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Maires de France
Solutions locales
novembre 2020
Vie locale Environnement

Le Teil : un an après le séisme, le combat se poursuit  

Le 11 novembre 2019, le Teil (Ardèche, 8 500 hab.) était victime d'un séisme violent. Depuis, la commune et ses habitants se reconstruisent, lentement.

Thierry GUERRAZ
En accueillant les 164 coureurs du Tour de France, le 3 septembre dernier, Le Teil s’est offert pendant un moment sourires et joie de vivre. Pas un luxe tant cette commune ardéchoise, limitrophe de Montélimar, souffre depuis le 11 novembre 2019 des conséquences d’un séisme aussi violent (magnitude 5,4 sur l’échelle de Richter) qu’inattendu puisque sans précédent en France, depuis 2003. Ce secteur de la vallée du Rhône n’était jusqu’alors pas identifié par les spécialistes comme une zone active. Le plan de prévention des risques de la ville, destiné aux inondations, n’était donc pas adapté à cette situation inédite.
« J’ai eu la peur de ma vie », confie Olivier ­Peverelli, le maire du Teil, sous le choc comme tous les habitants de sa commune. Mais sur le moment, l’élu n’a guère le temps de se pencher sur ses états d’âme. Dans les minutes qui suivent la catastrophe, branle-bas de combat en mairie. Les élus et les responsables des services de secours se réunissent en urgence, bientôt rejoints par Françoise Souliman préfète de ­l’Ardèche, et ses collaborateurs. La cellule de crise, co-présidée par le maire et la préfète, se met en place. Cette cellule opérationnelle, clef de voûte de la coordination, existera tout au long du mois de novembre.
Premier constat établi sur le terrain : si aucune victime n’est, semble-t-il, à déplorer, ce qui sera confirmé par la suite, les dégâts sont immenses. Toute circulation pour pénétrer dans la ville est interdite. Plusieurs centaines d’habitants fuient leur maison par mesure de sécurité : « Nous avons ouvert dès le premier soir les trois gymnases de la ville pour accueillir au total 600 personnes et mis à disposition nos éducateurs pour occuper les enfants. Une grosse solidarité s’est installée », précise Olivier Peverelli. Des campings proches du Teil, disposant de mobile-homes, sont également sollicités ainsi que des hôtels et des gîtes. La commune prendra ensuite très vite des arrêtés de péril pour ordonner l’évacuation des immeubles menaçant la sécurité publique. Une commission se réunira ensuite tous les jours pour lever les arrêtés en cas d’attestations de bonne réalisation des travaux. D’après les expertises, une centaine de maisons sont à démolir, des terrains que la commune serait prête à racheter.

Reloger les sinistrés

Par crainte de pillages, qui n’auront heureusement pas lieu, une vigilance particulière est portée sur la surveillance des différents quartiers du Teil dont aucun n’a été épargné. 
Le lendemain du séisme, 12 novembre, s’ouvrent deux cellules psychologiques, en lien avec la préfecture. Alors que la mairie est ouverte sans interruption jusqu’à 23 h 00, la ville trouve un hangar pour créer une « maison de la solidarité » où les associations caritatives distribuent nourriture, vêtements et mobilier aux habitants. Par ailleurs, une cellule « logement-hébergement » est installée et se démène pour trouver le plus rapidement possible une solution d’hébergement pour les sinistrés dont la liste s’allonge de jour en jour : on en dénombrera 2 600 au total dont un certain nombre auront pu trouver refuge dans leur famille. La cellule mobilise notamment le fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU). Pour coordonner les actions et s’assurer de la meilleure organisation possible, la mairie a organisé des réunions impliquant élus, chefs d’entreprise, bureaux d’étude, architectes et investisseurs privés pour favoriser une réflexion collective.
Aujourd’hui encore, Le Teil vit dans la crainte de nouveaux éboulements. À l’image du clocher de l’église qui menace de s’effondrer. Les colères de la terre n’épargnent rien ni personne… L’avenir ? « Il ne faut surtout pas rééditer ce qui a été fait à l’Aquila (Italie). Onze ans après le tremblement de terre, cette ville a perdu 40 % de ses logements, devenus vacants, et n’a plus d’attractivité. Je veux absolument éviter ce scénario catastrophe », conclut Olivier Peverelli, qui a engagé un projet partenarial d’aménagement (PPA) pour y remédier (lire ci-contre). 

Interview
Olivier Peverelli
, maire du Teil 
« La reconstruction prendra dix ans ! »
Vous déplorez la lente mobilisation des assureurs. vez-vous été écouté ?
Ce n’est pas facile de faire bouger les choses. 800 arrêtés communaux de péril ont été pris et seuls 200 ont été levés. Dix mois après le séisme, des sinistrés attendent encore le passage des experts. Ce n’est pas normal. La France n’a pas de culture post-séisme et le confinement a ralenti le mouvement. Mais est-il soutenable que près d’un an après la catastrophe, aucuns travaux n’aient pu être engagés dans 70 à 80 % des habitations touchées ?
Avez-vous été contraint de renforcer votre personnel municipal ?
J’ai pu compter sur l’extrême dévouement des agents communaux qui ont sillonné la ville en compagnie des services de secours. Après la catastrophe, la commune a créé une équipe spécifique à plein temps composée d’une secrétaire, d’un technicien (suivi de la reconstruction des bâtiments publics, de la réfection des routes et des ponts…) et d’une chargée de mission relogement. Cette équipe perdurera car les besoins sont immenses. Nous estimons à une dizaine d’années le temps de la reconstruction !
Quel impact le séisme a-t-il eu sur les finances communales ?
Nous évaluons entre 5 et 6 ME le montant des dégâts sur les bâtiments publics (mairie, 3 écoles, 2 églises, un ancien temple, un centre social), ce qui correspond à notre budget d’investissement ! Fort heureusement, l’élan de solidarité qui s’est exprimé en notre faveur, dont celui des communes et des EPCI, a amorti un peu le choc. Les différentes campagnes de dons lancées par la commune ont rapporté près d’1,7 ME. Cette somme sera ventilée : 
600 000 E pour une OPAH dédiée (opération programmée pour l’amélioration de l’habitat), 600 000 E pour la reconstruction des bâtiments publics et 500 000 E, via le CCAS, pour répondre aux demandes des habitants en difficulté.
Les leçons à retenir

Organiser une task-force  
La cellule de crise s’est activée dès les premières heures parallèlement aux interventions des gendarmes et des pompiers. Plusieurs pôles d’actions ont été constitués dès le lendemain du séisme. Cela a évité que la ville ne sombre dans un vrai désordre.
Rester proche des habitants 
Les élus du Teil ont beaucoup donné de leur personne en se rendant très fréquemment sur le terrain pour écouter, conseiller, délivrer des messages de soutien et d’encouragement : «Il ne faut pas que les habitants perdent confiance sinon c’est la panique », ­souligne Olivier Peverelli. La présence physique permet d’avoir des relations plus apaisées avec les citoyens. »
S’appuyer sur les associations 
Ville modeste, de tradition ouvrière, Le Teil a toujours su entretenir un important réseau associatif. Le Secours populaire, le Secours catholique, la Croix-Rouge… ont notamment distribué des dons matériels aux sinistrés. Plus une commune dispose d’un bénévolat actif et prompt à aider, plus les effets d’une crise sont amortis.  
Penser la ville de demain
Pour reconstruire la commune, l’État a proposé au Teil,  fin 2019, de s’engager dans un projet partenarial d’aménagement (PPA). Ce dispositif, issu de la loi Élan, rassemble plusieurs entités (État, commune, communauté de communes, département, Anah, Anru, Banque des territoires, Ardèche Habitat, Action logement, notamment). En premier lieu, une étude urbaine va permettre, d’ici à la fin février 2021, de définir une stratégie de développement en adaptant l’urbanisme aux contraintes environnementales. Elle ciblera les sites devant faire l’objet d’une intervention prioritaire. 
Autres actions phares de ce PPA : la mise en place, à l’automne, d’une opération programmée d’amélio­ration de l’habitat (OPAH) qui devrait concerner 75 % des propriétaires occupants. Selon Olivier Peverelli, le maire du Teil, ce PPA est une « opportunité unique de repenser la ville de demain ». Reste désormais à savoir quelle sera l’aide financière apportée par l’État…

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°384 - Novembre 2020
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