Assurances des collectivités : le dossier avance "enfin"
Gouvernement, élus locaux, assureurs, réunis le 14 avril à l'Hôtel de Roquelaure, siège du ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, se sont accordés sur des mesures rapides pour résoudre les difficultés assurantielles des collectivités.

« Enfin ! Nous sommes enfin réunis sous l’égide du gouvernement ! », s’est exclamé Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône) et vice-président de l’AMF. Depuis que l’Association des maires de France a tiré le signal d’alarme en septembre 2023 sur les difficultés des communes à s’assurer et la publication de trois rapports aux préconisations plus ou moins convergentes (rapport Chrétien-Dagès, rapport du sénateur Husson, avis de l'Autorité de la concurrence), le dossier s’était enlisé, faute de stabilité gouvernementale.
Ce 14 avril, élus locaux, assureurs, trois ministres et le Premier ministre ont échangé au ministère de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation. Objectif fixé par le gouvernement : «Pas une collectivité ne doit se trouver sans solution d’assurance ». Les trois parties ont signé une charte dans laquelle elles s’engagent chacune à faire un pas vers l’autre à travers un plan d’action décliné en cinq axes, rapide à mettre en œuvre.
Cellule d'accompagnement
Une cellule d’accompagnement des collectivités en difficulté assurantielle, baptisée CollectivAssur, sera mise en place «d’ici l’été », auprès du Médiateur des assurances, Arnaud Chneiweiss. Ce tiers de confiance garantira «des réponses justes et impartiale », décrypte-on dans l’entourage de François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation.
Saisie par une collectivité, cette cellule «fera un diagnostic flash » de la difficulté soulevée, puis «accompagnera et orientera la collectivité soit en renvoyant vers des pools d’experts, soit en renvoyant vers le Bureau central de tarification (BCT), instance qui peut obliger des assureurs à assurer une collectivité, «au tarif du marché », précise l’entourage du ministre. La commune de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritime) en a ainsi bénéficié en janvier dernier. Présent à ce «Roquelaure de l’assurance des collectivités », le maire de la collectivité, Sébastien Olharan, a toutefois précisé que «les cotisations [avaient] été multipliées par huit, les franchises ont augmenté et beaucoup de risques ne sont pas assurés ». La commune n’est assurée que jusqu’à la fin 2025.
Lorsque la cellule CollectivAssur orientera vers des experts, cela se fera aux frais de la collectivité. «Il ne faut pas que nous nous substituions au privé [que sont] les assistants à maîtrise d’ouvrage, les experts en assurance… », a précisé le Médiateur de l’Assurance, Arnaud Schneiweiss, auprès de Maires de France. «La cellule vérifiera avec le maire qu’il est bien au courant des différentes aides existantes, elle lui prodiguera quelques conseils de bon sens, puis renverra si besoin vers les acteurs spécialisés ».
Par ailleurs, cette cellule deviendra également un observatoire de l’assurance des collectivités, qui rendra un rapport chaque année sur la situation. Elle animera en outre un réseau national des différents acteurs de l’assurance.
Privilégier les marchés publics avec négociation
Second axe du plan : la commande publique devra s’adapter et privilégier la négociation dans les marchés publics plutôt que les appels d’offres, qui interdisent toute discussion entre la collectivité et les candidats. Les visites sur sites seront ainsi facilitées. Le guide pratique pour la passation des marchés publics d’assurance est en train d’être réécrit dans ce sens et sera publié à l’été.
En retour, les assureurs devront mieux calibrer leurs contrats aux besoins réels. La jurisprudence Grand port maritime de Marseille du 12 juillet 2023 qui donnait un préavis à l’acheteur public en cas de résiliation d’un contrat d’assurance a été transposée dans le projet de loi «simplification de la vie économique » (en cours d’examen à l’Assemblée nationale) : lorsque la loi sera votée, un préavis de 6 mois devrait être imposé avant toute résiliation de contrat.
Deux décrets devraient par ailleurs résoudre la problématique des franchises. Aujourd’hui, la franchise la plus haute s’applique aux dommages aux biens. Demain, cette franchise sera plafonnée pour les petites communes et s’élèvera par défaut à une fraction du montant des dommages. Un second décret plafonnera également la franchise catastrophe naturelle dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN).
Solidarité nationale
Le troisième volet du plan porte sur l’activation de la solidarité nationale. Le gouvernement s’est engagé à moderniser et à simplifier la dotation de solidarité (DSEC) pour les collectivités touchées par un événement climatique ou géologiques dans le projet de loi de finances 2026.
Parallèlement, les acteurs travailleront à définir là aussi «d’ici la fin de l’année » un dispositif de couverture du risque «émeute » sur les modèles existants déjà pour l’agriculture, le risque nucléaire ou encore le terrorisme.
L’un des autres piliers du plan d’action porte sur la maîtrise de la sinistralité par le renforcement de la prévention et le développement de la culture du risque. Ceci passera par la sensibilisation, la formation des agents à la maîtrise des risques, la prévention et la gestion de crise (avec l’appui des services de l’État), la connaissance actualisée du patrimoine (le ministre François Rebsamen a demandé au Cerema d’aider les petites communes à évaluer leurs biens)… Gouvernement et assureurs se sont engagés à revoir la notion de «reconstruction à l’identique », qui n’apparaît pas toujours adéquate.
Comités locaux
Enfin, ce premier «Roquelaure des assurances » devrait trouver une suite dans l’incarnation d’un réseau national et local permanents. Le premier assurera le suivi du plan d’action. «Nous verrons à la fin de l’année si ce plan a fonctionné, a promis François Rebsamen, lors d’un point presse tenu à l’issue de la rencontre. Nous ne voulons pas a priori d’une loi, mais s’il faut passer par une loi pour que les collectivités trouvent une assurance, nous le ferons ! » Au niveau local, les préfets pourront convoquer un «comité local de l’assurabilité des collectivités » qui réunira là aussi tous les acteurs locaux des assurances : associations d’élus, représentation territoriale de France Assureurs, direction départementale des finances publiques pour résoudre des difficultés locales.
Obligation de résultats
« Nous avons une obligation de résultats », a prévenu François Bayrou en clôture de ce «Roquelaure des assurances. «Il n’est pas possible de se voir opposé un refus d’assurance du patrimoine. Le patrimoine ne peut pas être abandonné ». Un engagement reçu positivement par Alain Chrétien : «Il est bien que le plus haut niveau de l’État se soit saisi du sujet. Nous avons enfin pu discuter sans filtre avec les assureurs. Les préconisations retenues sont des avancées positives. Certes, cela ne résoudra pas toutes les difficultés, mais nous suivrons [ce plan] et l’évaluerons en fin d’année ou en début d’année prochaine », a-t-il confié à Maires de France. Le sénateur Jean-François Husson y voyait lui aussi «un premier pas encourageant » tout en soulignant qu’un texte de loi sera nécessaire en particulier pour traiter du risque émeute. Il a annoncé qu’il déposerait prochainement une proposition de loi.
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