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04/12/2023
105e Congrès de l'AMF 2023 Environnement

Congrès des maires 2023. Transition écologique : levée de boucliers contre les « irritants »

Complexité administrative, recentralisation rampante, manque de moyens... Les griefs des élus contre l'Etat n'ont pas manqué durant le débat sur la transition écologique du 105e Congrès des maires de France. Le ministre Christophe Béchu a tenté de les rassurer en affirmant que rien ne pourrait se faire sans eux.

Philippe Pottiée-Sperry
Illustration
© Aurélien Faidy
Débat sur la transition écologique du 105e Congrès des maires de France, 21 novembre 2023.
Tout en disant partager la priorité de la transition écologique, les élus n’ont pas ménagé leurs critiques à l’encontre de l’Etat, lors du débat d’ouverture du 105e Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France, le 21 novembre, consacré à ce sujet. «Nous ne ronchonnons pas mais sommes un peu énervés qu’on nous mette des bâtons dans les roues alors que nous voulons bien faire », lance Christian Métairie, maire d’Arcueil (94) et co-président de la commission transition écologique de l’AMF. L’autre co-président, Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés (45), exhorte «l’Etat à se mettre dans un rôle d’accompagnement et non pas de contrôle ». Les témoignages sont nombreux pour dénoncer une longue liste de difficultés : injonctions contradictoires des services de l’Etat, nombreux appels à projets, manque de moyens et d’ingénierie…

« Les clés de la réussite se trouvent au niveau de la proximité de la commune ou de l’EPCI, insiste Bertrand Hauchecorne. Que l’Etat joue son rôle en fixant les grandes orientations et les moyens, ensuite nous les mettrons en œuvre ». Leur message : «il faut simplifier et fluidifier ».

Contractualisation et confiance

Constance de Pélichy, maire de la Ferté Saint-Aubin (45) et co-présidente de la commission Aménagement, urbanisme, habitat de l’AMF, pointe «les services déconcentrés de l’Etat, souvent moins là pour accompagner les projets des collectivités que pour contrôler et contraindre ». Sur le même registre, Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (01) et président de Grand Bourg Agglomération, fustige «l’approche trop tatillonne et interventionniste de l’Etat qui fait perdre du temps à tout le monde ».
 
Il plaide pour un changement de méthode avec «des contrats d’objectifs, qualitatifs et quantitatifs, dotés de moyens, sur lesquels nous nous engagerions ». Et d’évoquer «une relation responsable et non infantilisante, entre des élus locaux à qui on fait confiance et un Etat capable de contractualiser sur des priorités fixées localement ». «Ensuite qu’on nous fiche la paix pendant cinq ans à l’issue desquels nous rendrons compte et accepterons des orientations plus contraignantes si nécessaire », ajoute Jean-François Debat.

L’Etat doit parler d’une seule voix

Jean-François Vigier, maire Bures-sur-Yvette (91) et membre de la commission transition écologique de l’AMF, demande à l’Etat de parler d’une seule voix en donnant l’exemple de la rénovation énergétique qui avance bien dans sa commune, avec des demandes d’isolation par l’extérieur et de pose de panneaux photovoltaïques. «C’est positif, sauf que l’ABF [architecte des bâtiments de France] dit non, regrette-il. Il y a, d’un côté, l’Etat qui avance sur la transition écologique et, de l’autre, l’un de ses services qui s’y oppose ». Autre exemple cité : la loi «APER » (accélération de la production d’énergie renouvelable) prévoit que les maires doivent proposer d’ici fin 2023 leurs projets de zonages. «La ministre Agnès Pannier-Runacher indique que cette date n’est pas butoir alors que des préfets font du zèle en disant que c’est le cas, dénonce-t-il. Cela prouve qu’il faut donner plus de liberté aux maires ».

Un ministre «punching-ball »

« Je me sens un peu comme un punching-ball mais je suis ravi d’être là », a ironisé Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, présent lors du débat. «Ce qui emmerde le plus nos concitoyens, avant le ZAN, les ZFE ou les ABF, ce sont les conséquences concrètes du dérèglement climatique avec la sécheresse ou les catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses », lâche-t-il. Et de reconnaître qu’« il n’y a pas un pays au monde qui a trouvé le bon rythme et la bonne formule pour faire la transition écologique. Nous cherchons dans le cadre d’un triangle avec l’Etat qui doit assumer les responsabilités au titre de la sphère publique, les citoyens qui doivent s’y mettre et les collectivités, point de jonction entre les deux car c’est le lieu où les politiques nationales se déclinent ».
 
Sur la territorialisation de la planification écologique, Christophe Béchu se veut là-aussi rassurant. A Michel Py, maire de Leucate (11), qui insiste pour bien avoir «des instances de dialogue avec les collectivités », il affirme «vouloir faire confiance au terrain ». «L’important est de se mettre en mouvement, et cela avec les nouveaux CRTE [contrats de réussite de la transition écologique] qui seront dotés financièrement », précise le ministre.

Pluri-annualité des financements

Cette planification écologique n’inquiète pas Bertrand Hauchecorne. Pour la réussir dans sa commune de 1600 habitants, il se fixe «quatre objectifs : isoler l’école, installer une chaudière centrale, faire l’éclairage public en Led et protéger la biodiversité sur les berges de la Loire ». Mais pour cela, le maire de Mareau-aux-Prés insiste pour «disposer d’une pluri-annualité des financements et d’une vision sur le retour sur investissement. Chaque maire sait ce qu’il doit faire dans sa commune mais il ne sait pas comment le mettre en musique ».
 
Guy Geoffroy, maire de Combs-la Ville (77) et vice-président de l’AMF, ne dit pas autre chose. Egalement président du comité législatif de l’AMF, il cite plusieurs de ses propositions dont la «pluri-annualité des capacités des collectivités à assumer leurs propres objectifs et ceux qu’elles sont chargées de mettre en œuvre ». «Il faut remettre la décentralisation sur les bons rails pour mettre fin aux tentatives de l’Etat de rependre d’une main ce qu’il a donné de l’autre et mettre en place le principe clé de la subsidiarité ayant pour corollaire la confiance », estime Guy Geoffroy.
 
« La volonté politique c’est bien, mais les actes c’est mieux ». Sévère, Constance de Pélichy pointe «le décalage entre le volontarisme de Christophe Béchu et ce que nous observons concrètement sur le terrain », en citant l’exemple du Fonds vert (lire l’encadré). Décidément, le chantier de la transition écologique n’est pas un long fleuve tranquille !

Défense du Fonds vert

Sans surprise, Christophe Béchu a défendu ardemment le Fonds vert qui va passer de 2 à 2,5 milliards d’euros par an jusqu’à la fin du quinquennat. «Il est victime de son succès avec 18 000 demandes et 8000 collectivités servies », indique le ministre en soulignant son effet levier avec 10 milliards d’investissements des collectivités. Et de vanter sa «simplicité d’utilisation et l’absence d’appels à projets et d’AMI [appels à manifestation d’intérêt] ». Des arguments réfutés par plusieurs intervenants, comme Constance de Pélichy qui s’agace de dossiers de candidature complexes de plusieurs dizaines de pages et du maintien parfois d’appels à projet. Seule réponse du ministre : «si c’est le cas, prévenez, moi car ce n’est ni l’esprit, ni la lettre de ce que nous avons arrêté ». La maire de la Ferté Saint-Aubin regrette, une fois encore, que «les communes les mieux dotées en ingénierie soient les plus à même de capter les financements ».
 

 

Revoir le débat du 105e Congrès sur la transition écologique 

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