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Maires de France
01/07/2019
Aménagement, urbanisme, logement

"Les politiques de droit commun sont encore loin d'être à la hauteur"

Gilles Poux, maire de La Courneuve (93), formule des "exigences" pour renforcer le traitement des quartiers prioritaires qui pourraient nourrir une proposition de loi.

Emmanuelle STROESSER
Illustration
© Remy Deluze
Dstrong>Dix ans après avoir porté plainte auprès de la Halde pour discrimination territoriale, estimez-vous que la situation a changé dans le traitement des quartiers prioritaires ?

Le constat est mitigé. Néanmoins, on a fait œuvre utile car, il y a dix ans, cette question des politiques de droit commun, inégalitaires et discriminantes, était plutôt niée. Depuis, on a eu un ministre à l’Égalité des territoires. Preuve que les consciences évoluent. En 2014, la loi Lamy a réformé les contrats de ville pour mettre la priorité sur les crédits de droit commun plutôt que les seuls crédits spécifiques de la politique de la ville.

 L’Atlas des inégalités territoriales à La Courneuve que vous avez publié au printemps montre que ce droit commun n’est toujours pas mobilisé… 

Les politiques de droit commun sont encore loin d’être à la hauteur. Je parle de l’éducation, de la santé, de l’emploi, de la justice. 
Cet Atlas veut enfoncer le clou en continuant à objectiver ces réalités. Dans le cadre de notre contrat de ville, le fléchage des crédits de droit commun n’a effectivement jamais eu lieu. Nous avons même rencontré des difficultés à obtenir les données pour réaliser l’Atlas. 

Quelles sont-elles justement sur La Courneuve ?

Par exemple, un conseiller Pôle emploi suit ici 160 demandeurs d’emploi contre une moyenne nationale de 116. Il manque 24 policiers nationaux alors que le taux de délinquance est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Les élèves perdent l’équivalent d’une année scolaire à cause du non-remplacement des enseignants.

Dans votre atlas, vous recommandez, notamment, de «rétablir l’égalité républicaine dans les territoires ». Quelle est la mesure prioritaire ? 

La création d’une autorité administrative indépendante qui mesurerait les politiques menées et identifierait les manques. Elle aurait les pouvoirs coercitifs pour objectiver la situation à un temps donné et en mesurer l’évolution. Elle saurait imposer à la CAF, à la CPAM, à l’Éducation nationale l’obligation de répondre aux ­questions posées. Un peu sur le modèle de la Cour d’équité territoriale préconisée par le rapport Borloo en 2018, qui n’a pas été retenue par le gouvernement. 

Vous préconisez aussi de supprimer la politique de la ville. N’est-ce pas paradoxal ?

Nous faisons cette proposition pour ne plus être dans une démarche spécifique mais dans une démarche régalienne. Cette spécificité conduit par exemple à ce que La Courneuve, dans le cadre de la dotation politique de la ville, ait l’équivalent de 28 e par habitant contre une moyenne de 42 e. Mais nous avons plus d’habitants concernés (86 % vivent dans un quartier prioritaire), dans un département lui-même très peuplé. Il faut sortir de ces critères pour aller vers une politique d’égalité capable de réellement mobiliser les moyens en fonction des réalités. Cela concerne aussi les territoires ruraux, confrontés aux mêmes logiques de désertification de l’action publique dans leurs territoires. Nous avons des convergences de lutte. 

Vous avez réuni des Assises de l’égalité le 27 juin à La Courneuve. Quel en était le but ?

J’ai rencontré beaucoup d’élus, le Défenseur des droits, qui disent que l’objectif de notre action est légitime. Est-ce que la République va continuer à se nier dans ce qu’elle a de fondamental ? Ces assises ont permis de discuter autour d’un texte cadre portant 5 exigences : créer une administration indépendante pour l’égalité des territoires, répartir mieux et plus les moyens de l’État, revaloriser le statut des fonctionnaires dans les territoires, investir dans la réussite éducative et revoir les ambitions à la hausse sur l’emploi. Nous allons cet été continuer à fédérer élus locaux et parlementaires pour porter une proposition de loi s’inspirant de ces exigences. 
 

Le gouvernement maintient sa feuille de route
Après la mobilisation nationale pour les quartiers lancée il y a un an, c’est la Grande équipe de la réussite républicaine qui a été mise en avant début juin, «pour aller plus loin » dans la priorité éducative et l’insertion professionnelle. En guise de bilan, le gouvernement évoque les mesures engagées : les 3 MdsE supplémentaires par an, tous ministères confondus, sur les quartiers prioritaires ; l’accélération de la rénovation urbaine ; la police de sécurité du quotidien dans 47 quartiers sur les 60 prévus en 2020 ; les classes dédoublées de CP et de CE1 en ­éducation prioritaire à la rentrée prochaine ; les 80 territoires pré-sélectionnés « Cités éducatives ».
 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°370 - Juillet/Août 2019
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