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29/11/2023
105e Congrès de l'AMF 2023 Écoles, éducation, alimentation Finances

Congrès des maires 2023. Finances locales : l'inquiétude des maires pour maintenir les services publics

À l'occasion du débat du 23 novembre, les élus ont fait part de leurs craintes concernant notamment le financement de la petite enfance et du périscolaire. La suppression des marges de manœuvre fiscale des collectivités et l'absence de revalorisation suffisante de la DGF sont pointés du doigt.

Par Aurélien Wälti
Illustration
© Aurélien Faidy
Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, Marie Ducamin, maire de Saint-Jacques de la Lande (35), et Catherine Bastoni, adjointe au maire chargée des finances à Montigny-le-Bretonneux (78), lors du débat finances, le 23 novembre 2023.
Face aux pressions financières, les maires s’inquiètent des menaces qui pèsent sur les services publics locaux. Ils ont ainsi mis en garde le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, à l’occasion du débat sur les finances. Et l’ancien député de la Gironde a eu beau se féliciter de la situation financière des collectivités qui «résistent bien », alors que «certains annonçaient l’an passé un effondrement », certains élus présents ont largement tordu le cou à ce constat macroéconomique.
 

« Toutes les communes ne vont pas bien »

« Toutes les communes de France ne vont pas bien, certaines communes rurales sont en grande difficulté budgétaire », a tonné Dominique Amiard, le maire de Cures (Sarthe), qui se retrouve «dans l'incapacité de couvrir [ses] frais de fonctionnement » et n’essaie même plus de «dégager de l'autofinancement ». L’élu allant jusqu’à évoquer une «misère territoriale » et l’absence d’un quelconque «espoir d’amélioration ».

Le maire de Boisseuil (Haute-Vienne), Philippe Janicot, a, quant à lui, déploré le manque de visibilité sur son budget pour faire «aboutir chaque projet ». «Nous sommes à un point de rupture », a expliqué la maire de Vincennes (Val-de-Marne), Charlotte Libert-Albanel, jugeant que l’ensemble des politiques publiques sont menacées, notamment par l’inflation. «Nous voyons bien que nous allons devoir faire des choix. Et des choix qui ne nous plaisent pas. Devons-nous faire comme nous le souhaiterions, au risque d’endetter fortement nos collectivités, ou devons-nous diminuer la voilure en termes de services publics locaux ? », s’est-elle interrogée.
 

Petite enfance et périscolaire

Le cas du futur service public de la petite enfance (SPPE), «sujet extrêmement coûteux», est particulièrement représentatif. Sur les crèches, «nous ne sommes pas dans une logique d’augmenter le nombre de places, car nous ne le pouvons pas. Il nous faut juste garder l’existant », a assuré la maire de Vincennes.

Au-delà des difficultés de recrutement des auxiliaires de puériculture, qui a conduit la ville à fermer 88 de ses 660 berceaux, ce sont les contraintes financières qui sont devenues l’un des problèmes majeurs. «Les coûts de fonctionnement explosent : dans les crèches, celui d’une place devrait prendre 20 % dans les prochaines années, les couches ont augmenté de 11 % et la restauration a progressé de 15 % en un an », a déploré Charlotte Libert-Albanel.

A Boisseuil, c’est le coût du périscolaire, «14 000 euros » à l’année, qui inquiète alors que la suppression du fonds de soutien aux activités périscolaires (FDSAP) a été envisagée par l’exécutif. Son arrêt, auquel l’Etat a finalement renoncé pour 2023-2024, entraînerait un nouveau coût «qu’on devra autofinancer ».

« A l’école, le choix national est d’avoir 4,5 jours, a d’ailleurs rappelé Jany Claude Solis, maire de Saint-Jouvent (Haute-Vienne). Et les communes qui résistent [pour ne pas passer à 4 jours], c’est parce qu’elles pensent que la découverte d’activités périscolaires est un vrai service aux familles et aux enfants qui ne peuvent pas se financer (certaines) activités très élitistes… » «Demandez-vous, monsieur le ministre, s’il est logique de frapper de plein fouet sur ce sujet alors que l’on dit que l’enfance et la petite enfance sont des priorités ?», a questionné l’élu, en réclamant le «maintien de ce service au-delà de l’année 2024».

« Notre demande de services publics ne peut pas croître plus vite que notre croissance et notre capacité à générer des recettes. Quand vous avez 1 % de croissance et que vous devez équilibrer le budget, vous ne faites pas tout ce que vous voulez », a répondu Thomas Cazenave, en confirmant le maintien du FDSAP l’an prochain, tout comme celui de «l’amortisseur électricité »  pour «les collectivités qui ont signé des contrats »  au plus mauvais moment et qui «sont coincées avec des prix exorbitants ». «On ira même jusqu’à 75 % », a assuré le ministre des Comptes publics.
 

Une rallonge de 100 millions d’euros pour la DGF des communes

Malgré le contexte budgétaire tendu décrit par les élus, il a souligné le dynamisme des ressources des communes, se félicitant de ne pas avoir «plafonné l’évolution de la taxe foncière ». En 2024, ses bases seront ainsi revalorisées à hauteur de 4,5 %, a-t-il annoncé. Pas de quoi satisfaire le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, qui a assuré que «la loi de finances 2024 est probablement la plus mauvaise des 40 dernières années ».

« Si l’on prend en compte le panier du maire qui augmente de 6 %, on constate un déficit constant de 7 milliards d’euros pour les transferts financiers de l’Etat vers les collectivités. Donc, on ne peut pas dire que c’est une bonne année. C’est une année plus difficile que les années précédentes », a affirmé le maire d’Issoudun (Indre).

 

  • Retrouvez l'interview d'André Laignel, maire d’Issoudun (36) et premier vice-président délégué de l’AMF, réalisée par Maire info, ci-dessous :

     


Et la rallonge de 100 millions d’euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes annoncée, en clôture du congrès de l’AMF, par la Première ministre, ne devrait, là aussi, pas suffire puisque l’association estime que «sur la base de l’inflation prévisionnelle pour 2024 (+2,6 %), le maintien de la DGF [aurait] nécessité une revalorisation d’environ (...) 265 millions d’euros supplémentaires par rapport aux 220 millions d'euros d'abondement déjà prévus ».

« Je ne peux pas entendre ce type de critique, a rétorqué Thomas Cazenave, particulièrement agacé. On ne pourra pas faire mieux. Les chiffres, ce n’est pas ça ! Est-ce que la DGF augmente? Oui. La dotation biodiversité? Oui. La dotation titres sécurisés? Oui. La dotation pour les aménités rurales? Oui. Et est-ce que vous êtes face à des besoins auxquels vous ne pouvez pas répondre ? Je dis oui aussi ».
 

Réforme de la DGF

Le président de la République a annoncé, le 22 novembre, lors de la réception des maires à l’Elysée, vouloir confier au Comité des finances locales (CFL) la refonte de la dotation globale de fonctionnement (DGF), dans un contexte où de nombreux élus font part de leur incompréhension face au fonctionnement de cette dotation.

Le lendemain, devant les congressistes, la Première ministre a confirmé ce chantier : «nous devons refondre la dotation globale de fonctionnement. Au fil du temps, elle est devenue de plus en plus complexe et de plus en plus incompréhensible pour les communes. Il faut un système juste et clair. C’est la mission du Comité des finances locales (CFL), qui devra relever ce défi, dont nous mesurons tous l’ampleur ».

André Laignel, président du CFL qui a déjà mené des travaux sur ce sujet, a réclamé des «moyens supplémentaires ». Car, sans cela, la réforme sera «quasi infaisable », a-t-il estimé.

 

 

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