Petites villes : le gouvernement laisse les élus sur leur faim
Aux XXIIIèmes assises des petites villes, qui se sont tenues à Cenon (Gironde), les 9 et 10 septembre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, a promis aux maires de continuer à soutenir les collectivités pour que « l'économie du pays ne s'effondre pas ». L'Etat débloquera l'an prochain 350 millions d'euros pour soutenir l'investissement local mais gardera la maîtrise du fléchage de ces fonds.
Ce fut une fin de non-recevoir. Le Premier ministre et trois de ses ministres se sont déplacés aux XXIIIèmes assises de l’Association des petites villes de France (APVF), les 9 et 10 septembre 2021. Les membres du gouvernement ont vivement remercié les maires pour le rôle qu’ils ont tenu et qu’ils continuent à tenir pendant la crise sanitaire. « Nous affrontons [la crise] ensemble », a martelé Jean Castex. « Je suis des vôtres », a même ajouté l’ancien maire de la petite ville de Prades (Pyrénées-Orientales), et toujours conseiller municipal, qui ne boudait pas son plaisir de se retrouver au milieu d’anciens collègues.
Mais pour ce qui est des dotations ou d’une véritable décentralisation, le gouvernement n’ira pas plus loin que ce qu’il a déjà prévu. Le Premier ministre n’a donc pas donné suite à la proposition formulée par Christophe Bouillon, président de l’APVF, d’élaborer avec l’Etat « un nouveau pacte de confiance, dit « pacte de Cenon », fondé sur la garantie de ressources des collectivités territoriales dans un cadre pluriannuel, un plus libre emploi des dotations d’investissement, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, et enfin, un renouveau de la contractualisation sur les grands enjeux des politiques d’avenir, engageant Etat et collectivités territoriales sur un pied d’égalité (grand âge, santé, environnement, éducation) ».
Projet de loi 4D voté « avant la fin de la mandature »
Sur le projet de loi 4D ou 3DS pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification » (qui sera « voté avant la fin de la mandature », a promis le Premier ministre), le secrétaire d’Etat en charge de la Ruralité, Joël Giraud, a prévenu : « les illusions ne sont pas à l’ordre du jour. Aller plus loin demanderait des modifications constitutionnelles qui ne sont pas possibles. Cela ne sera pas le grand soir mais un soir qui permet des réponses concrètes », a-t-il défendu. L’Assemblée nationale débutera l’examen du texte le 6 décembre.
Côté finances, « le plan de relance va s’arrêter fin 2022, a prévenu le ministre délégué en charge des Comptes publics, Olivier Dussopt, ancien président de l’APVF. Nous n’avons pas les moyens de le faire perdurer ». Pas question donc de garantir dans la durée les moyens financiers des collectivités, comme le réclamait l’APVF, inquiète de la dette Covid qu’il faudra bien rembourser. Pas question non plus de laisser aux collectivités le libre emploi des dotations d’investissement comme la DSIL, autre revendication de l’APVF. « Il est heureux que l’Etat puisse imposer ses priorités », a estimé Jean Castex, comme par exemple le fléchage des crédits du plan France relance notamment sur la transition écologique. Les collectivités ont déjà « la DGF qui n’a aucune condition d’emploi », a souligné pour sa part Olivier Dussopt.
350 millions supplémentaires pour la DSIL
Toutefois, le Premier ministre a assuré les maires que le gouvernement poursuivrait, dans le projet de loi de finances pour 2022, son soutien aux collectivités via les dotations d’investissement afin d’éviter un « effondrement économique » [du pays] : 350 millions d’euros abonderont ainsi les crédits DSIL consacrés à la revitalisation des centres-villes. « Et nous allons continuer avec un plan d’investissements France 2030 », a-t-il ajouté.
Le gouvernement a surtout rappelé que trois milliards d’euros avaient déjà été fléchés vers les petites villes, via le dispositif « Petites villes de demain », mis en place fin 2020 et qui commence à irriguer les projets : 1 209 communes sur les 1 600 qui se sont déclarées ont été labellisées et l’ANCT a aidé au recrutement de 200 chefs de projets dédiés à ce programme, selon lui.
Maîtriser l’artificialisation des sols
Le gouvernement veut répondre aux changements structurels de la société et à l’aspiration de nombre de concitoyens à une meilleure qualité de vie. L’Etat restera à la manœuvre via les préfets et les priorités imposées dans les CRTE. Le fonds friches doit aider les maires à « construire des logements en ville et non dans des zones à artificialiser. Le dispositif Denormandie dans l’ancien sera prorogé en 2022. Le moratoire sur les grandes surfaces a été inclus dans la loi climat », a synthétisé Jean Castex. Il a toutefois précisé que la loi sur le climat « ne dit pas stop à l’artificialisation mais fixe l’objectif de réduire de moitié le rythme de progression en dix ans ». Dans chaque région devrait se dérouler un dialogue avec les élus car « cet objectif n’est pas uniforme sur tout le territoire », avant une déclinaison dans les Scot, les PLU et les PLUi.
Le train, les routes, le très haut débit
Pour désenclaver les territoires et accompagner les aspirations de bon nombre de citoyens à déménager dans des moyennes et petites villes, le chef du gouvernement a affirmé vouloir remettre des moyens pour les petites lignes de train via la signature de conventions (l’une d’entre elles doit être signée prochainement en Occitanie, a-t-il indiqué). Et de l’argent pour les routes. « 87% de nos concitoyens empruntent des routes. Ce n’est pas une peccadille », a-t-il fait remarquer. Sans pour autant annoncer de montant. Quant au numérique, il a assuré que le très haut débit serait présent partout sur le territoire national « d’ici 2024-2025 ».
S’ajoutent les agences France services, dont le nombre atteindra les « 2000 à la fin de l’année », selon le gouvernement. Et le plan santé qui doit permettre la reprise de la dette des hôpitaux et l’investissement via « un Ségur de l’investissement » auquel le ministre de la Santé, Olivier Véran, travaille. Contre la désertification médicale (sujet toujours très sensible), la réforme du numerus clausus « prendra plusieurs années » a reconnu Jean Castex.
Redonner aux préfets les moyens d’agir
L’Etat réaffirme sa présence départementale. L’exécutif veut « réarmer l’Etat territorial » avec l’arrêt de la chute des effectifs pour « redonner aux préfets les moyens d’agir auprès des maires. Le couple maire-préfet fonctionne bien », s’est félicité Jean Castex.
Plus globalement, d’autres mesures concerneront les maires plus ou moins directement. Les forces de sécurité seront renforcées (10 000 agents en plus prévus dans le PLF 2022), l’Etat apportera son aide pour développer des centres mutualisés de vidéosurveillance accessibles aux petites villes, notamment rurales, à l’instar de ce qu’a expérimenté le département de l’Oise. « Un plan Orsec pour la justice » est en cours : le budget a augmenté de 8% en 2021 et augmentera à nouveau de 8% en 2022. Cela afin de combattre le sentiment d’impunité et de renforcer la justice de proximité.
A l’issue du discours de Jean Castex, les quelques élus locaux interrogés par Maires de France restaient dans l’expectative. « A l’approche de l’élection présidentielle, on nous desserre un peu les bretelles », analysait un maire breton. Un autre élu de Saône-et-Loire n’est pas surpris qu’à « six mois des élections, le Premier ministre veuille rassurer les maires ». Une seule élue se réjouissait de pouvoir espérer que ses routes soient rénovées.
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