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Maires de France

L'actu
01/01/1970
Synthèse du 103e Congrès

En temps de crise, les maires ont continué à tisser le canevas de la nation

Sans les maires, et alors que les structures étatiques étaient défaillantes, le lien entre les habitants et notamment les plus fragiles aurait rompu sous la violence de la crise sanitaire. Il faudra désormais en tirer les leçons.

Emmanuel Guillemain d'Echon
103e Congrès des maires, 16 novembre 2021, Débat : Les libertés locales à l'épreuve des crise, la libre administration en question
© Victoria Viennet
103e Congrès des maires, 16 novembre 2021, Débat : Les libertés locales à l'épreuve des crise, la libre administration en question

« Si le pays a tenu après les attentats, c’est grâce aux maires. Et après cette deuxième attaque d’un ordre différent qu’a représenté la crise du Covid, les maires ont encore tenu le pays », a déclaré Erik Orsenna, écrivain et académicien, en préalable du débat d’ouverture du 103e Congrès des maires, consacré aux «libertés locales à l’épreuve des crises, le 16 novembre.
Car, comme l’a rappelé par ailleurs le président sortant de l’AMF, François Baroin, au démarrage de la crise sanitaire, «l’État a fait ce qu’il a pu, et les maires ce qu’il n’a pas pu ». «Au début, nous avons senti que tout le monde était tétanisé. Nous nous sommes posés la question de savoir quels services maintenir, quels bâtiments laisser ouverts ? Il y avait un véritable flottement au niveau de l’État et de ses services, l’Éducation nationale, la CAF. Les rideaux étaient fermés, nous avions l’impression d’être laissés seuls en rase campagne », a témoigné Frédéric Chéreau, maire de Douai (59) et président de la commission Santé de l’AMF.

Il a fallu pourtant agir, «entre les conseillers qui venaient d’être élus, mais n’étaient pas installés, et ceux qui n’avaient pas été réélus mais dont le mandat était prolongé », pour venir en aide à la population et aux professionnels de santé qui manquaient de tout : masques, blouses, médicaments, vivres, a renchéri Claire Peigné, maire de Morancé (69) et présidente de l’Association des maires du Rhône. Comme dans tant d’autres communes, à Morancé, «le maire a donné le cadre, mais la population lui a emboîté le pas avec beaucoup de générosité : très vite, une réserve civile communale a été constituée. J’ai un souvenir extraordinaire de cette période, qui a permis de mettre en avant le fait que le citoyen peut lui aussi être acteur du bien général et de l’intérêt commun. »

Même situation en Corse, dans les zones de montagne enclavées, où le défi était «d’approvisionner des personnes isolées sur un territoire isolé, avec des gens cloîtrés chez eux, et des associations caritatives privées de bénévoles, souvent âgés », s’est souvenu François-Xavier Ceccoli, maire de San Giulianu (2B). Des décisions difficiles ont dû être prises, comme la gratuité de la cantine scolaire, pour venir en aide aux intérimaires et autres travailleurs précaires privés de revenus. En l’impossibilité «d’obtenir des renseignements fiables auprès des services fiscaux », la gratuité a été décidée pour tous, un «effort important qui aura des conséquences sur les investissements futurs, tout comme l’achat de masques. J’espère que l’État pourra nous aider ! », a-t-il poursuivi. 

Des injonctions étatiques contradictoires 

Car l’État a défailli non seulement sur le plan financier, mais aussi dans la clarté des instructions et la déconnexion avec les problèmes rencontrés sur le terrain. «L’agence régionale de santé (ARS) nous a dit : ‘Ne touchez à rien, ne vous occupez de rien, si vous avez des stocks de masques, envoyez-les à Lille, on s’occupera de les répartir.’ Et l’hôpital à côté nous disait : ‘Nous avons moins d’une semaine de stock, on ne sait pas comment on va faire !’ Pareil pour les infirmières, les aides à domicile, les associations. On n’a pas écouté l’ARS, on n’a pas envoyé nos stocks à Lille, et on a bien fait, car ils n’ont rien acheminé aux professionnels qui en avaient besoin ! », a relaté Frédéric Chéreau.

Même écho du côté de Cannes (06), dont le maire David Lisnard, élu mercredi président de l’AMF, a rapporté les contradictions entre l’État départemental, dont préfet et sous-préfets «qui essayaient d’être proches de nous », et les agences régionales ou nationales comme l’ARS. «Par exemple, pour les marchés alimentaires, le mardi soir, on nous a dit qu’ils resteraient ouverts. Le jeudi à cinq heures du matin, nous avons reçu un arrêté de fermeture, alors que les commerçants avaient commencé à déballer ! »

Pour Claire Peigné, dont l’association départementale «envoyait tous les soirs une lettre d’information aux maires, en complément de celle de la préfecture », il faut tirer des leçons de la crise et «redonner de la souplesse et de l’agilité » aux maires qui ont souffert du manque de confiance des administrations régaliennes. Pour cela, la revalorisation du rôle des préfets, «qui nous ont beaucoup suivis, avec un dialogue dans les deux sens », semble indispensable. «Nous avons besoin d’un ensemblier, d’un interlocuteur de l’État qui en assume les complexités internes. Depuis quelques années, les compétences régaliennes les plus importantes échappent de plus en plus au préfet, pourtant ce sont des interlocuteurs qui connaissent les maires, savent comment nous fonctionnons et quels sont nos besoins », a renchéri Frédéric Chéreau. 

Il ne s’agit pas que de la Santé, et des relations avec l’ARS, avec laquelle la crise a amélioré les relations, selon lui ; mais aussi de l’Éducation nationale, dont les protocoles sanitaires arrivaient «deux jours avant la rentrée » : «S’il n’y avait pas eu les interlocuteurs locaux comme le sous-préfet, l’inspecteur de circonscription de l’Éducation nationale, nous n’aurions pas pu anticiper et prendre des initiatives dans un contexte en évolution permanente. »

Sans les maires, pas de confiance
Comme l’a expliqué Martial Foucault, politologue et directeur du Cevipof, si le maire reste «l’acteur politique en qui les Français accordent le plus facilement et le plus régulièrement leur confiance », avec 75 % d’opinions favorables, celle-ci «ne tombe pas du ciel ». Cela n’a pas toujours été le cas puisque «dans les années 70, la figure incarnant le mieux la vie publique était le député ». Et cette confiance a été plus que nécessaire dans une période où la population se défie de plus en plus des figures d’autorité traditionnelle, comme l’ont démontré la crise des gilets jaunes et la naissance du mouvement anti-vaccinal. «En janvier, nous avons senti le débat embryonnaire entre les pro et les ‘antivax’. Immédiatement, nous avons décidé d’organiser un Facebook live, pour casser les fake news et expliquer à nos administrés qu’il était de notre responsabilité républicaine d’encourager l’usage vaccins », raconte Karim Bouamrane, qui fait partie de la génération des maires ayant entamé leur premier mandat en 2020, dans ces circonstances si particulières.

 

  • Retrouvez la vidéo du débat

Les libertés locales locales à l'épreuve des crises: la libre-administration en question 


 

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