Abstention : les députés formulent des propositions pour endiguer sa «banalisation»
Inscriptions sur les listes électorales, procuration, modalités de vote..., la mission présidée par Xavier Breton (LR, Ain) a présenté, le 9 décembre, ses propositions pour renforcer la participation électorale, après l'abstention record lors des derniers scrutins départementaux et régionaux.
« Lever les obstacles à l’expression du suffrage», «repenser la démocratie représentative» et «encourager la mobilisation des électeurs » : tels sont les principaux axes des 28 recommandations formulées par la mission d’information «visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale », trois mois après son installation par le président de l’Assemblée nationale.
Présentées le 9 décembre par son président, Xavier Breton (LR, Ain), et son rapporteur, Stéphane Travert (LaREM, Manche), elles seront remises dans la semaine du 13 décembre à Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, et à son ministre de tutelle, Gérard Darmanin, ministre de l’Intérieur, à quatre mois des scrutins présidentiel et législatif. Et dans un contexte où l’abstention est désormais un «phénomène de masse » car «elle n’a jamais été inférieure à 50 % depuis 2017 et a touché l’ensemble des scrutins –législatives, municipales, régionales, départementales », soulignent les députés, celle-ci atteignant environ 66 % au niveau national pour les régionales et les départementales, en juin dernier.
« Abstention choisie » et « abstention subie »
Les travaux de la mission s’appuient notamment sur une trentaine d’auditions et de tables rondes, et sur une consultation publique ouverte aux Français, en octobre, à laquelle 173 000 personnes ont participé. Celles-ci ont permis de cerner les principaux ressorts de l’abstention, au-delà des déterminants traditionnels (âge, niveau d’étude, niveau de vie).
Au premier rang desquels figurent «un manque de confiance, voire (…) une forme de défiance envers les élus et le système politique », souligne la mission. Le «désaccord avec un mode de scrutin qui ne permet pas la représentation de toutes les sensibilités politiques » et «le sentiment que leur vote sera inutile » entraînent également «la démobilisation des abstentionnistes ».
A cette «abstention choisie » s’ajoute une «abstention subie », résultant pour partie selon les députés de la «mal-inscription » sur les listes électorales «qui concerne les citoyens inscrits sur les listes électorales à une autre adresse que celle de leur résidence principale » et «représenterait 15% des inscrits », en dépit de l’existence du répertoire électoral unique (REU) censé remédier à ces situations.
« Lever les obstacles à l’expression du suffrage »
Pour «lever les obstacles à l’expression du suffrage », les députés proposent d’améliorer l’information des électeurs notamment en permettant «une diffusion dématérialisée de la propagande électorale ». Ils suggèrent de faciliter l’inscription sur les listes électorales «en permettant l’inscription automatique sur la liste de la commune du nouveau domicile à la suite d’un déménagement ».
Le renforcement de la participation électorale passe aussi selon la mission par la possibilité de «voter sans se déplacer » : pour cela, elle recommande d’« ouvrir la double procuration établie en France » lors de la crise sanitaire «à l’ensemble des scrutins nationaux, locaux et européens » (alors que la règlementation impose le retour à une seule procuration établie en France par électeur pour les scrutins du printemps prochain, plus une établie à l’étranger).
Elle propose aussi de «faciliter l’établissement des procurations par la possibilité de les obtenir via un système de visioconférence ou par l’intermédiaire des facteurs », ce qui éviterait à l’électeur de se rendre à la gendarmerie, au commissariat de police ou au tribunal. Et se prononce pour «une dématérialisation intégrale de la procédure à terme ».
Trois propositions élargissent les possibilités de vote : le «vote à l’urne reste un principe de base que la démocratie numérique doit soutenir », a résumé Stéphane Travert. Les députés proposent ainsi d’« expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet pour certains scrutins locaux, dans les communes volontaires ». Ils suggèrent d’« expérimenter le vote par anticipation de manière territorialisée ». Ou encore de «permettre à tout électeur de voter dans la commune de son choix à l’occasion de certains scrutins (élection présidentielle et européennes, référendums) ».
« Modalités de choix de l’électeur » et «vote éclairé »
Parmi les propositions destinées à «repenser la démocratie représentative », la mission suggère de faire évoluer les modalités de choix de l’électeur en privilégiant des «modes de scrutin alternatifs » : «pour les consultations menées au niveau local », elle propose «l’utilisation du jugement majoritaire par lequel les candidats à une élection sont évalués » et se voient attribuer «une mention sur une échelle commune ».
Pour accroître la lisibilité des scrutins, elle incite à «réfléchir à un rapprochement des modes d’élection des conseillers départementaux et régionaux ». La mission recommande aussi de «développer les référendums d’initiative locale » et de renforcer la démocratie participative dans les collectivités.
Le troisième volet du rapport de la mission, destiné à «encourager la mobilisation éclairée des électeurs », propose de «revoir la place des sondages » notamment en interdisant leur communication «une semaine avant le premier tour de toutes les élections, et avant le second tour pour l’élection présidentielle ». La lutte contre l’abstention passe aussi, selon les députés, par la nécessité de «réenchanter la pratique démocratique pour les jeunes générations » (éducation à la citoyenneté, remise systématique des cartes électorales lors des cérémonies de citoyenneté).
Les propositions formulées n’ont pas été adoptées à l’unanimité des 26 membres de la mission : «Les Républicains ont voté contre en estimant qu’elles n’étaient pas à la hauteur des enjeux », a précisé Xavier Breton. Pourtant, «elles comportent des évolutions importantes dont certaines pourraient s’appliquer dès les prochaines élections s’agissant des modalités d’inscription sur les listes électorales ou de l’établissement des procurations », a souligné Stéphane Travert, rapporteur de la mission. Xavier Breton a cependant admis que ces «mesures techniques » ne suffiront pas à court terme à supprimer l’abstention : «nous devons entamer un travail de fond pour que notre démocratie représentative, qui est en danger, suscite de nouveau la confiance de nos concitoyens ».
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