Citoyenneté : l'engagement des jeunes à la loupe
Le Congrès des maires a consacré son "Grand débat" du mercredi 19 novembre au sujet de l'engagement des jeunes dans la cité, à quelques mois des élections municipales.

Seulement 4,7 % d'élus de moins de 35 ans
« Nous n'avons que 4,7 % d'élus en France qui ont moins de 35 ans. C'est un chiffre en baisse permanente. Comment remédier à cela ? Comment s'adresse-t-on aux jeunes pour leur dire que les mandats électifs locaux sont utiles, même cruciaux ? », interroge le président de l'Ajef. «On voit une érosion depuis presque un demi-siècle du nombre des jeunes maires », confirme Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po Paris et directeur du CEVIPOF. Il explique les freins à l'engagement des jeunes par «la massification de l'enseignement supérieur et la complexité croissante du mandat ».
Néanmoins, le spécialiste refuse de parler de crise de l'engagement des jeunes, les conseillers municipaux de moins de 40 ans étant «bien plus nombreux que les maires ». Laurent Lardeux, sociologue et chargé de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), a, lui aussi, apporté un point de vue permettant de nuancer l’idée d’un désengagement : «La défiance pour la vie politique n'empêche pas les jeunes de s'investir dans d'autres domaines (…) et plus facilement dans les petites communes que dans les grandes villes (…) La participation électorale chez les 18-35 ans est en baisse mais comme dans toute la population (à l'exception des plus de 65 ans) ». Les jeunes élus invités à se présenter ont, à leur tour, rassuré par leur vitalité, qu’il s’agisse d’Hugo Biolley, qui fut à 18 ans "le plus jeune maire de France" à Vinzieux (07), de Marylène Paul, 36 ans, maire de Richemont (76) ou encore de Corentin Soleilhac, 26 ans, jeune conseiller écologiste de Dissay (86).
Inégalités face à l’engagement
Reste que pour s’engager, il faut s’y sentir autorisé et y être préparé. Laurent Lardeux rappelle l'existence d' «importantes inégalités » d'accès à la représentation démocratique. Jean Baptiste Cailhau, directeur des partenariats publics de Sport dans la ville, relève, en s’appuyant sur l’action de son association dans les quartiers QPV (où 40 % des habitants ont moins de 25 ans. Source : INSEE), que l'engagement politique repose sur une acculturation familiale.
Pour pallier ce manque, il explique travailler avec les jeunes sur «le temps long, depuis le terrain d’entraînement construit au pied des immeubles », en utilisant le sport pour «remobiliser, sociabiliser, redonner confiance en soi, briser le plafond de verre… », et aussi, «repérer ceux qui ont envie de s'engager, en commençant comme arbitre ou bénévole, et les familiariser avec les politiques publiques, de l'insertion, de l'inclusion ou encore de la lutte contre la pauvreté ». «En ce sens, l’héritage des JO a eu au moins cet effet levier (dans les quartiers) : faire comprendre que le sport aide à travailler d’autres politiques publiques», ajoute-t-il. La jeune maire de Jaujac (07), Marion Houetz, 31 ans, a, elle, rappelé l’importance du compagnonnage entre élus expérimentés et jeunes candidats, ayant été «repérée et accompagnée » par l’ancien maire de sa petite commune, «à la façon d’un passage de relai ».
Un engagement productif
De la même façon que Jean Baptiste Cailhau remarque une «désinstitutionalisation de la pratique sportive, la mise en place d’une nouvelle pratique sportive, avec, par exemple, le refus d’avoir des matchs tous les week-end », il observe une nouvelle forme d’engagement, «plus court, qui attend un retour sur investissement, c’est-à-dire de voir rapidement la cause se réaliser ». Les jeunes engagés qui ont pris la parole ont témoigné de leur appétence pour des sujets qui touchent leur quotidien, tels que l'environnement, l'éducation et les inégalités sociales.
Sur le registre de l’attente d’une valorisation de l’engagement, les jeunes élus à la tribune déplorent d'être souvent cantonnés à des délégations peu mises en avant, liées à la jeunesse, et même, d'être la cible d'attaques, accusés d’être incompétents, imprévisibles ou trop ambitieux. «Comme pour la parité, cela devrait être obligatoire d'avoir un jeune dans chaque conseil municipal », propose Michaël Rousseau, 36 ans, maire de Jouy-sur-Morin (77).
Les intervenants se sont quittés sur l’espoir porté par la réforme, attendue depuis de nombreuses années, du statut de l’élu (le parcours législatif est toujours en cours) pour convaincre de nouveaux profils de les rejoindre. Et aussi sur un discours très enthousiaste sur le mandat de maire de Jean-Louis Borloo, invité d’honneur de la rencontre, qui a été maire de Valenciennes (59) de 1989 à 2002, un mandat qui l’a «transformé » selon ses dires.
Pour 2026, le poids de l’âge
Selon l’enquête AMF/CEVIPOF 2025, l’âge est de loin le facteur le plus décisif pour se représenter aux prochaines élections municipales : 73 % des maires de moins de 35 ans veulent se représenter, contre 30 % seulement des plus de 75 ans. Les dimensions subjectives jouent aussi un rôle majeur. Parmi les maires satisfaits de la vie qu’ils mènent, 63 % souhaitent repartir, contre 23 % seulement chez les insatisfaits. Arrive ensuite comme paramètre le climat - pacifique ou jugé agressif - du conseil municipal. Pour pousser les jeunes vers la vie municipale et/ou associative, l'AMF a lancé une grande campagne en 2025 sur le thème "Osez l'engagement".
Revoir le débat en vidéo.
Revoir l'interview d'Hugo Biolley, maire à 18 ans
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