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30/09/2022
Administration générale Vie locale

Redonner du souffle au préfet de département

La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a rendu son rapport d'information sur l'Etat dans les territoires le 29 septembre. Elle constate que les multiples réformes mises en oeuvre depuis quinze ans ont conduit à des services déconcentrés moins efficaces, au détriment des élus et des usagers. Elle appelle à une clarification et à une réorganisation de l'Etat territorial.

Bénédicte Rallu
© Adobestock
Les maires, présidents d’intercommunalités, présidents des conseils départementaux pourront-ils un jour évaluer leurs préfets ? Les rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, Agnès Canayer, sénateur de la Seine-Maritime et Éric Kerrouche, sénateur des Landes, le proposent parmi leurs 24 recommandations pour améliorer l’Etat dans les territoires, présentées le 29 septembre 2022.

Les services déconcentrés de l’Etat ont connu tellement des réformes ces quinze dernières années que les termes pour les qualifier ont fleuri : Etat déconcentré, Etat territorial, Etat dans les territoires. Mais, à entendre les sénateurs, toutes ces réformes n’ont pas été véritablement efficaces. La révision générale des politiques publiques (la fameuse RGPP) et la modernisation de l’action publique (dite MAP) n’ont par exemple jamais été évaluées, soulignent les auteurs du rapport. Lors de toutes ces réformes, les élus locaux comme les préfets, pourtant premiers concernés, ont peu été associés. 

Réduction d’effectifs

Et si l’ambition affichée était d’améliorer le fonctionnement des services de l’Etat, sur le terrain, la réalité apparaît toute autre puisque les sénateurs, qui ont interrogé élus, préfets et sous-préfets, constatent «une baisse drastique des moyens de l’Etat dans les territoires ». «Economies d’échelles », «réduire les coûts budgétaires de fonctionnement », «baisse du nombre de fonctionnaires », tels étaient en réalité les objectifs des différentes réformes, selon plusieurs interlocuteurs auditionnés par les rapporteurs. «De 2011 à 2019 les effectifs réels des préfectures et des sous-préfectures ont enregistré une baisse continue, passant de 27765 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à 24885 ETPT, soit un recul de moins 10,4 % », selon le rapport. Si l’on se concentre sur les directions départementales interministérielles (DDI), la «chute » est même de 36% entre 2011 (39 796 agents) et 2020 (25 474 agents). 

Dégradation du service rendu

Conséquences sur le terrain : une «dégradation du niveau de service rendu aux collectivités territoriales, et plus généralement aux usagers », déplore le rapport, exemples à l’appui. En matière de commande publique, les services de l’Etat, dont les effectifs avaient une mission de contrôle au niveau départemental, ont perdu leur expertise et leur capacité de conseil auprès des collectivités sur les situations d’appel d’offres infructueux, d’offre anormalement basse ou d’offre suspecte en raison d’une baisse du nombre d’ETP et d’un passage de ce contrôle à un niveau régional. Les services de l’Etat manquent dorénavant de vision globale des différents appels d’offres et des candidats. «L’expertise, la connaissance fine des répondants et l’effet de partage de connaissances en réseau se sont progressivement dilués. Désormais, les agents en charge de cette mission se concentrent sur la détection d’ententes illicites et délaissent l’aspect correspondant à l’accompagnement des collectivités territoriales et de leur commission d’appel d’offre », peut-on lire dans le rapport.

Même constat avec la croissance du numérique. Les effectifs baissent sur la foi d’une réorganisation des processus et des flux, mais sans compter sur les difficultés provoquées par de nouveaux logiciels ou applications. Parfois la mise en place de e-administration conduit à la suppression pure et simple d’un service d’accueil au public comme ce fut le cas pour la délivrance des titres d’identité. Une décision qui a créé un fort report de charges et de difficultés sur les collectivités en 2022. 

Un préfet pour quatre ans ayant autorité sur tous les services

Plutôt que de proposer une énième réforme pour tenter d’endiguer tous les mauvais effets des précédentes, les sénateurs Canayer et Kerrouche appellent en priorité à une clarification du rôle de l’Etat dans les territoires et à une adaptation de son organisation. Ils préconisent de revenir à l’échelon départemental pour la mise en œuvre des politiques publiques et que le préfet, qui resterait au moins quatre ans en poste et qui serait placé sous l’autorité directe du Premier ministre, en soit la pierre angulaire. Il faut «assurer de manière effective l’autorité du Préfet sur l’ensemble des directions régionales et départementales », recommande les deux parlementaires. Le préfet deviendrait le délégué territorial de toutes les agences de l’État et le sous-préfet leur représentant au plus près des territoires. En période de crise, l’ensemble des services de l’État devraient être placés sous l’autorité du préfet, selon eux. 

Davantage de conseil aux collectivités

Les deux rapporteurs souhaitent instaurer une relation de confiance avec les élus locaux. Cela passe par une meilleure concertation avec les associations nationales d’élus en amont de toute politique ministérielle chevauchant des compétences décentralisées, une meilleure information des élus locaux sur les évolutions des services de l’Etat sur leur territoire, une plus grande transparence dans l’attribution des dotations DETR et DSIL. Agnès Canayer et Éric Kerrouche proposent qu’il y ait davantage de conseil aux collectivités que contrôle et donc, pourquoi pas de renverser la table en permettant aux élus locaux d’évaluer leur préfet. 

« Pour repenser l’État territorial, l’inspiration est à rechercher autour de la mise en œuvre de quelques grands principes au cœur de l’action publique : la subsidiarité, la différenciation territoriale, la contractualisation, une meilleure représentation des élus locaux dans la gouvernance des opérateurs de l’État… Les voies existent pour fluidifier et rendre plus efficace la relation entre un État recentré sur ses missions régaliennes et des collectivités territoriales librement administrées, dédiées au développement harmonieux de leurs territoires et au service de leurs habitants », estiment les rapporteurs.

Cela signifie, entre autres, sortie de logique des appels à projets, accorder au Cerema les ressources en phase avec les objectifs qui lui sont assignés en matière d’appui aux collectivités territoriales, augmenter les capacités de redéploiement des fonctionnaires de l’État par le préfet (au-delà de 3 %). Et assurer une présence territoriale adaptée afin d’améliorer l’accessibilité des services au public. Les rapporteurs préconisent de redonner des moyens suffisants aux sous-préfectures et de faire évoluer faire évoluer la carte des arrondissements pour tenir compte des transformations récentes de périmètres (notamment des intercommunalités). Reste à voir maintenant quelles suites seront données à ce rapport.  

Synthèse du rapport

 

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