Assurances des collectivités : la réflexion avance
Un colloque organisé par l'Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale sur le sujet a permis de discuter de nouvelles solutions pour permettre de développer la concurrence sur ce marché atone.
Depuis plus d’un an, la prise de conscience nationale des risques encourus par les collectivités qui ne trouvent plus d'assurance a conduit à la publication de plusieurs rapports (lire nos articles ici et là) et à l’entame de travaux de révision du guide pratique des marchés publics d’assurances par la direction des affaires juridiques de Bercy. La sortie de ce guide est annoncée pour le printemps prochain. Hormis cela, la dissolution de l’Assemblée nationale a retardé un certain nombre de discussions. Des contacts auraient cependant été rétablis entre les différents acteurs et le gouvernement. Le dossier serait même directement traité par le cabinet du Premier ministre.
Un sujet devenu politique
C’est dans ce contexte que s’est tenu, à Paris le 6 novembre, le 23e colloque de l’Observatoire SMACL consacré aux enjeux assurantiels et à la gestion des risques dans les collectivités. La rencontre affichait complet avec 400 participants, dont des élus. «Le sujet a pris une dimension politique », a d’ailleurs débuté d’emblée Jérôme Baloge, maire de Niort et président de SMACL Assurances, en ouverture du colloque.
L’élu niortais a aussi rappelé que SMACL Assurances avait été «créée il y 50 ans par des élus locaux pour mutualiser le risque ». Une manière d’expliquer aux néophytes du sujet qui la réclamaient il y a quelques mois que «l’assurance des élus et des dirigeants locaux » existe déjà. Certes, elle relève du secteur privé, mais a une conception «mutualiste », que possède également la MAIF, pour Jérôme Baloge, la MAIF étant l’assurance qui a repris et recapitalisé SMACL Assurances pour lui éviter la faillite.
Concurrence
Cette année encore, l’assurance historique des collectivités (avec Groupama) se situe en zone dangereuse. Si bien qu’elle cherche à tout prix à ramener des concurrents sur ce marché. «Nous ne pouvons pas assurer toutes les collectivités, ont martelé tout au long de la journée ses représentants. Il faut partager le risque. Et trouver des solutions pour les collectivités. » L’objectif est clair.
Ce d’autant que les risques pour les collectivités augmentent en nombre et en nature : dérèglement climatique, émeutes (à l’été 2023 dans l’hexagone, en Outre-mer aujourd’hui), cyberdélinquance, risques industriels, juridiques, etc. Mais aussi transferts de charges et de risques liés aux transferts de compétences entre l’État et les collectivités (digues domaniales depuis janvier 2024, voirie...).
Connaissance du patrimoine
Aussi l’un des principaux conseils ressorti de la journée consiste à travailler sur la connaissance des risques existants et sur la connaissance du patrimoine à assurer. «Quel est l’actif de nos collectivités ? Nous n’avons pas l’habitude de travailler ainsi, admet Alain Chrétien, maire de Vesoul, co-auteur d’un rapport sur l’assurance des collectivités, et vice-président de l’AMF. C’est un travail de fourmi ».
Réaliser l’inventaire précis de son patrimoine signifie faire un état comptable des actifs, qu'il faut confronter «à des données plus anciennes relatives à ces actifs qui existent forcément quelque part dans des fichiers Excel, Word ou autres dans la collectivité, détaille Thimothée Dumortier, chef de service immobilier au conseil départemental du Vaucluse pour lequel il a réalisé un inventaire. Depuis 2023, tout propriétaire, collectivités comprises, peut voir la liste de ses biens sur le site des impôts. Le cadastre, également accessible en ligne, donne également des indications. Cela fait déjà quatre inventaires à confronter. Ensuite, il est possible de se rapprocher des services de la publicité foncière pour vérifier la propriété d’un bien. Attention à ne pas oublier tout ce qui est bail emphytéotique, biens issus de la décentralisation ».
Culture du risque
Connaître les risques, c’est aussi avoir une culture du risque, «encore trop peu développée », de l’avis de nombreux intervenants. Réaliser des tests grandeur nature, faire réaliser des diagnostics, répondre à un questionnaire, communiquer auprès de la population… concourent à cultiver cette culture du risque, pour mieux anticiper.
La gestion des risques est un autre pan à travailler. Avec l’aide éventuelle d’un «risk manager » (gestionnaire de risque) qui «cotera le risque » ou à tout le moins un agent référent qui aura une vision d’ensemble des problématiques et qui pourra en suivre l’état et être le contact des assureurs. Gérer un risque, c’est également apprendre à faire des choix, parfois politiques et peu acceptables par une population. Par exemple dans le cas des digues. «Une digue finira toujours par rompre, explique Albane Guignard Martin, directrice du syndicat Seine Normande. Une bonne digue est celle qui va protéger contre les crues décennales, pas contre une crue centennale. Pour éviter que la digue ne casse, ce qui pourrait entraîner des conséquences sur les vies humaines, nous inondons certaines zones aval (gestion classique des digues), donc nous créons des dommages aux biens. Mais nous ne savons pas ce que l’on risque d’un point de vue assurantiel. Il y a quelques temps, les relations avec les habitants ont été tendues jusqu’à l’agression d’agents car des habitations ont été inondées ».
Dommage aux biens ou risque pénal
« Vous vous prémunissez contre le risque pénal car vous sauvez des vies », a rassuré l’avocat Éric Landot. Là se situe un autre aspect à anticiper dans la gestion de risques, notamment pour les élus qui décident d’une action ou d’une autre en fonction du coût et des conséquences. Au-delà de la gestion des risques juridiques, de contentieux, pointe le risque pénal pour l’élu qui aurait pris les mauvaises décisions ou n’aurait pas pris en compte certains risques pesant sur la vie humaine.
Dans ces conditions, trouver une assurance relèverait presque du miracle. C’est l’une des raisons pour lesquelles «il est important de rétablir la confiance entre le monde de l’assurance et les collectivités car il nous faut trouver des solutions, exhorte Alain Chrétien. Nous assurons des services publics ». L’heure n’est plus au débat sur lequel du Code de l’assurance ou du Code de la commande publique l’emporte juridiquement, mais à l’opérationnalité qui ne peut passer que par le dialogue entre les parties, selon nombre de participants au colloque de l’Observatoire.
Rétablir le dialogue
Cela peut commencer par exemple par des marchés publics à procédure négociée (et non plus des appels d'offres), avec des cahiers des charges précis sur les biens à assurer et qui mettent en avant toutes les initiatives de la collectivité en matière de prévention des risques. Les candidats aux marchés pourront ainsi percevoir comment la personne publique appréhende le risque. Certains acteurs réclament un cahier des clauses administratives générales dédié à l’assurance pour faciliter les procédures. D’autres prônent la prise en charge en auto-assurance par les collectivités des sinistres les moins importants (comme un bris de glace sur un véhicule), laissant les plus gros à la charge des assureurs et les dégâts exceptionnels comme les catastrophes naturelles ou les émeutes à un fonds spécifique national.
Des solutions existent. Les réflexions ont largement avancé depuis un an. Reste à passer à la phase opérationnelle. Au terme du colloque de l’Observatoire SMACL, élus et assureurs avaient «espoir » d’y arriver prochainement.
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