Les élus ultramarins demandent plus de moyens et de considération
La Réunion des élus d'Outre-mer qui a ouvert le Congrès, le 15 novembre, est un temps d'échange essentiel et très attendu des élus ultramarins. L'occasion de faire un point de situation global sur ces territoires toujours plus en état d'urgence.
Le 15 novembre, François Baroin, encore président de l’AMF, a rappelé en ouvrant le débat à quel point ces territoires ont été touchés par «les » crises (sanitaire, sociale, sociétale, économique…) déclenchée par la pandémie de Covid-19 et souligné comment elle a mis «en pleine lumière leurs difficultés structurelles ». Ce que les maires ultramarins ont confirmé et étayé d’exemples au cours des échanges, évoquant notamment les tensions sociétales que la crise sanitaire engendre durablement sur leurs territoires.
Par exemple, sur le rapport à la vaccination, qui déchire profondément les familles et la société, qui ravive une méfiance ancienne, un vécu difficile aux décisions venues de la métropole, une suspicion sur les mensonges de l’État. Les élus qui ont pris la parole ont tous fait le récit, avec une remarquable convergence, de la gestion centralisée de la crise par l’État, de son incapacité globale à faire confiance aux maires, de son manque de concertation avec eux … «Nos relations se limitent au mieux à de “ l’information ”, a constaté Jocelyn Sapotille, maire du Lamentin et président de l’Association des maires de Guadeloupe. Avec, comme conséquence, une parole de l’État qui est maintenant non seulement déconsidérée, mais systématiquement défiée par la population. »
L’État ne finance pas la solidarité financière à l’égard de l’Outre-mer
Il a été beaucoup question également de la perte d’autonomie financière des collectivités. Les élus ultramarins ont dénoncé, à l’instar de leurs homologues de métropole, la perte d’autonomie financière de leurs collectivités, dans un contexte où la crise sanitaire les a conduites à augmenter leurs dépenses tout en réduisant leurs recettes. Ces éléments apparaissent clairement dans un document publié par l’AMF : l’analyse des comptes de gestion des communes et EPCI de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion (www.amf.asso.fr, réf. 40973).
« Rappelons qu’après avoir impulsé une évaluation de l’écart existant, au regard du droit commun, en matière de dotations pour le bloc local dans cinq départements d’Outre-Mer, le Comité des finances locales (CFL) avait proposé des solutions pragmatiques pour corriger cet écart, a pointé André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF et président du CFL. Si ce rattrapage est désormais en route, il se fait au détriment des collectivités de métropole les plus défavorisées. Son financement est en effet pris sur la Dotation globale de fonctionnement (DGF), à enveloppe fermée. La solidarité s’exerce donc des collectivités métropolitaines vers celles d’Outre-Mer, sans que l’État contribue. C’est une regrettable conception de la solidarité », a-t-il déploré.
Dans une motion adoptée à l’unanimité à l’occasion du 29e Congrès de l’ACCD’OM (l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer), juste avant la tenue du Congrès de l’AMF (https://www.france-accdom.org/site/PRESSE/Motion2021.pdf), les élus demandent notamment au gouvernement «d’augmenter et d’accélérer le rattrapage de la Dacom » et de «renoncer définitivement à intégrer l’octroi de mer dans le potentiel financier des communes ».
Un plan de relance inadapté aux territoires
Cette réunion a aussi été l’occasion de faire le point sur la déclinaison du le plan de relance gouvernemental en outre-mer. Pour la sénatrice de la Guadeloupe, Victoire Jasmin, «France Relance aurait pu et dû apporter une bouffée d’oxygène. Mais se saisir des opportunités qui sont ouvertes s’avère compliqué pour nos communes et EPCI ». Les élus ultramarins, là encore avec une grande unanimité, ont en effet dénoncé pêle-mêle le cahier des charges imposé (calendrier, complexité de montage des dossiers …), un «fléchage » peu adapté à leurs territoires, des priorités «plaquées » qui ne correspondent pas à leurs urgences, la lenteur du décaissement des fonds alloués, en écho au rapport du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, présenté le 27 octobre dernier.
Par ailleurs, de nombreux intervenants ont une nouvelle fois soulevé le besoin de différenciation dans la mise en œuvre des politiques publiques sur ces territoires, par une adaptation des règles et des normes à leurs spécificités. Un enjeu majeur qui a naturellement relancé la discussion sur les enjeux du volet Outre-mer du projet de loi 3DS (pour «différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification »). Ce texte, adopté en première lecture par le Sénat en juillet, sera discuté par les députés les semaines des 6 et 13 décembre prochains.
L’après-midi de cette journée, plus de 300 maires étaient réunis au Sénat, à l’invitation de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer, qui célébrait ses 10 ans d’existence. L’occasion de revenir sur des travaux emblématiques : adaptation des normes, différenciation territoriale, biodiversités ultramarines. La Délégation a notamment produit, en juillet 2020, un important rapport intitulé « Urgence économique Outre-mer » et, en juillet 2021, un autre sur la politique du logement dans ces territoires à la suite duquel, en octobre, les ministres des Outre-mer et du Logement ont fait des annonces visant à améliorer la territorialisation de cette politique.
Un débat sur les atouts maritimes de ces territoires s’est aussi tenu, au cours duquel a été présentée l’étude du Sénat en cours sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale.
- Retrouvez la vidéo de la journée :
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