" L'État doit revenir dans les territoires "
« De Caudrot à Paris : la capitale en ligne de maire » : telle était la feuille de route de Jérémie Gaillard (40 ans), qui a parcouru, du 21 mai au 7 juin, 640 km à pied entre la commune dont il est le maire depuis 2020 et l'Élysée, pour médiatiser les difficultés rencontrées dans l'exercice de son mandat. Maires de France l'a rencontré avant son retour en Gironde.
« De Caudrot à Paris : la capitale en ligne de maire » : telle était la feuille de route de Jérémie Gaillard (40 ans), qui a parcouru, du 21 mai au 7 juin, 640 km à pied entre la commune dont il est le maire depuis 2020 et l’Élysée, pour médiatiser les difficultés rencontrées dans l’exercice de son mandat.
Reçu, le 7 juin, par la ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, et le conseiller " territoires " du chef de l’État, mais aussi par l’AMF, l’élu rentre fatigué mais satisfait de son périple (18 jours) dont il a tenu une chronique quotidienne sur les réseaux sociaux, qui lui a valu beaucoup de soutiens et dont il espère qu’il «fera bouger les lignes en faveur d’un plus grand soutien de l’État aux communes et d’une simplification de l’action publique ». Maires de France l’a rencontré avant son retour en Gironde.
. Comment cette idée de randonnée pédestre est-elle née ?
J’ai été élu en 2020. Je cumule mon mandat avec une activité professionnelle (chargé de mission en logistique à l’Université de Bordeaux). J’ai très vite été confronté à de nombreuses difficultés inhérentes à l’exercice du mandat de maire, aux équations budgétaires difficiles à résoudre, à la lenteur des procédures, mais surtout au désengagement de l’État dans quasiment tous les domaines.
À la rentrée 2022, l’État n’a pas affecté le personnel nécessaire au fonctionnement de notre réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED) essentiel pour notre école. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Plutôt que de céder au défaitisme, j’ai cherché un moyen positif d’alerter l’État, de faire bouger les lignes, de médiatiser les problèmes des élus. Mais aussi de les faire partager à nos administrés pour qu’ils saisissent l’ampleur de notre tâche. J’ai opté pour la marche, à raison de 18 étapes d’environ 30 à 40 kilomètres !
. Comment avez-vous structuré votre projet ?
Je voulais être crédible et pris au sérieux. J’ai identifié dix problèmes de gestion dans ma commune, j’ai écrit aux ministres concernés par les thématiques quelques jours avant d’entamer mon périple dont je les ai informés.
À chaque étape, je postais sur Facebook un résumé de chaque problème : l’insuffisance des moyens dans l’Éducation nationale, le manque de gendarmes, la baisse des dotations de l’État, les difficultés de mobilité en milieu rural, les problèmes d’indemnisation des administrés sinistrés par le retrait gonflement des sols argileux, le financement de l’entretien des 3 km de berges dans la commune, etc.
. Quel écho votre démarche a-t-elle rencontré ?
La médiatisation de mon initiative n’a pas tardé, relayée par les télévisions, les radios et les réseaux sociaux. J’ai reçu de très nombreux témoignages de soutien de la part de mes administrés, des personnes que je rencontrais en chemin, mais aussi des messages du préfet, du sous-préfet, des parlementaires qui m’ont assuré de leur soutien sur les dossiers que j’aborde !
. Quel est votre message principal ?
L’État doit urgemment revenir dans les territoires ! Il y un vrai paradoxe entre un État qui demande beaucoup aux maires, qui les sollicite pour la mise en œuvre de quasiment toutes les politiques publiques… et un État avec lequel les mêmes élus rencontrent des difficultés car il répond parfois insuffisamment à leurs sollicitations et réduit leurs moyens financiers notamment.
Pire, les services déconcentrés entravent l’action locale en la complexifiant, de la recherche d’une subvention aux études de projets en passant par les multiples autorisations requises. Il faut libérer l’action des élus !
. Votre jugement est sévère…
Je ne suis pas à charge contre l’État. Les élus ont besoin de lui mais ils veulent un État protecteur, facilitateur, un vrai partenaire de l’action publique à leurs côtés. Aujourd’hui, les élus locaux compensent ses lacunes dans des domaines relevant de sa compétence : ils créent des maisons de santé, construisent des gendarmeries, financent les maisons France services et les agences postales…
En guise de remerciement, l’État nous impose sa tutelle dans nos domaines de compétences et recentralise certains de nos pouvoirs, notamment dans le domaine de l’urbanisme.
. Vous souhaitiez également interpeller les administrés. Pourquoi ?
Les administrés pensent souvent qu’un maire peut tout faire, tout régler, qu’il a tous les pouvoirs. C’est faux et je voulais qu’ils en prennent conscience. Un maire peut de moins en moins faire compte tenu des difficultés budgétaires et de la complexité de l’action locale.
Depuis 2013, ma commune a perdu chaque année en moyenne entre 20 000 et 30 000 euros de dotations. En dix ans, la perte cumulée équivaut au budget de réfection de la voirie communale…
. Quelles réponses l’État vous a-t-il d’ores et déjà apportées ?
À mon arrivée, le 7 juin, j’ai été reçu pendant une heure par Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, puis par le conseiller " territoires " du chef de l’État. Ils m’ont écouté attentivement et assuré de leur soutien. J’ai remis mon écharpe tricolore au conseiller afin qu’il la transmette à Emmanuel Macron.
Par ce geste, je veux dire deux choses au président de la République : il a besoin des maires et il doit nous aider à exercer notre mandat en simplifiant l’action publique.
. Qu’allez-vous entreprendre à présent ?
Je vais retrouver mon épouse, mes quatre enfants, mes adjoints et les agents qui ont tenu la mairie et géré les affaires courantes pendant mon périple, en liaison téléphonique avec moi. Cet épisode a démontré qu’il n’y a pas de bon maire sans une bonne équipe en soutien ! Je vais aussi veiller à la résolution des problèmes locaux que j’ai soulevés en capitalisant, je l’espère, la médiatisation de mon initiative.
. Allez-vous vous représenter aux municipales de 2026 ?
J’en ai très envie, je suis motivé. La fonction de maire est chronophage, elle s’exerce 24 heures sur 24, mais elle est tellement enrichissante !
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