Décentralisation : Éric Woerth propose un «nouvel acte de confiance » entre l'État et les collectivités
Dans son rapport remis le 30 mai au chef de l'État, le député de l'Oise propose une clarification des compétences, un partage de la fiscalité nationale, un accroissement du pouvoir règlementaire local, un renforcement de la présence de l'État dans les territoires. Et quelques surprises avec, notamment, un retour sur le non-cumul des mandats.
Partant, Éric Woerth pointe la nécessité d’un «nouvel acte de confiance et de partage du pouvoir » entre l’État et les collectivités dont il souligne qu’elles sont «indispensables à la réussite de la Nation ». Selon lui, il est urgent «de restaurer une confiance largement rompue » entre l’État et les collectivités pour préserver et conforter «leur unité d’action », un constat largement partagé par l’AMF.
Clarifier la répartition des compétences
Pour Éric Woerth, une «décentralisation réussie » implique en premier lieu de clarifier la répartition de responsabilités entre l’État et les collectivités, et entre les collectivités elles-mêmes, et d’attribuer à chacun «les outils financiers, règlementaires et humains nécessaires à l’accomplissement de ses missions ». L’élu exclut la suppression d’un niveau de collectivité. Il juge en revanche nécessaire «de mieux identifier les responsabilités » des trois strates -communes, département et régions.
« Le bloc communal doit demeurer l’échelon des services publics locaux de proximité, le département doit devenir la strate de la solidarité, des réseaux et de la résilience des territoires, tandis que la région doit incarner le développement économique et la planification active », estime le député. Le rapport propose notamment de «compléter les compétences du bloc communal en matière de logement et d’habitat » et d’en faire «le chef de file en matière de sport et la seule collectivité gestionnaire d’infrastructures sportives ».
Certaines politiques publiques devant être partagées entre plusieurs intervenants, il propose de renforcer la notion de chef de file, déjà existante, qui «doit disposer du pouvoir règlementaire, organiser les co-financements et déployer une vision stratégique ». À ce chef de file «peut s’adjoindre un partenaire naturel », précise l’élu qui présente dans son rapport un schéma de la répartition des responsabilités par politique publique. Le rapport suggère aussi de «permettre des délégations de compétences plus larges » entre les collectivités en simplifiant les dispositifs.
Intercommunalité : vers un statut unique ?
S’agissant des EPCI, «les quatre statuts actuels [communautés de communes, d’agglomération, communautés urbaines et métropoles] seraient supprimés au profit d’un unique statut pour leur donner plus d’autonomie dans l’organisation de leurs compétences ». Le rapport Woerth suggère qu’à ce statut juridique unique soit associé «une liste unique de compétences obligatoires ». Cette proposition a déjà été fermement rejeté par l’association Intercommunalités de France.
Les maires doivent aussi être «mieux associés à la prise de décisions au sein des intercommunalités, dont la gouvernance doit être rénovée pour favoriser la subsidiarité ». Le rapport recommande de «rendre obligatoire l’adoption d’un pacte de gouvernance, d’un pacte fiscal et financier et d’un projet de territoire » dans chaque EPCI.
Au-delà des EPCI, l’objectif de «simplification des structures locales » passerait aussi par «la dissolution d’une partie des syndicats intercommunaux et de l’ensemble des «pays », qui sont autant de structures qui ne contribuent pas à la clarté de l’action locale et ne font pas l’objet d’une élection directe. » En revanche, le rapport suggère de «relancer le processus de création de communes nouvelles en levant les freins associés aux effets de seuil, et par un accompagnement renforcé de l’État ».
Partager la fiscalité nationale
Pour enrayer la perte d’autonomie financière des collectivités, le rapport ne propose pas de créer un nouvel impôt local mais plutôt «d’ancrer dans la loi organique le principe de partage de la fiscalité nationale entre l’État et les collectivités territoriales, qui a vocation à financer des politiques nationales comme locales », un partage dont l’État et les collectivités territoriales conviendraient chaque année.
« Pour créer de la confiance et donner de la visibilité, la trajectoire des recettes des collectivités territoriales pourrait être prévue dans une loi de simplification et d’orientation des finances locales, votée en début de mandature en application de la loi de programmation des finances publiques. »
Spécialiser les recettes des collectivités
Le rapport propose une forme de spécialisation des recettes des collectivités corrélée aux politiques publiques portées par chaque échelon, en attribuant «à chaque collectivité territoriale un pouvoir de taux effectif, de manière à créer un lien entre le citoyen et la collectivité ».
Ainsi, «le bloc communal se verrait attribuer la quasi-totalité de la fiscalité foncière, y compris les DMTO. Les départements bénéficieraient (…) d’une importante dotation de solidarité, destinée à couvrir plus de la moitié de leurs dépenses sociales obligatoires. Ils recevraient également une fraction territorialisée de la CSG, (…) [et] plusieurs impôts locaux avec pouvoir de taux leur seraient attribués (CASA, CSA, Taxe Gemapi, taxe poids lourds) ». La région bénéficierait quant à elle «d’une fiscalité économique plus marquée, en lien avec sa compétence » (une «fraction d’impôt sur les sociétés (IS) territorialisée » ; «la moitié de la cotisation foncière des entreprises avec pouvoir de taux »).
Le rapport recommande dans le même temps une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) «afin de supprimer les ancrages au passé pour rétablir l’équité entre les territoires ». Un chantier que le gouvernement a déjà confié au Comité des finances locales (CFL), lequel a cependant interrompu ses travaux en raison d’un désaccord sur les moyens alloués par l’État à la réforme. Éric Woerth, d’ailleurs, propose que le CFL fusionne avec l’Observatoire des finances et la gestion locale, pour créer une nouvelle instance qui ne serait plus présidée par un élu mais par une «personnalité qualifiée ».
Partager le pouvoir règlementaire
Le rapport juge que le pouvoir règlementaire reconnu en 2003 aux collectivités «afin d’adapter et différencier le service public local » est resté «largement théorique dans un contexte d’inflation normative qui écrase le pouvoir règlementaire des collectivités territoriales ». Il propose de «mieux l’articuler avec le pouvoir règlementaire du Premier ministre », d’imposer au législateur et à l’État «de justifier le recours à une norme nationale plutôt qu’à une liberté locale ». Il recommande «une révision générale des normes » pour simplifier le paysage règlementaire actuel.
La gestion de la fonction publique territoriale (FPT) doit, selon Éric Woerth, «être décidée par les employeurs territoriaux, en lien avec les partenaires sociaux, plutôt que par l’État ». Pour cela, «une «branche » nationale serait créée, et les employeurs territoriaux auraient la responsabilité, au niveau national, de définir les règles communes aux fonctionnaires territoriaux ». Le député de l’Oise propose à ce sujet que les décisions concernant le point d’indice des fonctionnaires territoriaux ne soient plus prises par l’État mais par les employeurs territoriaux.
Renforcer l’État dans les territoires
Cette présence renforcée doit s’opérer autour du «préfet de département » qui est «l’interlocuteur de proximité » des élus, estime le rapport. Pour lui permettre d’accompagner financièrement les projets locaux, le préfet gèrerait «une dotation unique d’investissement qui fusionnerait toutes les dotations existantes » (DETR, DSIL…). Les élus déposeraient leurs demandes de financements et d’ingénierie sur une «nouvelle plateforme départementale » cogérée par la préfecture et les autres collectivités. Objectif, proposer aux communes un «soutien «cousu main ».
Éric Woerth suggère de «reconnaître au maire un statut particulier vis-à-vis des administrations et des autres collectivités ». «Premier mètre » de l’action publique, élu local le plus connu par les citoyens » auxquels il «doit être en mesure d’apporter des réponses rapides », le maire «doit être soutenu dans l’exercice de ses responsabilités par les préfectures et bénéficier d’un accompagnement juridique et d’une ingénierie de proximité ».
« Vivifier la démocratie locale »
-Statut de l’élu : Pour encourager les vocations et conforter l’engagement municipal, le rapport recommande la création d’un «véritable statut de l’élu » (avec notamment un relèvement des indemnités «des élus des communes de moins de 20 000 habitants »), un chantier dont le Parlement et le gouvernement se sont d’ores et déjà emparé. Mais il conditionne la création de ce statut à «une réduction du nombre d’élus municipaux (…) pour permettre de mieux identifier les élus locaux, de mieux les rémunérer et de mieux les protéger ». Les conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants passeraient de 11 à 9 conseillers, ceux des communes de 500 à 1 499 habitants de 13 à 11. Les autres strates diminueraient de 20 %, pour permettre une réduction totale d’environ 100 000 conseillers municipaux.
-Cumul des mandats : Éric Woerth propose de permettre «à tout parlementaire d’exercer le mandat de maire, d’adjoint au maire ou de président d’EPCI ». Le cumul de la présidence d’un EPCI avec celle d’un département ou d’une région serait interdit.
-Parité : Le rapport propose de généraliser l’élection au suffrage universel direct par scrutin de liste paritaire pour toutes les communes de moins de 1 000 habitants. Cette disposition figure dans la proposition de loi de la députée de l’Isère, Elodie Jacquier-Laforge, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en 2022 et jamais mise à l’ordre du jour du Sénat depuis.
-Conseiller territorial : «Pour mieux articuler l’action du département et de la région », Éric Woerth propose «la création d’un conseiller territorial siégeant à la fois au conseil départemental et au conseil régional », dont l’élection «se ferait lors d’un scrutin cantonal, afin d’assurer un ancrage territorial à chaque conseiller régional.
Pour mémoire, ce nouvel élu avait été créé en 2010 – sur le papier – par François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avant d’être supprimé, avant même sa mise en place, par François Hollande, en 2012.
Ces propositions, comme celle du rapport de Boris Ravignon sont dans les mains du gouvernement qui va engager une concertation avec les associations d’élus sous l’égide du Premier ministre. Objectif, aboutir à un ou plusieurs textes d’ici à la fin de l’année.
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