Normes : un « changement de mentalité » à opérer
Un an après la signature de la charte sur la simplification des normes pesant sur les collectivités locales par le gouvernement et le Sénat, le bilan chiffré reste maigre. Les évolutions dans les pratiques donnent davantage espoir. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé un projet de loi de simplification, un agenda territorial et une réflexion sur la responsabilisation des décideurs locaux.
Le 4 avril, au Sénat, s’est tenu le «Rendez-vous de la simplification » pour faire un bilan d’étape, après les Etats généraux de la simplification de 2023. Force est de constater que celui-ci reste maigre, malgré toute la bonne volonté des acteurs concernés : délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, gouvernement, Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), Conseil d'État, secrétariat général du gouvernement, Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.
Les chiffres, présentés par Claire Landais, la secrétaire générale du gouvernement (SGG), sont éloquents : le nombre de lois votées a augmenté, le nombre d’articles de chaque texte législatif a été multiplié par deux, voire trois, à l’issue de l’examen parlementaire par rapport au texte présenté initialement, tout comme le nombre de renvois à des textes d’application. Le législateur reste prolifique !
Sensibilisation
Le travail de sensibilisation des parlementaires comme des ministères commence toutefois à payer. En 2023, le gouvernement a présenté 235 projets de texte devant le CNEN (contre 325 en 2022) : 82 textes concernaient l’environnement, la mobilité, l’urbanisme, le logement, 44 la fonction publique, 25 la santé. L’instance de surveillance de l’impact des projets de normes sur les collectivités locales a rendu un avis favorable pour trois-quarts des textes (comme en 2022).
La principale nouveauté porte sur les saisines en urgence et en extrême urgence du CNEN : l’année dernière, cette voie n’a concerné que «16 % des cas contre le double en 2022 », s’est réjoui le nouveau président du CNEN, Gilles Carrez. Et le coût net global des normes (les coûts moins les gains induits par un texte) a lui aussi diminué passant de 2,5 milliards d’euros à 1,6 milliard d’euros. En 2023, ces coûts proviennent essentiellement de mesures relatives à la masse salariale (hausse du point d’indice, revalorisations, prime pouvoir d’achat).
Au-delà des chiffres, le secrétariat général du gouvernement dit aussi maintenir la règle du «2 pour 1 » pour les décrets autonomes (hors périmètre d’application des lois) sur lesquels il peut directement agir : un projet de norme présenté au SGG doit s’accompagner de la proposition de suppression de deux autres. Le SGG suggère aux administrations que les études d’impact contiennent un lien hypertexte vers les avis du CNEN et a développé les formations à la légistique «pour apprendre à écrire le plus simplement possible » et «dégringoler dans la hiérarchie des normes », c’est-à-dire recourir à la norme ayant la plus petite valeur possible.
Délégalisation
Le plus grand espoir provient du recours de plus en plus récurrent à un outil qui existe dans la Constitution depuis 1958 mais peu utilisé jusqu’à maintenant (200 fois, dont 40 fois depuis 2017) : la délégalisation (article 37 alinéa 2). Le Premier ministre, Gabriel Attal, présent lors de ce rendez-vous de la simplification, a demandé au gouvernement que «toute nouvelle norme [soit] concertée, étudiée, et parfaitement nécessaire : bien souvent, la souplesse d’un guide de mise en œuvre est bien plus utile qu’un décret avec ses injonctions » et de «faire un inventaire de ce qui est nécessaire et de ce qui ne l’est pas dans notre droit. Je souhaite [lancer] un vaste chantier de délégalisation ». Une directive que Gilles Carrez appuie !
Dix axes de simplification
Gabriel Attal a également demandé à la ministre chargée des collectivités, Dominique Faure, de préparer «un agenda territorial d’ici deux mois ». Cette dernière, également présente au colloque, a indiqué dans la foulée qu’elle définirait «une méthode et dix axes de simplification » et appelle le gouvernement «à moins travailler en silo. Nous devons nous adresser aux élus de manière unique ». «Nous devons travailler ensemble à un changement de mentalité », a-t-elle invité.
Parmi les pistes de simplification qu’elle a évoquées figurent l’élargissement du guichet unique DETR/DSIL, un travail sur la dotation de solidarité aux collectivités touchées par un événement climatique (DSEC), un guichet unique pour l’ingénierie, la rationalisation des contractualisations Etat/ collectivités. Elle a également évoqué une instruction aux préfets sur les dotations d’investissement qui devront lister tous les projets soutenus par département. Cette liste sera adressée aux parlementaires dans chaque département. Elle compte également faciliter prochainement le pouvoir de dérogation des préfets, et prendre le tournant numérique en recourant à l’intelligence artificielle dans le contrôle de légalité.
Responsabilisation des décideurs locaux
Le Premier ministre a par ailleurs indiqué que le prochain projet de loi de simplification serait présenté dans la foulée de la mission Woerth sur la décentralisation. Le Premier ministre a également décidé de «faire davantage confiance aux élus locaux, aux préfets, aux agents publics sur le terrain. Simplifier, c’est aussi responsabiliser. La simplification nécessite d’accepter une petite part de risque. Ce risque doit être soupesé, mesuré, et modéré. Le travail de simplification des normes s’accompagnera d’une réflexion sur la responsabilité des décideurs et des gestionnaires locaux, que Christian Vigouroux va piloter. »
Outre le gouvernement, chacun des participants à ce rendez-vous de la simplification a suggéré des pistes d’évolution et de travail pour alléger le poids des normes. Antoine Homé, maire de Wittenheim (68) et trésorier général de l’AMF, a appuyé, au nom de l’Association, «le principe général d’un pouvoir local et un pouvoir national qui soit l’exception. Je crois que cette piste de délégation du pouvoir réglementaire est une piste importante comme la différenciation territoriale ».
Les sénateurs travaillent déjà sur le pouvoir réglementaire local et sur la différenciation territoriale. Ils ont d’ailleurs lancé une mission, menée par Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine) et Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques), dans le cadre d’une évaluation plus systématique des lois. Cette mission évaluera la mesure votée dans la loi 3DS sur la différenciation. Ce travail pourrait déboucher sur une proposition de loi pour modifier l’article 72 de la Constitution.
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