Financement des Ehpad : le Sénat tire la sonnette d'alarme
Dans un rapport publié mercredi, la commission des affaires sociales de la Haute assemblée pointe la situation financière « fortement dégradée » des établissements et la réponse insuffisante de l'Etat. Elle demande une remise à plat de leur financement d'autant plus nécessaire qu'ils doivent relever de nombreux défis.
Une réponse insuffisante de l’Etat
Plusieurs raisons expliquent la dégradation des comptes : «un taux d’occupation en berne » imputable à la crise sanitaire (nombreux décès, baisse des admissions…) et au «scandale Orpea » qui a «entrainé une crise de confiance envers les Ehpad ». L’effet ciseaux entre, d’une part, des recettes en baisse à cause, notamment, de «l’évolution insuffisante du tarif hébergement », inférieur à l’inflation, et, d’autre part, des dépenses de fonctionnement en hausse dues à l’inflation et aux revalorisations salariales à la suite du «Ségur de la santé », explique aussi la dégradation des comptes.
Face à cette situation, la réponse de l’Etat n’est pas à la hauteur, selon les sénatrices. Le fonds d’urgence pour les établissements et services médico-sociaux (ESMS) en difficulté, doté de 100 millions d’euros en 2023, dont 80 % des crédits ont été alloués à des Ehpad «majoritairement de statut public », s’est révélé «insuffisant ». Une situation qui a conduit un collectif de maires bretons à attaquer l’Etat en justice (lire Maire info du 17 septembre).
Remettre à plat le système de financement
Le rapport appelle donc le gouvernement à remettre à plat le système de financement des Ehpad. Les sénatrices proposent de revoir les modalités de tarification en instaurant notamment «un plancher de revalorisation annuelle [des tarifs hébergement] indexé sur l’inflation » pour «sécuriser » les ressources des établissements. Elles suggèrent aussi de «créer une deuxième journée de solidarité pour financer la branche autonomie » qui pourrait se traduire par la suppression d’un jour férié, et «permettrait de générer 2,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires ». Une proposition que ne partage pas cependant l’une des rapporteures, Anne Souyris : elle estime que cette journée ferait peser l’effort sur les seuls salariés et se déclare plutôt favorable à une hausse de la CSG.
A court terme, les sénatrices estiment qu’une partie de l’excédent de la branche autonomie, qu’elles évaluent cette année à «1,2 milliard d’euros », pourrait être affectée aux établissements en difficulté. Elles vont transmettre leurs propositions au gouvernement au moment où celui-ci prépare le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. L’adoption d’une loi de programmation grand âge permettrait aussi, selon elles, de sécuriser le financement des établissements.
Des enjeux colossaux à relever
Les enjeux à relever sont, en effet, colossaux. Alors que la population âgée dépendante augmentera significativement au cours des 25 prochaines années (+ 16 % d’ici 2030, + 36 % d’ici 2040 et + 46 % d’ici 2050), les Ehpad, qui assurent aujourd’hui «la prise en charge de plus de 600 000 résidents et restent, de loin, la première catégorie de structures accueillant des personnes âgées », seront particulièrement sous tension. Parallèlement, les rapporteures soulignent la nécessité d’engager un effort de rénovation architecturale et thermique des établissements (notamment pour faire face aux vagues de chaleur). Elles proposent pour ce faire d’ouvrir le fonds vert à l’ensemble des établissements publics et privés, au moment où l’Etat ampute les crédits de ce fonds. Elles recommandent de lancer «un plan de rattrapage de l’offre d’Ehpad » en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Pour améliorer les conditions de travail des agents et la prise en charge des résidents, elles proposent de «fixer, dans une loi de programmation, une cible globale de ratio d’encadrement de 8 ETP [équivalent temps plein] pour 10 résidents ». La question du financement de ces mesures reste entière à ce jour.
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