Le magazine des maires et présidents d'intercommunalité
Maires de France


L'actu
03/12/2025
107e Congrès de l'AMF 2025 Environnement Logement Outre-mer Urbanisme

Maîtrise foncière : s'adapter aux contraintes

Réduction de la consommation foncière dans le cadre du zéro artificialisation nette (ZAN), contraintes environnementales, hausse des coûts dans un contexte de forte demande de nouveaux logements : difficile pour les communes de concilier des injonctions de plus en plus contradictoires. Cette problématique était au cœur du forum qui s'est déroulé le 18 novembre.

Par Christophe Robert
Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41, 2e à gauche), aux côtés de Constance de Pélichy, députée du Loiret (à gauche), a confirmé que " les établissements publics fonciers sont très précieux pour les petites communes qui n'ont pas de capacité d'ingénierie en interne ".
© Victoria Viennet
Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41, 2e à gauche), aux côtés de Constance de Pélichy, députée du Loiret (à gauche), a confirmé que " les établissements publics fonciers sont très précieux pour les petites communes qui n'ont pas de capacité d'ingénierie en interne ".

« Lever les contraintes à la maîtrise foncière au service des politiques d’aménagement » était le thème de ce forum, le 18 novembre. L’accès au foncier représente en effet l’un des principaux obstacles rencontrés par les maires et les présidents d’intercommunalité.

Le constat est clair : «La raréfaction du foncier entraîne une hausse des coûts des terrains, et nous essayons de nous adapter », a exposé Thierry Repentin, maire de Chambéry (73) et co-président du groupe de travail logement-habitat-hébergement de l’AMF.

Un point de vue partagé par Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (03) et présidente de l’Association des maires de l’Allier, qui co-présidait ce forum avec son homologue savoyard : «Quelle que soit la taille de la commune, nous souhaitons tous faire mieux, mais il nous faudrait plus de liberté d’action. »
 

Permettre aux habitants de se loger

Pour l’heure, les élus s’organisent avec les quelques outils dont ils disposent pour maîtriser le foncier et conserver les rares terrains encore disponibles. Ainsi, à Chambéry, depuis quatre ans, les ventes de terrains à destination économique ont cédé la place à des baux à construction «car nous souhaitons que la collectivité continue à garder la main sur les terrains », explique Thierry Repentin.

L’enjeu concerne également la capacité des communes à accueillir de nouveaux habitants. «Il en va aussi de la nécessité de permettre aux générations futures de continuer à se loger dans des zones de notre territoire qui sont parfois tendues », a souligné le maire de Chambéry. Sans compter que les problématiques se cumulent, entre objectifs de renaturation des villes et lutte contre la vacance des logements. Pour autant, «nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi mais plutôt des améliorations des outils existants », ont affirmé les deux co-présidents du forum.

Comme l’a souligné Sylvain Robert, maire de Lens (62), «il y a la question des moyens, mais aussi celle de la possibilité et de la capacité de faire ». Selon lui, «si le ZAN [zéro artificialisation nette, NDLR] peut être une philosophie partagée, il reste à veiller à ses modalités pratiques dans nos communes, car chacun de nos territoires a sa propre histoire ». Et surtout, «tant que cela coûtera moins cher de reconquérir de la terre agricole que de reconvertir des friches, nous n’arriverons pas forcément à poursuivre cet objectif », a souligné l’élu.

Confronté à des difficultés comparables, Moïse Edwin, maire d’Apatou, en Guyane, où résident 10 000 habitants répartis sur 2 000 km2, a expliqué qu’en Outre-mer, l’objectif consiste à savoir concilier les spécificités locales, comme les héritages du droit coutumier, avec les règles juridiques nationales.
 

Sortir de la vacance

Omniprésente, la question de la vacance des friches, tout comme celle des logements, préoccupe de nombreux élus à l’heure de la raréfaction du foncier. Or, pour sortir de la vacance, «il faut un projet, des sous et des moyens », a résumé Constance de Pélichy, députée du Loiret. En pratique, il existe bien des outils comme le droit de préemption urbain (DPU) «mais à condition qu’il y ait des projets de vente et que la commune dispose d’un document d’urbanisme », a souligné la députée. «L’expropriation reste aussi possible, mais cela prend souvent des années et suppose un projet d’utilité publique », a-t-elle ajouté.

Les établissements publics fonciers (EPF) peuvent aussi aider les élus, «un outil absolument génial », selon Constance de Pélichy. «Les services de ces établissements sont très précieux, notamment pour les petites communes qui n’ont pas de capacité d’ingénierie en interne », a confirmé Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse et présidente de l’Association des maires de Loir-et-Cher.

Leur aide peut venir en complément de celle des conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE), qui proposent également aux maires «un accompagnement très précieux pour les projets d’aménagement des communes avec des professionnels qui connaissent bien le territoire et qui n’engagent pas les finances des communes », selon l’élue.
 

Démembrer le droit de propriété

Selon Michèle Raunet, notaire, «le foncier est rare et précieux, il est notre bien commun à tous et nous devons pouvoir le gouverner de bonne manière ». La notaire constate un développement des outils de démembrement du droit de propriété, à l’exemple des baux constitutifs de droits réels.

En pratique, ces contrats - baux emphytéotiques et baux à construction - permettent de maîtriser le foncier dans le temps. Comme à Plessé (44), où les élus n’hésitent pas à innover pour accueillir de nouveaux habitants en quête d’habitats alternatifs. «Nous avons cherché à augmenter la part de l’habitat avec un faible impact environnemental en accueillant, dans une zone U de 7000 m2, un lotissement de 12 logements composés d’habitats légers », explique Aurélie Mézière, maire de cette commune de 5 400 habitants. Dans ce projet, les occupants sont propriétaires de leur logement mais la commune reste propriétaire du sol dans le cadre d’un bail emphytéotique.

« Pour relancer la machine, nous avons besoin d’un électrochoc et on est loin d’avoir tout essayé », a estimé Vincent Jeanbrun, ministre de la Ville et du Logement présent à ce forum. «Vous ouvrez ici un débat fondamental et je suis très heureux d’y avoir participé car nous avons noté beaucoup de bonnes idées ! », s’est réjoui l’ancien maire de L’Haÿ-les-Roses (94) en convenant que «les maires doivent être dotés d’outils pour leur simplifier la vie ».

Et de conclure avec enthousiasme : «Nous devons nous inspirer de ce que notre pays a été glorieusement capable de faire. Je rêve des «jeux olympiques du logement », d’une «Notre-Dame de l’urbanisme » !
 

Pour aller plus loin :

. Retrouvez la vidéo du forum " Lever les contraintes à la maîtrise foncière au service de l'aménagement " dans le cadre du congrès

. Lire notre dossier spécial " 107e Congrès de l'AMF 2025 "

. Lire notre article " ZAN : les élus en terrain instable " 

Suivez Maires de France sur

Logo

Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).