ministre a estimé qu’il faut «faire évoluer de manière pragmatique et différenciée» la réglementation du zéro artificialisation nette (ZAN) face à la crise du logement (répondant au souhait de l’AMF), et «donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution des logements sociaux ». Le développement de solutions de transport dans les zones périurbaine et rurale est aussi une priorité «en soutenant les collectivités locales et les acteurs économiques ».  

Le deuxième chantier vise à renforcer «l’accès aux services publics de qualité » notamment dans le domaine de la santé, Michel Barnier s’engageant à «trouver des solutions de terrain» pour résoudre la crise de l’hôpital et lutter contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants. «Nous proposerons la création d’un “programme Hippocrate”, par lequel je souhaite que les internes [étudiants], français et étrangers, s’engageraient volontairement, pour une période donnée et grâce à l’accompagnement de l’Etat et des collectivités, à exercer dans les territoires qui manquent le plus de médecins ».

Il a aussi annoncé que la santé mentale sera la «grande cause nationale » en 2025.  Et évoqué le succès des maisons France services en indiquant que «ce qui marche sera généralisé ». 

« La sécurité au quotidien » est le troisième chantier du gouvernement : le Premier ministre a notamment annoncé la mise en place «sous l’autorité des préfets et des procureurs» d’un «plan d’action dans chaque département par la police et la gendarmerie nationale, en liaison avec les autres acteurs locaux de la sécurité, à commencer par les polices municipales ». Il a confirmé le déploiement de nouvelles brigades de gendarmerie. «Les Français, tous les Français, ont besoin d’être rassurés par la présence de nos forces. Elles seront encore plus visibles et présentes sur la voie publique », a-t-il souligné. Le chef du gouvernement veut «renforcer la politique de maîtrise de l’immigration » et «mieux intégrer les étrangers que nous choisissons d’accueillir » (quatrième chantier). 

Le cinquième et dernier chantier consiste à promouvoir «plus de fraternité » en favorisant pêle-mêle l’inclusion des personnes en situation de handicap, en «encourageant le bénévolat et la vie associative », en «développant une politique culturelle accessible à tous ». Michel Barnier a aussi indiqué que son gouvernement va «reprendre le projet de loi sur la fin de vie, en début d’année prochaine » dont l’examen a été interrompu par la dissolution. La «fraternité » pourrait également passer par le renforcement de la démocratie locale : le Premier ministre a ainsi suggéré d’organiser chaque année «une journée nationale de consultation citoyenne » qui «permettrait à toutes les collectivités de poser une question aux citoyens et d’ouvrir un débat ».

L’AMF attend une concrétisation des engagements

Dans un communiqué diffusé le 2 octobre, l’AMF souligne que «le Premier ministre a tracé des perspectives pour les collectivités qui doivent être précisées de manière concrète », évoquant notamment le renforcement des compétences des collectivités et la nécessité d’adapter l’application du ZAN. 
L’association indique qu’elle sera «particulièrement attentive au projet de loi de finances pour 2025. L’appel à trouver une «juste part » des collectivités dans l’effort financier ne doit pas conduire à leur faire assumer la responsabilité de la dérive des comptes publics ». La notion de «contrat » entre les collectivités et l’Etat appelle selon l’AMF «la plus grande vigilance, le précédent des «contrats de Cahors » ayant démontré que le contrat ne suffit pas à garantir un rapport équilibré entre l’Etat et les collectivités ».
 

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