Les conditions de mise en œuvre d'un couvre-feu par le maire
Le maire peut être conduit à instaurer un couvre-feu sur le territoire de sa commune, mais dans des conditions précises et en lien avec le préfet.
1 Définition
Le couvre-feu est une mesure de police prescrivant l’interdiction de sortir à certaines heures (entre 22h00 et 5h00 principalement) et pour certaines catégories de population. Il entraîne donc une restriction au principe fondamental à valeur constitutionnelle de la liberté d’aller et venir. Le maire doit tenir compte de ces éléments pour prescrire les mesures de police à prendre (lire le point 4). Cet « outil » n’a été que très peu utilisé par les maires ; et s’il l’a été, ce sont principalement pour prévenir et lutter contre la délinquance ou les actes d’incivilités de mineurs.
2 La compétence du maire
Au titre de ses pouvoirs de police générale, le maire peut prendre un arrêté de couvre-feu seulement si des circonstances locales particulières justifient cette mesure, précise le Conseil d’État. Dans ce cas, il doit tenir compte des compétences du préfet qui dispose, au titre de ses propres pouvoirs de police, d’un droit à intervenir dans le même domaine.
3 Le cas de la crise sanitaire
Dans ce cadre-là, la mesure de confinement étant une mesure de portée nationale, il appartient au préfet de prendre un arrêté de couvre-feu au titre de ses pouvoirs de police spéciale, s’il l’estime nécessaire pour l’application de la mesure. Il doit le faire en concertation avec le maire. Le pouvoir de police du maire peut aussi justifier que ce dernier prenne des mesures spécifiques sur sa commune. Dans une ordonnance du 22 mars dernier (1), le Conseil d’État l’a clairement précisé : comme les préfets, « les maires, en vertu de leur pouvoir de police générale, ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires, des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient ». Le maire ne peut en effet jamais assouplir des mesures prises au titre du pouvoir de police spéciale du préfet.
4 Dialoguer avec le préfet
L’instauration d’un arrêté municipal de couvre-feu faisant l’objet d’une articulation complexe entre les deux autorités municipale et préfectorale, le ministère de l’Intérieur et l’AMF recommandent aux maires de prendre contact avec la préfecture en amont. « Si le préfet estime que les circonstances locales l’exigent effectivement, par exemple parce que les consignes ne sont manifestement pas respectées sur telle commune, il validera l’arrêté », indique la magistrate Marie-Céline Lawrysz, conseillère justice au cabinet du ministre de l’Intérieur.
5 Respecter les formalités
L’arrêté municipal doit être adapté et proportionné aux circonstances locales. Il ne doit pas comporter de mesures d’interdiction générale et absolue. Il doit contenir trois mentions :
• les «visas », c’est-à-dire les textes législatifs et réglementaires sur la base desquels il est pris ;
• les « considérants » qui exposent les motifs de la décision : l’arrêté doit préciser les circonstances de fait qui justifient le recours à un tel arrêté ainsi que le but poursuivi ;
• le « dispositif » d’application du couvre-feu (mesures d’interdictions, éventuelles exceptions, les sanctions applicables…).
L’arrêté doit préciser sa date de prise d’effet et sa durée d’application (une date d’expiration doit être fixée quitte, si nécessaire, à ce que le maire reprenne un autre arrêté par la suite si les circonstances le justifient). Il doit obligatoirement comporter le nom, le prénom et la signature du maire (ou de la personne qui a délégation de signature). Il convient de signaler que, dans une ordonnance du 17 avril 2020 (2), le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les maires prennent ces mesures.
(1) Ordonnance du Conseil d’État statuant en contentieux, 22/03/2020, req. n° 439674. (2) Ordonnance du Conseil d’État statuant au contentieux, 17/04/2020,
n° 440057, commune de Sceaux.
Certains préfets ont pris des arrêtés de couvre-feu très larges : c’est le cas du représentant de l’État dans les Alpes-Maritimes, qui a pris le 22 mars un arrêté instaurant la restriction des déplacements de 22h00 à 5h00 dans toutes les communes littorales de moins de 10 000 hab. et dans celles de plus de 10 000 hab. de tout le département. À l’inverse, certaines communes ont vu leur arrêté rejeté ou bien parce que le préfet jugeait que la situation ne justifiait pas la prise d’une telle décision, par exemple à Romorantin (41). Ou bien parce que la préfecture estimait qu’il lui incombait de prendre un tel arrêté en période de crise sanitaire, comme dans le Val-de-Marne. Dans tous les cas, l’État recommande le dialogue.
Lire la note de l’AMF sur www.amf.asso.fr (réf. CW39980).
Cet article a été publié dans l'édition :
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