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Maires de France


27/07/2021
Sécurité - sécurité civile

Le Sénat demande une réforme de la défense extérieure contre l'incendie

Protection des personnes défaillante, coût exorbitant pour les communes, impact sur le développement des territoires ruraux, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat dresse un bilan sévère de la réforme de la Défense extérieure contre l'incendie (DECI), engagée en 2011. Dans un rapport présenté le 8 juillet, elle formule des propositions pour y remédier.

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La réforme de la défense extérieure contre l’incendie (DECI), qui fait l’objet d’une compétence propre des maires, s’est faite sans concertation avec eux, gèle les projets de développement locaux, contraint les communes à engager des frais important pour la mise aux normes des équipements et ne garantit pas la sécurité de la population. Tel est le constat sans appel formulé par les sénateurs Hervé Maurey (UC, Eure) et Franck Montaugé (SER, Gers), dans un rapport intitulé « DECI : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires », présenté le 8 juillet.

La DECI, « qui s’articule autour des notions de protection des personnes et des biens, de zones à défendre et de ressources en eau », rappellent les sénateurs, est assurée par les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Jusqu’en 2011, elle relevait d’une logique nationale, les normes règlementaires ayant vocation à s’appliquer uniformément sur l’ensemble du territoire national. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration du droit change tout en prévoyant l’élaboration de règlements dans chaque département (RDDECI), au terme d’une concertation entre le préfet, le SDIS, le conseil départemental et les maires. Objectif, apporter une réponse plus adaptée et mieux territorialisée aux enjeux de la DECI.

Ni concertation ni étude d’impact

Las, « dix ans après, il paraît évident que la réforme n’a pas tenu ses promesses », estiment les sénateurs, et « la situation s’est même dégradée dans certains territoires à la suite de l’adoption de règlements départementaux », estiment-ils. En cause, la concertation insuffisante voire inexistante, en amont de la rédaction des règlements départementaux, entre « les <> d’eau d’extinction des feux, c’est-à-dire les maires (ou ceux à qui la compétence a été transférée) » et « les <> de cet hydrant, c’est-à-dire les SDIS », pointe le rapport. Car ni la loi de 2011 ni son décret d’application du 27 février 2015 n’ont encadré cette concertation, « laissée de facto à l’appréciation des préfets ». Au terme d’une enquête menée par la Délégation via un questionnaire adressé à l’ensemble des acteurs locaux dans une quinzaine de départements, et de plusieurs auditions, « 70 % des maires estiment que la concertation a été insuffisante », a indiqué Hervé Maurey. Plus grave, « 80 % des maires estiment que leur territoire n’est que partiellement couvert par la DECI ».

A la concertation défaillante s’est en effet ajoutée une quasi absence d’évaluation préalable ou a posteriori de l’impact du règlement, avec trois conséquences principales pour les communes et leurs habitants, souligne le rapport. Premièrement, « la couverture DECI est déficiente », les rapporteurs affirmant que « 6 à 7 millions de personnes ne sont pas couvertes par cette protection ». Deuxièmement, le coût à la charge des petites communes rurales qui doivent se conformer au RDDECI (rénovation, extension et maintenance du réseau d’eau incendie) est très important : un tiers des préfets interrogés font ainsi état que « de nombreux maires » ont fait remonter des difficultés de financement et « certaines communes consacrent l’intégralité de leur budget d’investissement à ce poste », a indiqué Hervé Maurey. Troisièmement, les contraintes posées par le RDDECI ont des conséquences « urbanistiques et en termes de développement et d’attractivité des territoires », les élus « devant geler les certificats d’urbanisme et les autorisations de construction ».

20 propositions pour soutenir les communes

Pour remédier à « cette spirale infernale pour la ruralité », les sénateurs formulent une vingtaine de propositions. Ils demandent à l’Etat de mener « une évaluation exhaustive, département par département, des conséquences de la réforme de la DECI en 2011, en liaison étroite avec les maires ». L’Etat doit selon eux instaurer des règles précises de concertation entre les acteurs locaux et systématiser les études d’impact des règlements préalablement à leur adoption. Ils recommandent une « révision quinquennale » des RDDECI « en concertation avec l’ensemble des élus ». Les règles devraient à l’avenir être « adaptées et proportionnées » à la réalité du risque et du coût engendré.

Pour soutenir les communes dans leurs achats d’équipements et leurs investissements de mise aux norme, les rapporteurs suggèrent d’« affecter 1,2 milliard d’euros sur 3 ans à la DECI dans le cadre du plan <> » et de « généraliser le recours à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ». Les SDIS devraient renforcer leur soutien aux communes en matière technique et d’ingénierie, notamment pour le contrôle du débit des points d’eau incendie. Pour ne pas geler le développement des communes, les sénateurs recommandent aux acteurs locaux de « veiller à la cohérence entre le schéma communal de DECI et le plan local d’urbanisme (intercommunal) - PLU(I) - ou la carte communale par une prise en compte de la DECI dans l’élaboration des documents d’urbanisme ».

En conclusion, Hervé Maurey et Franck Montaugé se font pressants : si la modernisation de la DECI « n’est pas engagée dans les meilleurs délais », ils déposeront une proposition de loi reprenant leurs recommandations et pourraient introduire des mesures financières de soutien aux communes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Dans l’immédiat, ils vont adresser leur rapport au ministre de l’Intérieur qui n’a pas répondu à un premier courrier de leur part dans lequel les sénateurs lui demandaient notamment d’engager un bilan de la DECI. « L’Etat doit prendre ses responsabilités ! », conclut Franck Montaugé.

Xavier Brivet

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