Congrès des maires 2023. Violences faites aux élus : les maires déterminés à faire face
Toutes les institutions étaient représentées au forum consacré aux violences contre les élus, le 23 novembre. Les intervenants ont unanimement incité les élus victimes à déposer plainte systématiquement. Pour eux-mêmes mais aussi pour mieux lutter contre le phénomène.
2 266. Tel est le nombre d’atteintes aux élus recensés en 2022 par la police et la gendarmerie, soit une progression de 32% en un an. Et la tendance ne ralentit pas, devant croître encore de 15% cette année (2 387 atteintes au 12 novembre). L’ampleur de ces chiffres a été détaillée par Hélène Debiève, sous-préfète en charge du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAE), lors du forum consacré aux violences faites aux élus, le 23 novembre.
Et de préciser : 60% des victimes sont des maires et 80% des élus municipaux. Si les violences physiques restent minoritaires et stables, l’essentiel des actes relève d’outrages, d’insultes, de harcèlement et de dégradations de biens communaux. «Une des priorités pour 2024 sera de renforcer la lutte contre les atteintes cyber », a indiqué Hélène Debiève.
Correspondants police, gendarmerie et justice
« Ayant été maire pendant vingt ans, je n’ai jamais connu un tel climat de violence », s’est alarmé Jean-Noël Buffet, sénateur du Rhône et auteur de la proposition de loi pour renforcer la sécurité et la protection des élus locaux, votée à l’unanimité au Sénat le 10 octobre et en instance d’examen à l’Assemblée nationale. Il s’inquiète de son impact sur la montée des démissions de maires.
A l’instar de tous les institutions présentes (police et gendarmerie nationales, justice), Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy (95) et co-président de la Commission prévention de la délinquance et sécurité de l’AMF, a insisté pour que les élus «déposent systématiquement plainte ». Il a souligné aussi l’importance pour eux d’utiliser les correspondants police, gendarmerie et justice.
L’autre co-président, Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël (83), demande, pour sa part, qu’en cas de non-lieu, «les élus soient rapidement mis au courant et surtout qu’on leur donne des explications ». Tous deux ont rappelé que l’AMF s’est saisi du sujet des violences envers les élus dès 2019, après la mort du maire de Signes (83) qui s’était opposé à un dépôt sauvage.
« Je ne démissionnerai pas »
« Il est hors de question de lâcher face aux actes de violences. Je n’ai pas perdu la niaque et je ne démissionnerai pas », a témoigné Joséphine Kollmannsberger, maire de Plaisir (78), qui a été prise à partie et menacée, jusqu’à des gestes simulant un égorgement, par des jeunes opposés au projet de réhabilitation d’un quartier, manifestant à l’occasion d’un conseil municipal diffusé en direct sur Facebook en mars 2022.
Autre récit saisissant avec ce que vit Laurent Laroche, maire de Bélâbre (36), après le vote par son conseil municipal, en février dernier, de l’ouverture par une association d’un centre pour demandeurs d'asile. Il doit accueillir, en 2024, 38 migrants dans cette commune de 950 habitants. Depuis des mois, il reçoit des menaces (manifestions, tracts, mails, appels téléphoniques et SMS) et vit dans la peur avec son épouse. L’élu s’est même vu menacé d’être «pendu sur la place publique ».
Malgré un soutien de la préfecture, des élus du département ou des gendarmes, il a pensé un moment démissionner. «Je ne l’ai pas fait car cela aurait signifié de céder, a-t-il expliqué. Quand il y a du vent dans les voiles, il faut rester droit et garder le cap ». De même, Laurent Laroche ne voulait pas déposer plainte, au départ, par souci d’apaisement. «Une erreur, reconnait-il, mais le procureur de la République m’a convaincu ». Et d’appeler ses collègues maires à «le faire absolument ».
Favoriser «la désescalade »
Face à ces témoignages très forts, Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, a pointé «une tendance de fond qui s’accélère ». «Malgré la peur, les maires ne cèdent pas, a affirmé la maire de Lampertheim (67). Mais ils ne se sentent pas toujours assez soutenus ». «Ils ne doivent pas hésiter à nous solliciter », a répondu André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, en insistant lui aussi sur l’importance du dépôt de plainte «pour ne pas laisser des faits sous le radar et permettre de détecter des signaux faibles ». «Cela peut se faire en mairie ou à domicile », a-t-il précisé.
« Ces dépôts de plainte restent minoritaires par souci d’apaisement des élus », a regretté Thierry Dran, procureur de la République de Béthune (62). Il a appelé cependant les élus au moins à prévenir la justice pour qu’une enquête soit lancée. «Tous les parquets sont à votre écoute ».
Citant notamment les émeutes urbaines de juillet dernier, Céline Berthon, directrice générale adjointe de la police nationale, constate, elle aussi, la montée des actes de violences envers les élus. Elle a plaidé pour mettre l’accent sur la prévention et la formation des élus, citant notamment le travail fait avec le GIGN pour favoriser «la désescalade » en cas de tension. «Les élus doivent bien identifier les correspondants au niveau départemental et dans les commissariats pour permettre une réaction la plus rapide possible de notre part », ajoute-t-elle.
« Mieux protéger, mieux prévenir, mieux sanctionner »
Présente au forum, Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, a rappelé les mesures mises en place ces derniers mois (pack sécurité, plan de lutte contre la violence faite aux élus) qui s’articulent autour du triptyque «mieux protéger, mieux prévenir, mieux sanctionner ».
Le gouvernement ayant déclaré l’urgence sur la proposition de loi sénatoriale, elle a promis son adoption rapide, le texte devant arriver devant les députés en décembre ou, au plus tard, début janvier. La priorité affichée par la ministre est de «progresser pour rassurer » les 15% d’élus qui ne se sentent pas en sécurité, comme l’a révélé l’étude AMF-Cevipof, présentée durant le congrès.
« L’élu et sa famille doivent être soutenus », a souligné Jérôme Bertin, directeur général de France victimes, qui constate un faible recours à cet accompagnement. La convention signée en 2021 avec l’AMF vise pourtant à le faciliter. «L’aggravation de la situation renforce encore plus ce besoin de soutien », a-t-il insisté, en indiquant aussi la mise en place d’une ligne de mise en relation des élus avec un psychologue (01 80 52 33 84), accessible sept jours sur sept. Suivi par France Victimes, Laurent Laroche reconnaît que «cela lui a fait un bien considérable ».
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